De retour au Québec samedi soir, Laurent Duvernay-Tardif a déjà pu constater les répercussions de la victoire de ses Chiefs de Kansas City face aux 49ers de San Francisco lors du Super Bowl LIV. Le premier échantillon sur son nouveau statut est survenu dans les heures suivant son arrivée.

« En allant en face de chez moi pour me chercher à manger, quatre ou cinq automobilistes ont baissé la vitre de leur véhicule pour crier : “LDT, c’est incroyable”. J’ai vraiment hâte de retrouver ma famille, mes amis et mes fans. »

Quelques minutes après sa conférence de presse, dimanche, le garde a justement été accueilli par quelques centaines de spectateurs enthousiastes dans le cadre de la Fête des neiges au Parc Jean-Drapeau. Cette réception, au son du fameux Tomahawk chop, marque la fin d’une première semaine de grandes célébrations entre Miami, Kansas City et Montréal.

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Les premières scènes marquantes de sa nouvelle vie de champion se sont déroulées sur la pelouse du Hard Rock Stadium, puis dans les entrailles de l’enceinte de 65 000 places. Entre la pluie de confettis et le baiser au trophée Lombardi, l’athlète, qui fêtera mardi ses 29 ans, a pu célébrer avec toute sa famille.

« Quel beau moment ! Je n’avais jamais vu ma mère pleurer de joie comme ça et mon père était ému. Tu te rends alors compte que tous les efforts ont payé pour ce moment-là. » Tout le clan est réuni : ses parents, sa conjointe Florence, son ami et agent Sasha Ghavami, mais également ses sœurs Delphine et Marilou. Cette dernière vit à Victoria (Colombie-Britannique) où elle s’entraîne avec l’équipe nationale d’aviron.

« Qu’elle prenne des vols entre Victoria, Vancouver, Toronto, Montréal et Miami, puis faire le trajet inverse, c’est extrêmement touchant. On n’a pas la chance d’être souvent les cinq tous ensembles. D’être en mesure de faire un petit câlin, après la partie, c’était beau. »

Après les célébrations dans l’intimité, Duvernay-Tardif a repris le chemin du Missouri pour le traditionnel défilé. Selon les estimations, environ 1 million de personnes se sont réunies afin de fêter le premier titre de l’organisation en un demi-siècle. « Je me rappelle, qu’en allant me coucher le [mardi] soir, je voyais déjà des gens camper pour pouvoir nous encourager le lendemain. Pour une ville de 400 000 habitants, c’est émouvant de voir plus d’un million de personnes se déplacer pour te supporter et être fiers des 53 gars. »

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Le traditionnel défilé des champions du Super Bowl a eu lieu le 5 février dernier pour les Chiefs, à Kansas City

À quelques milliers de kilomètres de là, au Québec, bien des gens se sont concentrés sur la préparation, la performance et les festivités de « LDT ». Par ricochet, bien des gens se sont aussi découvert quelques affinités avec les Chiefs.

« On parle du Chiefs Kingdom à Kansas City, mais, dans le dernier mois, il y a un satellite au nord de la frontière qui s’est installé. Ça me rend fier de conduire et de voir un jeune avec une tuque des Chiefs, ce qui n’était pas le cas il y a 10 ans. J’en suis extrêmement reconnaissant », insiste-t-il.

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L’appui de la famille, des amis qui ont fait le déplacement en Floride et des nombreux partisans via les réseaux sociaux a un joué un rôle prépondérant le jour J. Au début de la deuxième demie, après une interminable mi-temps, le numéro 76 a senti que les douleurs à son mollet augmentaient. Bien sûr, ce cas de figure avait déjà été travaillé théoriquement, mais le vivre et passer à travers lors du match d’une telle importance vient avec son lot de défis.

« Quand tu n’es pas à 100 %, c’est surtout mental, dit-il. À chaque jeu, je me trouvais une motivation. Celui-ci est pour Sasha, celui-là est pour Flo, celui d’après est pour la gang d’amis dans les tribunes, les parents ou les gens au Québec. Au fur et à mesure, j’ai repris le contrôle et le quatrième quart a bien été. »

Rappelons que les Chiefs ont inscrit trois touchés au dernier quart pour l’emporter 31 à 20.

Amplifier le message

« LDT », qui sera honoré avant le match opposant le Canadien aux Coyotes lundi soir, s’est promis de profiter du titre à fond et de prendre des vacances. Mais, comme souvent avec le joueur de ligne offensive, ce succès dépasse largement le cadre du sport. Oui, il souhaiterait que l’on se souvienne du titre, mais il aimerait surtout qu’il amplifie les messages véhiculés par la Fondation Laurent Duvernay-Tardif.

« Je crois vraiment beaucoup à ce projet de promouvoir l’équilibre entre le sport, les arts et les études. On a lancé des projets pilotes cet hiver que l’on veut consolider pour avoir un impact à long-terme chez les jeunes. C’est quelque chose qui me passionne. Après, je vais trouver mon prochain projet. Je veux rester moi-même, le gars qui a besoin de ses amis et qui veut profiter de la vie. »

« Le plus gros accomplissement est d’avoir mené le modèle de l’étudiant-athlète au plus haut niveau, ajoute-t-il. J’aimerais que ça s’applique à autre chose que le sport et les études. Si un jeune fait du théâtre et veut pousser sa carrière le plus possible tout en faisant un doctorat en génie biomédical, qu’il se donne les moyens de le faire. »

Duvernay-Tardif, diplômé de la Faculté de médecine de l’Université McGill, ne débutera pas sa résidence au cours de l’entre-saison. Il s’y consacrera à la fin de sa carrière de joueur de football. Il retrouvera d’ailleurs ses coéquipiers pour des premiers camps à la fin du mois d’avril.

Avant le début de la prochaine saison, il restera à voir si les champions se rendront à la Maison-Blanche. Donald Trump avait annulé la visite des Eagles de Philadelphie, en 2018, tandis que les Patriots de la Nouvelle-Angleterre avaient cité un conflit d’horaire pour ne pas s’y rendre l’an dernier.

« Si l’opportunité se présente, je veux faire partie de ça, souligne Duvernay-Tardif. C’est un voyage d’équipe, ça fait partie des célébrations qui entourent le Super Bowl. Ça n’a rien à voir avec nos opinions politiques personnelles. Ça serait aussi perçu négativement d’être le seul Canadien à ne pas aller à la Maison-Blanche. Je veux vivre cette expérience là. »