Après avoir été nommé l’une des personnalités sportives de l’année du prestigieux magazine Sports Illustrated deux jours plus tôt, Laurent Duvernay-Tardif a appris qu’il était le colauréat du trophée Lou-Marsh, remis annuellement au meilleur athlète canadien, mardi.

Duvernay-Tardif et le joueur de soccer Alphonso Davies ont reçu 18 votes chacun.

« Je suis extrêmement honoré de recevoir le Lou-Marsh et d’en être le cogagnant avec Alphonso Davies. Je crois qu’en tant qu’athlète canadien, de remporter ce prix-là, cette distinction-là, c’est de loin le plus grand hommage sportif qu’on peut recevoir », a dit Duvernay-Tardif lors d’une conférence de presse virtuelle.

« Je pense qu’Alphonso Davies est de loin un meilleur athlète que moi, du haut de mes 320 livres ! Mais qu’à cela ne tienne, je pense que c’est beau de voir que dans le contexte particulier qu’est la pandémie, on a décerné un hommage comme celui-là pour les accomplissements sportifs, mais aussi pour les sacrifices qui ont été faits à l’extérieur du terrain. Je pense que c’est une belle combinaison et qu’on est un beau duo pour être à l’image de ce que représente le Lou-Marsh. »

Duvernay-Tardif aura marqué le paysage sportif nord-américain au cours de l’année qui se termine. En gagnant le Super Bowl avec les Chiefs de Kansas City, en février, mais surtout pour sa contribution sociale.

Le diplômé en médecine a notamment travaillé dans un CHSLD au plus fort de la première vague de la pandémie, le printemps dernier, puis s’est prévalu de l’option de ne pas jouer en 2020 afin de pouvoir continuer de contribuer au réseau de la santé.

Le Québécois a également utilisé sa tribune pour sensibiliser la population à l’importance de respecter les mesures sanitaires mises en place par la Santé publique, notamment auprès des jeunes.

« Quand j’ai pris la décision de ne pas aller jouer à Kansas City en juillet dernier, je l’ai fait sans même penser à ce qui m’attendait dans les prochaines semaines. Je ne savais même pas à quoi allait ressembler ma prochaine année. C’est fou de voir que, quatre mois plus tard, je reçois tous les grands prix et reconnaissances pour athlète, que ce soit sur le terrain ou à l’extérieur. »

Que l’on me considère dans les nominations, c’est vraiment touchant.

Laurent Duvernay-Tardif

« Je le dis et le redis encore. De remporter ces honneurs, ça ne me rend pas unique, loin de là. On est dans une pandémie, et des sacrifices et des décisions difficiles, il y a des dizaines de milliers de personnes qui en ont fait et qui en font encore chaque jour.

« Quand je suis retourné en CHSLD, j’ai fait partie d’une vague de dizaines de milliers de personnes qui sont retournées prêter main-forte. Mon geste n’était pas plus héroïque que les leurs. La tribune sportive que j’avais a fait en sorte que la nouvelle a attiré l’attention, mais encore une fois, je le redis, je crois que ce prix-là, cette distinction-là, est un peu à l’image des sacrifices que tout le monde a faits à travers cette pandémie.

« Et je dédie ces prix, que ce soit celui du Sports Illustrated ou le Lou-Marsh, à tous les travailleurs de la santé. »

Aucun regret

Les Chiefs de Kansas City ont actuellement la meilleure fiche de la NFL (11-1), à égalité avec les Steelers de Pittsburgh. Leurs chances de conserver leur titre du Super Bowl sont bonnes. Duvernay-Tardif ressent donc un petit pincement lorsqu’il voit son équipe dominer comme elle le fait, ce qui est tout à fait normal. Fier compétiteur, le garde voudrait contribuer à ces succès.

Cela dit, le joueur de 29 ans ne regrette rien. Il n’y avait qu’une décision possible à son avis l’été dernier.

« C’était un choix personnel. Jamais je n’ai remis en cause le principe de base de jouer au football cette année. Ma situation était vraiment unique, étant diplômé de médecine. Du fait aussi que c’était ma septième saison dans la NFL et que j’avais un contrat avec une portion d’argent garanti. J’étais dans une situation unique, qui faisait en sorte que si je n’avais pas fait ce choix, je pense qu’il y a de bonnes chances que je l’aurais regretté dans les prochaines années », a dit Duvernay-Tardif.

La dernière chose que j’aurais voulue à titre de futur professionnel de la santé, ça aurait été de regretter de ne pas avoir contribué dans une période où on a autant besoin de personnel médical aux premières lignes.

Laurent Duvernay-Tardif

« Je trouve ça très difficile. Mais je pense que c’était la bonne décision.

« Au même titre que c’est difficile pour moi d’être ici [au Québec] et de voir l’équipe performer et avoir autant de succès, je pense que si j’avais été à Kansas City et que j’avais vu ce qui se passait ici, l’impact que la COVID-19 avait sur notre système de santé, les éclosions qu’il y avait dans les CHSLD, je m’en serais voulu de ne pas être ici pour prêter main-forte.

« Ce que l’on vit est historique et, à mes yeux, le football était secondaire, et je pense qu’il fallait que je sois ici. »

Prêt pour 2021

Au cours des derniers mois, Duvernay-Tardif a partagé son temps entre le milieu hospitalier, au sein duquel il travaille deux ou trois jours par semaine, sa maîtrise en santé publique à l’Université Harvard, qu’il effectue virtuellement, l’entraînement physique et ses autres projets.

Le joueur de ligne offensive a avoué qu’il avait eu un creux de motivation pour l’entraînement après avoir décidé de ne pas jouer en juillet. Il a cependant retrouvé toute sa motivation et assure qu’il sera fin prêt à attaquer la prochaine saison.

« Je suis assez optimiste par rapport aux vaccins. Je ne pense pas que ça va tout régler du jour au lendemain, mais lorsqu’on pense à une saison qui commencera en septembre 2021, ça nous laisse quand même beaucoup de temps pour faire des avancées au niveau de la campagne de vaccination, etc.

« Du moment qu’on sera dans un climat plus stable, qu’on verra une pente descendante marquée et qu’on sera dans un environnement plus contrôlé, c’est sûr que ma priorité numéro un sera de retourner sur le terrain et de regagner ma place avec les Chiefs de Kansas City. »

L’option des villes bulles

Duvernay-Tardif a fait partie du comité de la NFL et de l’Association des joueurs qui avait la mission de mettre en place les mesures de sécurité en vue de la saison 2020. On lui a donc demandé s’il croyait que les matchs éliminatoires de janvier prochain devraient avoir lieu dans des villes bulles.

« En juin ou en juillet dernier, on ne pouvait pas considérer de faire des bulles, premièrement parce qu’elles n’avaient pas encore démontré l’efficacité qu’elles ont eue dans les séries éliminatoires de la NBA et de la LNH, et parce que la durée de la saison faisait en sorte que c’était impossible de considérer d’isoler des joueurs de leurs familles.

« Je pense que c’est une situation différente dans les éliminatoires parce que c’est un court laps de temps durant lequel on ne peut pas avoir droit à l’erreur. On a besoin de chaque joueur sur le terrain. Je suis donc sûr que c’est une option que la ligue va considérer, entre autres grâce à l’efficacité que les bulles ont eue dans la NBA et la LNH. »

Vedette internationale

Âgé de seulement 20 ans, Davies est quant à lui une étoile montante du soccer international. Il est déjà considéré comme le meilleur joueur de l’histoire du Canada par une majorité d’experts.

PHOTO TIBOR ILYES, ARCHIVES REUTERS

Alphonso Davies brandissant la Super Coupe d’Europe après la victoire du Bayern Munich contre Séville, le 24 septembre 2020.

Membre du Bayern Munich, Davies a été choisi recrue de l’année dans la Bundesliga. Cette année, le Bayern a remporté le championnat de la Bundesliga, la Coupe d’Allemagne ainsi que la Ligue des champions.

Le réseau ESPN a estimé que Davies, qui a sans surprise été nommé joueur canadien par excellence de l’année, était au deuxième rang des meilleurs latéraux gauches au monde après Andy Robertson, de Liverpool.