Après l’euphorie du Super Bowl qui a duré quelques semaines, Laurent Duvernay-Tardif et sa copine Florence ont fait un voyage dans les Antilles. À leur retour en sol québécois, ils ont été mis en quarantaine. Ça n’a cependant pas empêché Duvernay-Tardif de s’informer afin de savoir de quelle façon il pouvait apporter son aide durant la crise de la COVID-19.

« Lorsqu’on est revenus au Québec le 12 mars, les mesures de prévention pour les voyageurs venaient tout juste d’être implantées. C’était le début de la crise et ça nous a frappés parce que c’est comme si tout était sur pause. Entre l’aventure du Super Bowl et notre retour de voyage, disons que c’était le jour et la nuit. »

« Dès le jour 1 lorsqu’on est revenus, on s’est mis en isolation et j’ai commencé à ouvrir des lignes de communication avec les autorités de la santé publique et avec le ministère de la Santé pour voir comment je pouvais aider, et quelle serait la meilleure façon de le faire », a raconté Duvernay-Tardif.

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Laurent Duvernay-Tardif lors d'une clinique de sang au Pavillon d'éducation physique et des sports de l'Université Laval, à Québec, le 18 février 2020.

Bien qu’il ait complété son doctorat en médecine, Duvernay-Tardif ne peut toujours pas pratiquer puisqu’il n’a pas encore fait sa résidence.

« Ma plus-value en ce moment n’est donc pas très grande, mais c’est sûr que s’il y a un besoin et qu’on me demande d’aider, je vais le faire. Pour l’instant, les gens avec lesquels on communique presque quotidiennement nous disent que la meilleure façon de m’impliquer, c’est d’être une courroie de transmission au niveau médiatique pour passer le message. »

Et le message de Duvernay-Tardif est le même qui est transmis par les autorités publiques depuis le départ, mais qui semble malheureusement entrer par une oreille et sortir par l’autre chez certains, notamment chez les plus jeunes.

« C’est inquiétant de voir les chiffres et de voir que sur l’île de Montréal la tranche d’âge la plus touchée par le virus est celle entre 20 et 29 ans. C’est donc super important de réitérer l’importance des mesures qui ont été mises en place par la santé publique. »

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Laurent Duvernay-Tardif.

« Il faut comprendre que la meilleure façon de combattre ce virus-là, ce n’est pas de se rendre à l’hôpital lorsqu’on l’attrape. Le traitement médical en est un de support, seulement. C’est donc extrêmement important de faire de la prévention et de respecter les mesures de distanciation sociale. »

« On l’a beaucoup entendu qu’il fallait rester à la maison, mais il faut continuer de le répéter car, manifestement, il y a encore des gens qui se sentent invincibles face à cette situation. C’est vrai que les jeunes ne vont probablement pas mourir de cette maladie, mais ils peuvent devenir des vecteurs et contaminer leurs proches ou leurs grands-parents. Ça peut faire boule de neige très rapidement. »

Questions au Super Bowl

Dans la semaine qui a précédé le Super Bowl à Miami, donc à partir du 27 janvier, Duvernay-Tardif a répondu à quelques questions au sujet du coronavirus. Comme bien des gens, il ne se doutait pas de ce qui nous attendait à ce moment.

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Laurent Duvernay-Tardif (76) lors d'un match des Chiefs de Kansas City.

« C’est fou la vitesse avec laquelle ça s’est déroulé. Une journaliste m’avait demandé ce que je pensais du coronavirus et j’avais trouvé la question particulière parce qu’on était à quelques jours du plus gros événement sportif en Amérique. Mais elle était en avance sur nous et elle avait raison de s’en inquiéter dès le mois de janvier. Tout le monde a changé son fusil d’épaule depuis, certains plus rapidement que d’autres. »

« Je suis heureux des mesures qui ont été prises au Québec et du moment qu’elles l’ont été. La santé publique a fait du très bon travail. Maintenant, c’est notre rôle en tant que citoyen de respecter ces mesures. On fait bien ça, mais on a encore du chemin à faire », a dit le joueur des Chiefs de Kansas City.

« Ce qu’on peut faire en tant que citoyen, c’est de s’isoler et d’aider à aplanir la fameuse courbe dont on parle tant afin d’à tout le moins permettre au réseau de la santé de gérer la crise et de donner les meilleurs soins possible à tous les patients. »

Camarades de classe au front

Même s’il est contraint de rester sur les lignes de côté à l’heure actuelle, Duvernay-Tardif communique avec des gens qui ont étudié à la même époque que lui à l’Université McGill.

« Plusieurs de mes amis avec lesquels j’ai étudié sont des urgentologues ou des médecins de famille. L’une de mes amies fait du dépistage de la COVID-19 dans une clinique. Ce sont des gens qui se mettent à risque pour le bien-être de la collectivité. On sait que la profession médicale est extrêmement exigeante, mais elle l’est encore beaucoup plus en ce moment, et il faut en être reconnaissant. »

L’actuelle pandémie démontre que certains systèmes de santé sont vulnérables, que ce soit notamment en raison d’un manque de capacité ou de pénuries d’équipement.

« Oui c’est inquiétant. C’est un sujet dont on entend beaucoup parler ces derniers jours. Ce ne sont toutefois pas tous les pays qui ont pris les mêmes mesures, et ils ne sont pas tous rendus au même point par rapport à la courbe. Il sera intéressant de voir quels pays auront été les plus avant-gardistes, mais on ne le saura qu’à la fin de la crise. »

Le Missouri, l’état dans lequel Duvernay-Tardif joue au football, était du nombre de ceux qui n’avaient toujours pas ordonné à sa population de rester confinée à moins d’une urgence ou d’une nécessité au moment de rédiger ce texte. Une situation décriée par certains, mais tolérée par d’autres aux États-Unis.

« Je ne veux pas trop me prononcer sur cette question car je ne suis pas un expert en santé publique et je ne connais pas trop les rouages de ce domaine aux États-Unis. Mais c’est clair que certains états et certaines villes américaines ont un décalage par rapport à ce que nous avons fait au Québec. »

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Laurent Duvernay-Tardif (76) célébrant un botté de placement des Chiefs contre les Jaguars de Jacksonville.

« C’est important de rappeler que je ne suis pas un spécialiste de la santé publique, loin de là. Mais ça été très intéressant de suivre dans les médias de quelle façon les différents pays ont réagi face à l’évolution de la propagation du virus. Je pense qu’on sera capables d’en tirer plusieurs conclusions après la crise. »

Personne ne peut prédire de quelle façon ou à quel moment la pandémie de la COVID-19 prendra fin. Duvernay-Tardif est toutefois convaincu qu’elle aura mené à des changements sociaux.

« Je pense qu’il va y avoir une nouvelle normalité qui va s’installer. Est-ce qu’on va encore voyager autant ? Est-ce qu’on sera encore aussi insouciants face à certaines règles d’hygiène ? Je pense que ça nous fera beaucoup réfléchir. On va revenir à la normale, mais ce sera peut-être une nouvelle normale. »

Des défis pour sa fondation

Confiné à son domicile comme la grande majorité de nous tous, Duvernay-Tardif s’occupe entre autres à faire de la planification pour sa fondation.

« La philanthropie est le milieu dans lequel j’œuvre le plus au Québec et il y a plusieurs milieux qui sont durement frappés par la crise. Il va assurément y avoir des coupures financières alors on essaie de trouver des solutions. On sait que nos collectes de fonds pour mener nos programmes auprès des enfants seront plus difficiles. »

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Laurent Duvernay Tardif, lors d'une activité de plein air organisée pour des écoles au Stade Percival Molson.

« On est également en mode solution pour voir de quelle façon on peut avoir un impact auprès des jeunes. Nos programmes artistiques et sportifs fonctionnaient bien jusqu’en mars. Tous ces programmes sont évidemment mis sur pause. On veut donc s’ajuster le plus rapidement possible, que ce soit avec des plateformes en ligne ou de d’autres façons pour entrer en contact avec les jeunes. »

« On veut également voir s’il y a une façon pour nous de nous impliquer durant l’été. On sait que certains jeunes, particulièrement ceux dans les milieux défavorisés, perdent parfois leurs bonnes habitudes scolaires durant les mois d’été. Alors si la situation actuelle perdure jusqu’en septembre prochain, il va falloir trouver des façons de stimuler les jeunes afin qu’ils continuent d’apprendre et qu’ils ne soient pas toujours devant un écran pendant six mois. »

En ce temps de crise, Duvernay-Tardif garde sa forme physique en vue d’une potentielle saison de football. Mais son esprit est ailleurs.

« C’est sûr que j’espère qu’il y aura une saison et qu’on puisse commencer notre camp d’entraînement en juillet. Mais s’il n’y a pas de saison, ça voudra dire qu’il y aura des problèmes beaucoup plus graves et dramatiques dans la société, que ce soit au Québec, au Canada ou aux États-Unis, que celui de ne pas jouer au football. J’ai donc tendance à penser plus en étudiant de médecine et en citoyen qu’en footballeur dans la situation actuelle. »