« No risk it, no biscuit. You can’t live scared. » C’est l’une des expressions fétiches de Bruce Arians, entraîneur-chef des Buccaneers de Tampa Bay. Qui ne risque rien n’a rien et on ne peut pas vivre dans la peur. Ça résume bien l’homme.

Il y a une dizaine d’années, Marc Trestman, qui dirigeait encore les Alouettes à cette époque, m’avait parlé d’Arians, qu’il avait connu dans la NFL, et de son système de jeu. « Son attaque est extrêmement exigeante pour le quart-arrière. La lecture du jeu est difficile et il y a beaucoup de variantes. Bruce est un bon entraîneur et un chic type. Vous le saluerez de ma part si vous le croisez au Super Bowl », m’avait dit Trestman.

Arians était alors le coordonnateur offensif des Steelers de Pittsburgh, qui affrontaient les Packers de Green Bay au Super Bowl cette année-là. Je lui avais fait le message de Trestman en m’entretenant avec lui à Dallas. Arians s’était informé de Trestman, mais il n’y avait pas trop de small talk avec lui. Il allait droit au but, pas de platitudes.

Après trois Super Bowls, dont deux victoires, avec les Steelers, Arians s’est gentiment fait montrer la porte de sortie. Les Steelers avaient choisi de ne pas renouveler son contrat, mais plutôt que de simplement dire qu’ils le remerciaient, ils avaient annoncé qu’Arians prenait sa retraite, ce qui n’était pas le cas du tout. Arians voulait poursuivre sa carrière, et c’est ce qu’il a fait en devenant le coordonnateur offensif des Colts d’Indianapolis en janvier 2012.

Arians ne se doutait pas qu’il obtiendrait enfin sa chance comme entraîneur-chef moins d’un an plus tard. Chuck Pagano, l’entraîneur-chef des Colts, avait appris qu’il était atteint de la leucémie, et c’est Arians qui allait le remplacer par intérim. Arians a remporté 9 de ses 12 matchs, ce qui lui a valu le titre d’entraîneur-chef de l’année.

Lorsque Pagano a repris son poste, Arians est devenu l’entraîneur-chef des Cardinals de l’Arizona, en 2013. Il a été nommé meilleur entraîneur de la NFL pour la deuxième fois en trois ans à sa deuxième saison avec l’équipe.

Après cinq ans en Arizona, Arians a annoncé sa retraite, cette fois pour de vrai, et a passé la saison de 2018 au réseau CBS comme analyste. Mais à l’âge de 67 ans, la passion du coaching ne s’est jamais dissipée pour Arians, qui a accepté de diriger les Buccaneers il y a deux ans.

À sa deuxième saison avec les Bucs, Arians est de retour au Super Bowl, pour la première fois comme pilote. Presque une décennie après que les Steelers eurent tenté de le pousser à la retraite.

« C’est probablement l’année la plus satisfaisante que j’ai vécue dans le coaching, à cause de la pandémie et de tout ce qu’il a fallu surmonter. Voir cette équipe grandir, s’améliorer et prendre forme à temps pour les éliminatoires, c’est une année fantastique et j’en suis très reconnaissant », a commenté Arians au USA Today, cette semaine.

Place à la diversité

Arians et ses Bucs tenteront de finir leur saison mémorable en détrônant les Chiefs de Kansas City, dimanche soir. Ce n’était pourtant pas parti pour être ce genre de saison à Tampa Bay. On se rappellera qu’Arians ne s’était pas gêné pour critiquer Brady devant les médias après un début de saison inégal.

Arians a d’ailleurs toujours été reconnu pour deux choses : sa sélection de jeux audacieuse et sa franchise devant les micros. En voilà un qui n’a jamais eu peur de livrer le fond de sa pensée.

Mais Arians est maintenant reconnu pour une autre chose. Son ouverture d’esprit n’a pas d’égale dans la NFL. Le groupe d’entraîneurs adjoints d’Arians est le plus diversifié de la ligue et peut-être même du sport professionnel en entier.

Les trois coordonnateurs des Buccaneers, Byron Leftwich (attaque), Todd Bowles (défense) et Keith Armstrong (unités spéciales), sont des Afro-Américains, et deux femmes, Lori Locust et Maral Javadifar, occupent des postes d’assistantes.

C’est Bruce Arians qui a embauché la première femme entraîneuse dans la NFL, Jen Welter, avec les Cardinals de l’Arizona, en 2015.

« Si vous pouvez enseigner, vous pouvez être entraîneur. Pour ce qui est des femmes, il était grand temps. Le moment était venu de défoncer cette porte et de leur donner une chance, car elles sont tout à fait qualifiées. Celles qui font partie de notre équipe sont même surqualifiées », a dit Arians cette semaine.

Arians n’est pourtant pas un entraîneur de la nouvelle vague, dont font notamment partie les Sean McVay, Kyle Shanahan et Matt LaFleur. Il est âgé de 68 ans, trois ans de plus qu’Andy Reid, l’entraîneur-chef des Chiefs.

Or, comme Arians, Reid estime qu’il y aura de plus en plus de femmes sur les lignes de touche dans la NFL. Il n’exclut d’ailleurs pas qu’une femme devienne entraîneuse-chef un jour.

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Andy Reid, entraîneur-chef des Chiefs de Kansas City

« Je garde l’esprit ouvert à ce sujet. Ma mère était médecin à une époque où c’était très rare. La médecine était un univers d’hommes », a raconté Reid, mardi.

« Il y a des femmes qui font partie de notre groupe de préparateurs physiques et elles font un travail exceptionnel », a noté Reid.

L’avantage de l’expérience

Le football est un sport de jeunes comme il y en a peu. La très grande majorité des joueurs de la NFL voient leur carrière prendre fin avant d’avoir fêté leur 30e anniversaire.

C’est toutefois l’inverse au niveau du coaching. En comptant le Super Bowl de dimanche, les 10 derniers entraîneurs-chefs à avoir soulevé le trophée Lombardi auront été âgés de 50 ans ou plus. Plusieurs d’entre eux (Bill Belichick, Pete Carroll, Tom Coughlin et Reid) l’auront fait alors qu’ils étaient dans la soixantaine.

« La sagesse vient avec l’âge et l’expérience est effectivement un facteur important. Cela dit, il y a de très bons jeunes entraîneurs dans la NFL qui ne feront que s’améliorer et qu’on est très chanceux d’avoir dans la ligue », a nuancé Reid.

Le cas de Bieniemy

Comme Arians avec les Bucs, Reid s’assure toujours de vanter le travail de ses adjoints, particulièrement celui d’Eric Bieniemy. Le coordonnateur offensif n’a toujours pas obtenu un poste d’entraîneur-chef, même si son nom revient pratiquement toutes les fois qu’il y a une ouverture depuis quelques années.

« Eric Bieniemy travaille extrêmement fort et il est très dévoué. L’équipe qui l’embauchera aura beaucoup de chance », a dit Reid, qui communiquera même avec certaines équipes après le Super Bowl afin de mieux comprendre leur décision d’avoir ignoré Bieniemy, qui est Afro-Américain.

« J’aurai plus de temps pour essayer d’en apprendre davantage. Je n’ai pas eu l’occasion de parler avec certains propriétaires, directeurs généraux ou présidents d’équipe. Je suis curieux d’obtenir leurs commentaires afin de savoir pourquoi il [Bieniemy] n’a pas été choisi. »

La loyauté et la communication sont deux autres raisons derrière le succès de Reid et d’Arians. Avoir une bonne communication dans une équipe est essentiel aux yeux du meneur des Chiefs.

« Je communique toujours avec les gens en leur disant la vérité, que ce soit positif ou négatif. Au sujet de leur personnalité ou de leur travail. Je pense que c’est la façon dont les gens aiment être traités.

« Il n’est pas nécessaire de crier, ce n’est pas la bonne approche. Je traite les gens comme je veux être traité. Nous sommes essentiellement des enseignants, et c’est ce que je suis : un enseignant auprès de jeunes hommes. »