Dès les premiers instants du documentaire L’étoile discrète, qui sera présenté dimanche à 16 h sur les ondes de RDS, en plein jour du Super Bowl, on comprend bien vite comment Louis-Philippe Ladouceur, LP pour les intimes, a fait pour durer dans la NFL pendant les 15 dernières saisons. « Jeune, il était assez sérieux, il était aussi intrépide […] et il avait toujours cette petite phrase-là, il disait tout le temps “moi capable” », explique sa mère Élise avec amour.

Ça ne pouvait mieux tomber. Dimanche, c’est tout le Québec, ou presque, qui aura les yeux rivés sur la ligne à l’attaque des Chiefs de Kansas City et sur le joueur de ligne Laurent Duvernay-Tardif, un gars bien de chez nous qui connaît pas mal de succès avec le ballon ovale en format américain, assez pour être tout près du but ultime. Cela est fabuleux, bien sûr, mais il faut se rappeler qu’avant lui, d’autres gars bien de chez nous ont ouvert la voie. Parmi eux, il y a Louis-Philippe Ladouceur.

Son histoire est connue, mais elle mérite d’être racontée une autre fois. Dans L’étoile discrète, Ladouceur nous apprend que c’est lors d’un voyage en famille, plus jeune, qu’il visite la Californie pour la première fois et qu’il fait un détour par le campus de l’Université de Californie (Cal) à Berkeley. 

Là, il tombe sur le stade du club de football de l’école et, en un instant, c’est le coup de foudre : le jeune homme jure qu’il y remettra les pieds un jour, mais cette fois avec des crampons et un casque de football sur la tête.

Peu à peu, on voit cette prédiction prendre forme, d’abord avec les premiers pas au collège Notre-Dame et à John-Abbott, ensuite quand les gens de l’Université de Californie finissent par l’appeler après avoir visionné une compilation vidéo de ses meilleurs jeux… compilation qu’il avait préparée lui-même ! Il s’y rend, y joue pendant quelques saisons, le temps de se rendre compte que le football universitaire américain, ce n’est plus le cégep. « À nos matchs [au cégep], on avait peut-être 300 personnes, mais là [en Californie], j’ai joué devant 75 000 personnes ! », explique-t-il.

Il fait ensuite un bref saut chez les Saints de La Nouvelle-Orléans, est retranché, offre ses services ailleurs. Personne ne répond, alors il doit rentrer un peu bredouille à son appartement en Californie. Drôle de hasard, les Cowboys de Dallas sont justement en ville pour affronter les 49ers à San Francisco en ce dimanche de septembre 2005, et le spécialiste des longues remises des Cowboys connaît un match affreux (il n’est pas nommé dans le documentaire, mais les fans des Cowboys se souviendront peut-être de son nom : Jon Condo, qui va se replacer pour ensuite connaître une longue carrière chez les Raiders). La copine de Ladouceur regarde le match et l’appelle pour lui suggérer de passer un coup de fil à son agent : peut-être que les Cowboys aimeraient offrir une audition à un autre spécialiste des longues remises ?

Le reste fait partie de l’histoire, comme disent les anglos.

Un peu plus tard, c’est Bill Parcells, alors coach des Cowboys, qui lui donnera le conseil d’une vie au football : « Tu n’as pas besoin de faire rien d’autre, concentre-toi sur ce talent-là. » Ce « talent-là », c’est celui d’effectuer les longues remises de ballon. Un travail de l’ombre, à la limite de l’ingrat, mais un travail ô combien important pour un club de football. On finit par comprendre que Ladouceur mettra en pratique les bons conseils de Bill Parcells : à ce jour, il n’a raté aucune longue remise en 15 ans à Dallas.

PHOTO JAMES D. SMITH, ARCHIVES GETTY IMAGES

Louis-Philippe Ladouceur n’a raté aucun longue remise depuis son embauche, en 2005, par les Cowboys de Dallas.

Je ne sais pas s’il a même déjà effectué une mauvaise remise.

Jason Witten, ailier rapproché et coéquipier de Louis-Philippe Ladouceur

Et puis maintenant, Louis-Philippe Ladouceur, à 38 ans, est sans contrat en vue de la prochaine saison. Est-ce que les Cowboys vont le ramener une autre fois ? Ou bien est-ce que l’heure de la retraite a sonné pour celui qui ne veut pas entendre le mot retraite ? L’histoire ne le dit pas. C’est à suivre, assurément.

Mais tout de même. Quinze ans, comme ça, à effectuer des longues remises avec la même équipe ? Si ce n’est pas un genre de record, ce n’est pas bien loin. « Quand une équipe en a un bon [spécialiste des longues remises], elle ne veut pas s’en départir », explique le principal intéressé, pour expliquer le secret de son succès.

Du cégep à la prestigieuse Cal, et enfin aux Cowboys de Dallas… Pour citer Daniel Boucher, on peut appeler ça une pas pire épopée.