Luc Brodeur-Jourdain rencontrait les médias par téléconférence vendredi. La raison officielle est qu’il a accepté de devenir ambassadeur du programme Blitz contre la faim, de Purolator.

Ce projet, cher aux Alouettes, a été lancé plus tôt cette année en raison de l’impact de la Covid-19 sur ceux qui ont un accès limité à la nourriture. Très tôt dans la conversation, l’ancien joueur de ligne offensive devenu entraîneur s’est ouvert sur un aspect moins connu de sa vie.

Ce pour quoi cette initiative le touche particulièrement. Il a parlé avec son cœur.

PHOTO D’ARCHIVES MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

L’entraîneur Luc Brodeur-Jourdain, des Alouettes de Montréal, le 29 janvier 2020.

Ma mère avait 16 ans quand elle était enceinte de moi, je suis né quand elle avait 17 ans. Elle s’en allait en secondaire 5. Ma sœur est née deux ans plus tard. Pour une mère monoparentale, je sais que c’était financièrement difficile. Elle a tout fait pour qu’on ait ce dont on avait besoin, la nourriture, un toit au-dessus de notre tête, les besoins de base de la pyramide de Maslow, mais on n’était pas riches. Quand on parle des enfants et des besoins essentiels, ai-je faim, suis-je en sécurité, est-ce que je peux grandir dans la vie ? Quand tu as faim, c’est déjà deux prises contre toi.

Luc Brodeur-Jourdain

Brodeur-Jourdain assure n’avoir manqué de rien dans sa jeunesse et il a rendu un bel hommage à sa mère. Mais il confie avoir déjà vu la première femme de sa vie faire des acrobaties pour joindre les deux bouts. Et il sait fort bien que la période actuelle ne fait rien pour aider la situation.

« Dans un temps comme la covid, un Blitz contre la faim, ça peut aider beaucoup de foyers au Québec. Si on peut enlever le stress ne serait-ce que dans un foyer, ce sera déjà ça. Les problèmes s’accentuent en situation de crise comme en ce moment. »

PHOTO D’ARCHIVES OLIVIER PONTBRIAND, LA PRESSE

Luc Brodeur-Jourdain, durant sa dernière saison comme joueur, le 2 juillet 2019.

Concrètement, Brodeur-Jourdain fera lui-même un don en argent, et il invite bien sûr les gens à faire de même. Il se faisait aussi un devoir de laisser des denrées au stade Percival-Molson les années passées, à une époque où le stade était un peu plus vibrant qu’en ce moment. Au total, le programme a distribué 13 millions de livres de nourriture aux Canadiens dans le besoin depuis son instauration par la Ligue canadienne de football en 2003.

La déclaration d’Ambrosie

Parlant de Ligue canadienne de football…

Disons que le commissaire de la ligue Randy Ambrosie a fait jaser jeudi en admettant devant un comité permanent des finances de la Chambre des communes que « l’annulation de la saison 2020 était le scénario le plus probable ». Il justifiait ainsi sa demande d’une aide gouvernementale d’urgence de 30 millions, et pouvant atteindre même jusqu’à 150 millions si la situation empirait.

Pour Brodeur-Jourdain, il était logique de la part d’Ambrosie de tout de suite imaginer le pire scénario, surtout dans l’actuel climat d’incertitude.

Quand tu te prépares pour quelque chose, tu te prépares pour le pire, c’est ce dont il parlait.

Luc Brodeur-Jourdain

« J’ai de l’espoir et je suis prêt à commencer tout de suite. J’ai hâte de commencer avec les gars. On prépare la saison, on se parle chaque semaine. On est prêts pour le début de la saison, on est prêts pour un camp, mais c’est ce que c’est. On est tous dans le même bateau, on suit les recommandations du gouvernement. On doit être respectueux et faire le mieux pour la société. »

Brodeur-Jourdain s’est ensuite livré à un vibrant plaidoyer pour la valeur patrimoniale de la LCF.

PHOTO GRAHAM HUGHES, PRESSE CANADIENNE

Luc Brodeur-Jourdain (58) avant de passer du terrain aux lignes de touche, lors d’un match contre les Tiger Cats de Hamilton le 4 juillet 2019.

« Je n’étais pas sous le choc par ce qu’il a dit. C’est important de mettre en perspective qu’on doit évaluer tous les scénarios quand tu es devant le gouvernement. L’éventualité qu’il n’y ait de pas de matchs est plausible. S’il n’y a pas de saison, la solidité même de la ligue est un point d’interrogation. C’est important de comprendre l’importance de la LCF au Canada. J’estime que ça va au-delà des billets, du spectacle, ça nourrit des générations d’hommes qui ont le rêve de jouer dans la LCF et qui vont aller chercher un bac, un doctorat, pendant qu’ils s’y rendent. Le rêve de la LCF est possible ici. »

Reste que pour l’instant, tout est en suspens, au pire moment sportivement tandis que les joueurs doivent mettre le paquet pour retrouver leur pleine forme physique. Brodeur-Jourdain garde évidemment un contact étroit avec les autres joueurs des Alouettes, dont il faisait partie il y a quelques mois à peine. Sans surprise, c’est à lui de détendre l’atmosphère.

C’est ainsi qu’il a rappelé à ses anciens coéquipiers qu’à défaut d’avoir un plateau de poids et haltères digne de ce nom, un peu de béton en poudre bien brassé et durci dans un seau, c’est lourd. Il se félicite même d’avoir vu certains joueurs se créer eux-mêmes une station de « squat » à l’aide de morceaux de bois.

« Tous les joueurs vivent ça comme nous, ils sont à la maison. On n’a pas accès aux parcs, aux terrains de football, aux gyms. Le plus gros défi, et là où je peux aider, c’est de stimuler leur créativité à l’entraînement. J’essaie de partager mes trucs avec eux. »

Avant de rappeler qu’il a quelques poches de béton en réserve. Le message est passé pour les retardataires.