Après un long entretien avec Mario Cecchini la semaine dernière, Danny Maciocia est rentré chez lui avec, en poche, une proposition de contrat. Son rêve pouvait enfin se réaliser : devenir directeur général des Alouettes, équipe qui occupe une place unique dans son cœur depuis son enfance. Mais pas question d’accepter l’offre sans en parler à sa femme et à leurs trois filles. Une responsabilité pareille demande un engagement entier, et toute la maisonnée devait adhérer au projet.

« J’ai regardé ce contrat et je l’ai regardé encore, raconte Maciocia. Je ne pouvais pas y croire… Et vendredi, je suis allé au bureau de ma femme et je lui ai demandé de le lire à son tour une dernière fois. Elle m’a dit : “Si tu acceptes, on va tous t’appuyer.” Je lui ai alors proposé de le signer devant elle. On l’a ensuite numérisé et envoyé aux Alouettes. Quand ç’a été fait, on s’est regardés et on s’est dit : “Quel parcours !” Ç’a été un moment touchant, c’est sûr… »

Pour bien comprendre la signification de cet instant dans la vie de Maciocia et de sa femme, Sandra, il faut remonter à 1996. Grâce à une recommandation de son ami Jacques Dussault, il a été embauché par les Alouettes… à titre de bénévole. Des heures durant, il s’est arraché les yeux devant un écran à décortiquer le jeu des adversaires. « J’avais une entente avec ma femme : donne-moi deux ans et, après, j’obtiendrai un vrai contrat… À cette époque, c’est elle qui a fait tous les sacrifices pour payer nos dépenses. »

PHOTO ROBERT SKINNER, ARCHIVES LA PRESSE

Danny Maciocia

Si Maciocia était alors heureux de son poste avec les Alouettes, le jour de paie des entraîneurs était dur pour son moral. 

« Le dépôt direct n’existait pas. Je me souviens que la dame s’occupant des chèques entrait dans notre local et remettait une enveloppe à tous, sauf à moi. Ça m’a motivé. Et la troisième année, on m’a officiellement nommé responsable des porteurs de ballon. Mon salaire annuel était de 27 000 $. Le montant aurait dû être plus élevé, mais, pour moi, c’était une ouverture. »

Une vingtaine d’années plus tard, après être devenu le premier Québécois à diriger une équipe de la Ligue canadienne – il a mené les Eskimos d’Edmonton à la conquête de la Coupe Grey –, Maciocia retrouve « ses » Alouettes avec un bonheur infini.

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Maciocia n’est pas le seul nouveau membre de l’organisation à entretenir une longue histoire d’amour avec les Alouettes. Le président, Mario Cecchini, un passionné de football qui a connu une longue et fructueuse carrière de gestionnaire dans l’univers concurrentiel de la radio, est fan de l’équipe depuis son enfance.

« Dès que j’ai pu prendre le métro seul pour me rendre au Stade olympique, où les billets coûtaient 4 $, j’étais presque toujours là, a-t-il dit. J’avais 10 ou 11 ans, j’étais le plus petit, et la bière des autres amateurs revolait sur moi ! Quand je rentrais à la maison, je sentais la bière, et mon père me disait : “En as-tu pris au Stade ?” »

Cecchini a évoqué le nom de nombreuses anciennes gloires des Alouettes, de Junior Ah You à Gabriel Grégoire, en passant par Gerry Dattilio, dont les exploits résonnent fort dans sa tête. 

Le football, c’est le jeu d’équipe suprême.

Mario Cecchini, nouveau président des Alouettes

« Ceux qui connaissent ça savent que chaque joueur sur le terrain tient un rôle qui touche le jeu à l’autre bout. C’est ce qui m’attire dans ce sport. Dans mes speechs aux employés, j’ai toujours utilisé des analogies de football. Là, je vais être un peu gêné de le faire devant de vrais connaisseurs… »

Les défis qui attendent Cecchini sont nombreux. La base d’abonnements saisonniers et le soutien commercial sont faibles. Et les Alouettes devront lutter avec énergie pour obtenir leur part des dollars discrétionnaires des amateurs de sport. Pas facile à réaliser dans un stade où l’expérience client, améliorée sous le régime de Patrick Boivin, devra être bonifiée pour engendrer de meilleurs revenus.

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Pendant que Cecchini et Maciocia ont pris la parole en conférence de presse, leur nouveau patron, Gary Stern, les écoutait sans saisir leurs propos en français. Mais son visage traduisait sa satisfaction. Enfoncé dans sa chaise, un petit sourire au visage, il s’est mêlé de la conversation quand Maciocia, en anglais, a amorcé ainsi une phrase : « Je ne garantirai rien sauf une chose… » Stern l’a interrompu en lançant : « Oui, tu l’as fait ! »

C’était très drôle, puisque Stern, depuis son arrivée aux commandes, ne cesse de parler d’une victoire à la Coupe Grey dès cette année. Mais au-delà de la blague, Stern et son beau-père, Sid Spiegel, ont de toute évidence des attentes élevées. 

C’est tant mieux… pourvu qu’ils laissent à leurs hommes de confiance le temps de faire leurs preuves.

Stern promet d’être un proprio discret, mais aurait avantage à se faire connaître à Montréal. Son sens de l’humour est évident, et il est beaucoup moins timide devant un auditoire qu’il l’a laissé entendre à son premier contact avec les journalistes, la semaine dernière.

Avec ses jeans, sa veste sport et son polo, Stern n’a manifestement rien à cirer des habitudes vestimentaires des propriétaires d’une équipe professionnelle. Son style est sans artifice. On n’a aucun ennui à croire Cecchini quand il résume ainsi le mandat que le proprio lui a confié : « Arrange-toi pour que ça marche… » Des mots simples, clairs, directs.

Si Cecchini et Maciocia ont des budgets adéquats, « ça » devrait fonctionner. Chose sûre, Stern a montré du flair et de la sensibilité en embauchant des gens d’ici, des Montréalais qui portent les Alouettes dans leur cœur et qui feront rayonner la marque sur toutes les tribunes. Comme entrée en scène, il a cogné un coup de circuit.