Marc Trestman était convaincu que l’équipe qu’il avait construite était sur le point de commencer à gagner. Mais comme les sept autres formations de la XFL, les Vipers de Tampa Bay ont dû cesser leurs activités en raison de la pandémie de COVID-19. La ligue a ensuite annoncé qu’elle déclarait faillite plus tôt cette semaine.

Directeur général et entraîneur-chef des Vipers, Trestman est parmi les principaux créanciers. Selon les informations qui ont circulé, une somme de plus de 750 000 $ lui serait due.

En entrevue téléphonique avec La Presse, Trestman n’a pas voulu confirmer ou infirmer cette information.

« La fin des activités de la XFL me brise le cœur. Je suis très triste pour tous les membres de notre organisation.

« Vince McMahon [l’un des propriétaires de la ligue] a voulu faire les choses de la bonne façon et a investi beaucoup d’efforts et de temps dans ce projet. La ligue a fait de son mieux et tout était de première classe durant la saison. »

Mais comme à tant d’autres entreprises, encore plus celles qui ne faisaient que commencer [leurs activités], la crise nous a fait extrêmement mal.

Marc Trestman

Au bout du fil, Trestman semblait surtout préoccupé pour les autres membres de l’organisation des Vipers qui se retrouvent sans emploi. L’homme dans la soixantaine n’a jamais chômé bien longtemps et il y a fort à parier qu’il recevra une offre au moment opportun.

« Je me concentre actuellement à aider et à communiquer avec tous nos joueurs, entraîneurs et autres employés. Tout le monde a travaillé très fort dans cette aventure et je tiens à les remercier. Je veux terminer ça de la bonne façon autant que possible. On a eu beaucoup de joie et de plaisir le temps que cette aventure a duré. »

De nouvelles fonctions

Lorsqu’il était l’entraîneur-chef des Alouettes, de 2008 à 2012, Trestman se préoccupait très peu de l’aspect des opérations football. Il avait même un assistant, Andy Bischoff, qui s’occupait des trucs administratifs de l’équipe au quotidien. Qu’il ait été nommé DG en plus d’être l’entraîneur-chef des Vipers a donc un peu étonné. Mais Trestman a pris goût aux fonctions qui reviennent au DG.

« J’ai adoré l’expérience. J’ai obtenu une chance que très peu de gens obtiennent, soit celle de construire quelque chose du tout début. On a tout construit, tant au niveau des opérations football que du groupe d’entraîneurs, du personnel et des joueurs. C’était un défi et j’avais une grande foi en ce que nous avions bâti. L’équipe jouait de mieux en mieux et allait dans la bonne direction », a-t-il dit au sujet des Vipers, qui avaient une fiche de 1-4.

« J’ai vraiment aimé le processus et l’expérience. Procéder aux embauches, faire la planification et tout le reste. »

Lorsque le monde du sport professionnel sortira de sa paralysie actuelle, Trestman veut poursuivre sa carrière, lui qui a eu 64 ans en janvier. Il n’écarte d’ailleurs pas un retour dans la Ligue canadienne de football si l’occasion devait se présenter.

Vous le savez, j’ai toujours dit que la LCF et toute sa tradition occupaient une place importante dans mon cœur, et c’est encore le cas. Ça ne changera jamais.

Marc Trestman

« Cela dit, personne ne sait ce qui se déroulera au cours des 12 ou 18 prochains mois. Les embauches annuelles dans la LCF et la NFL ont déjà été complétées. Toutefois, si l’occasion se présente, j’aimerais effectivement continuer à travailler dans le football. »

Quatre emplois depuis les Alouettes

Trestman n’a pas été chanceux depuis son départ de Montréal. Il a perdu son emploi quatre fois, dont celui avec les Vipers il y a quelques jours. La XFL pourrait être vendue et poursuivre ses activités, mais cela semble extrêmement improbable.

Il a d’abord été congédié par les Bears de Chicago après avoir été leur entraîneur-chef en 2013 et 2014. L’attaque s’était grandement améliorée sous ses ordres, mais le noyau de la défense était composé de joueurs en fin de carrière et l’unité ne performait plus.

« On avait besoin de plus de temps pour reconstruire la défense. Notre attaque jouait très bien, mais l’unité a été décimée par les blessures lors de ma deuxième saison. La haute direction de l’équipe a commencé à écouter ce qui se disait dans les médias et a procédé à un changement très rapidement. »

Trestman s’est ensuite retrouvé à Baltimore où il a été le coordonnateur offensif des Ravens en 2015 et pour la première moitié de la saison de 2016. John Harbaugh l’a remercié, même si l’attaque des Ravens avait été décimée par les blessures et qu’elle ne possédait à peu près aucun joueur de premier plan.

« La blessure de Joe [Flacco] nous a fait très mal. John a souvent procédé à des changements de coordonnateur afin de secouer son attaque et je pense que c’est ce qu’il a voulu faire. Mais ce n’est finalement que lors de l’arrivée de Lamar Jackson [en 2018] que l’attaque des Ravens a pris son envol. »

De retour dans la LCF, Trestman a ensuite remporté la Coupe Grey avec les Argonauts de Toronto en 2017. Il a toutefois été congédié après une saison difficile l’année suivante, une décision des Argonauts qu’il n’a toujours pas digérée.

PHOTO COLE BURSTON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Marc Trestman a dirigé les Argonauts de Toronto pendant deux saisons, en 2017 et en 2018.

« La situation à Toronto a été la plus difficile à comprendre. C’est vrai que notre fiche était mauvaise [en 2018], mais je pense que l’ensemble de l’œuvre aurait dû me valoir un peu plus de temps. Le plus difficile à accepter dans tout ça, c’est que je n’ai même pas eu la chance d’aller dire au revoir à mes joueurs et aux autres entraîneurs. Ce fut très difficile. »

Jim Popp était le directeur général des Argonauts à cette époque. La relation entre les deux hommes, qui ont gagné la Coupe Grey trois fois ensemble, semble rompue. Trestman n’a d’ailleurs offert aucun commentaire à ce sujet.

Pas à plaindre

Parmi toutes les déceptions qu’il a vécues depuis ses années chez les Alouettes, c’est cependant la fin abrupte de l’aventure de la XFL que Trestman a le plus de difficulté à encaisser.

« C’est effectivement la fin avec les Vipers qui est la plus décevante pour moi. On sentait vraiment qu’on avait construit quelque chose de solide. Notre esprit d’équipe était très bon, les joueurs croyaient à ce que l’on construisait. On n’a pas eu la chance de terminer ce qu’on avait commencé et c’est très difficile à accepter. »

Trestman estime-t-il avoir été victime de malchance et de décisions injustes au cours des dernières années ?

« Je ne pense pas en ces termes. Beaucoup de gens doivent composer avec des situations qu’ils ne contrôlent pas. »

Je me considère comme privilégié d’avoir eu toutes ces opportunités. De telles expériences testent votre persévérance et forgent votre force de caractère.

Marc Trestman

Une chose reste sûre. Trestman a toujours dit que ses cinq saisons avec les Alouettes avaient été les plus belles d’une carrière qui a débuté dans la NFL au cours des années 1980. Son parcours depuis n’a fait que le confirmer.

« Sans l’ombre d’un doute, ce furent mes plus belles années professionnelles. Je retourne à Montréal tous les ans, c’est vraiment comme ma deuxième maison. J’ai encore plusieurs amis à Montréal et j’adore cette ville. »

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Anthony Calvillo et Marc Trestman ont développé une relation particulière chez les Alouettes, entre 2008 et 2012.

« Je garde contact avec beaucoup de nos anciens joueurs. Je pense que lorsqu’on gagne des championnats comme nous l’avons fait, ça tisse des liens encore plus serrés. J’ai savouré ces années et ça me procure encore de très belles sensations lorsque je me remémore cette époque. »

Et quelle est la première chose à laquelle pense Trestman lorsqu’il pense à ses cinq années passées à Montréal et avec les Alouettes ?

« Je pense à Anthony [Calvillo]. On avait besoin de tous nos joueurs, du premier au dernier, mais j’ai toujours dit que c’était grâce à Anthony qu’on avait autant gagné. Jim a trouvé les bons joueurs et je les ai dirigés. Mais c’est Anthony qui a été le grand responsable de nos succès et de nos championnats. »