Si les Alouettes disputeront leur premier match éliminatoire en cinq ans, dimanche, c’est en grande partie grâce à l’éclosion du quart-arrière Vernon Adams fils. À moins de 48 heures de la demi-finale de l’Est, qui sera disputée entre les Oiseaux et les Eskimos d’Edmonton au stade Percival-Molson, le joueur par excellence s’est entretenu avec notre journaliste et a raconté comment il avait vécu ses quatre premières saisons dans la LCF.

Il y a environ un an et demi, Vernon Adams fils a sérieusement songé à prendre sa retraite. À l’âge de 25 ans, il venait d’être libéré par les Tiger-Cats de Hamilton, et son avenir au football professionnel semblait sombre.

« J’ai cru que c’était la fin. Je ne pensais pas obtenir une autre chance. J’étais au point le plus bas de ma carrière », a raconté Adams fils après l’entraînement des Alouettes, vendredi.

Ce n’était pas la première fois qu’une équipe de la LCF lui tournait le dos. Adams fils a été échangé avant même d’avoir joué un match. Jim Popp l’avait obtenu des Lions de la Colombie-Britannique en échange d’un premier choix, en 2016. Mais son premier séjour à Montréal ne s’était pas particulièrement bien déroulé.

« J’ai songé à prendre ma retraite après ma première saison ici, à vrai dire. Je me disais que je n’étais pas fait pour le jeu canadien. Mes lectures de jeu étaient déficientes, et je ne jouais pas bien. »

Après avoir remplacé Popp comme directeur général des Alouettes, Kavis Reed a échangé Adams fils aux Roughriders de la Saskatchewan. C’est cependant ce même Reed qui a ramené le quart-arrière à Montréal après qu’il eut été libéré par les Tiger-Cats, l’an dernier.

N’allez cependant pas croire que Reed était un grand fan d’Adams fils. Il estimait qu’il pourrait être un bon réserviste, sans plus. Il est même passé bien près de libérer Adams fils l’hiver dernier. Très, très près…

Mike Sherman n’était pas plus inspiré par Adams fils. « Je n’ai jamais dirigé un quart-arrière qui n’était pas grand comme lui, alors on verra bien », avait-il même lancé au sujet du quart de 5 pi 11 po durant l’été 2018.

L’homme de Sherman était bien sûr Johnny Manziel, du moins jusqu’à ce que la LCF oblige les Alouettes à le libérer. Reed, lui, préférait tous les autres quarts du club à Adams fils. Même Khari Jones, alors le coordonnateur offensif de l’équipe, n’était pas convaincu du talent d’Adams fils et avait une préférence pour Antonio Pipkin.

Adams fils n’aurait donc pas dû être surpris d’apprendre qu’il amorçait le camp de 2019 au quatrième échelon dans la hiérarchie des quarts, derrière Pipkin, Jeff Matthews et Matt Shiltz. Mais ce serait mal le connaître.

Lorsque j’ai vu que j’étais le quatrième quart sur la charte de l’équipe, j’étais très déçu et frustré. Je n’en croyais pas mes yeux. Mais ça m’a donné une motivation supplémentaire.

Vernon Adams fils

« Je ne sentais pas que j’obtenais une vraie chance durant le camp. Dans le pire des cas, je pensais que j’aurais dû être le deuxième quart de l’équipe. »

Après les deux premières semaines du camp, il n’y avait plus vraiment de doute : Adams fils n’aurait pas dû être le deuxième quart de l’équipe, il aurait dû être le premier. La décision avait toutefois été prise au préalable. C’était le poste de Pipkin. Du moins, pour amorcer la saison.

Pipkin s’est blessé dès le premier match, et on connaît la suite.

Pas prêt

Comment expliquer que les Lions, les Alouettes, les Roughriders, les Tiger-Cats et les Alouettes presque une deuxième fois aient tous choisi de se départir d’Adams fils ?

Parce qu’il en arrachait durant les entraînements. À son premier séjour avec les Alouettes, c’était parfois à se demander ce que Popp avait vu en lui pour sacrifier un premier choix.

Adams fils est plus un artiste talentueux qu’un bourreau de travail. Il est un « gamer », terme né bien avant Atari, Nintendo et les autres. Traduction libre : un joueur à son meilleur dans les matchs, et encore plus quand ça compte vraiment.

« Dans le sport professionnel, les entraîneurs veulent que leurs joueurs performent bien durant les entraînements. J’irais même jusqu’à dire que certains d’entre eux préfèrent qu’un joueur soit bon durant les entraînements qu’aux matchs. Alors, oui, mon jeu à l’entraînement a été un facteur. »

Il reste qu’Adams fils savait qu’il devait s’améliorer durant les entraînements, et c’est ce qu’il a fait. Avec le recul, il avoue également qu’il n’avait pas encore atteint la maturité nécessaire à son premier tour de piste à Montréal.

Je n’étais pas prêt à être un quart partant ni un professionnel, à cette époque. Je ne faisais pas ce qui était nécessaire sur le terrain ni à l’extérieur. Je me sentais un peu perdu, pour être bien honnête.

Vernon Adams fils

« Il n’y avait personne dans mon entourage pour me montrer comment devenir un vrai professionnel. Personne dans ma famille n’est allé à l’université ou n’a été un athlète professionnel. Mon père était là pour moi et pouvait m’aider à devenir un homme, mais il ne pouvait pas m’aider à devenir un quart-arrière dans une ligue professionnelle. »

Au fil des ans, Adams fils a toutefois eu la chance d’être en contact avec des gens qui l’ont aidé à cheminer, dont Khari Jones et le receveur DeVier Posey cette année. Ç’a tout de même été un processus.

« Je ne savais même pas comment je devais agir avec les partisans, par exemple. J’ai dû apprendre plusieurs trucs par moi-même et je pense que c’est ce qui explique en partie que j’ai mis quelques années avant de devenir le joueur que je suis à présent. »

Quand ça compte 

En écoutant Adams fils lors des mêlées de presse, il est évident qu’il s’assure de bien peser ses mots. Très émotif, un brin impulsif, il doit faire gaffe.

« Je suis un quart-arrière, alors toutes mes paroles, tous mes faits et gestes sont épiés. Je dois m’assurer de prendre les bonnes décisions et d’être un bon meneur. Je suis effectivement très émotif et j’aime tellement le football que je peux parfois me laisser emporter. »

Les défauts de ses qualités. Mais Adams fils en possède plusieurs, des qualités très prisées à la position de quart, à commencer par une confiance qui semble à l’épreuve de beaucoup.

Il est également un joueur spectaculaire, capable de faire bondir les spectateurs de leur siège. Puis, plus l’enjeu est grand, meilleur il est. S’il devait connaître un début de match lent ou difficile contre les Eskimos, dimanche, les risques qu’Adams fils s’effondre sont faibles.

La beauté, c’est qu’Adams fils n’est âgé que de 26 ans. Pour un quart-arrière, c’est l’âge de la maternelle ou presque… Il n’a que 19 départs en carrière (fiche de 13-6) et est encore bien loin d’être un produit fini. Adams fils a encore bien des choses à améliorer, mais l’avenir s’annonce florissant.

Si je peux continuer de gagner des matchs et de faire mentir ceux qui ont douté de moi, je devrais être en mesure d’avoir une belle carrière dans la LCF.

Vernon Adams fils

La victoire n’est jamais bien loin lorsqu’on a une conversation avec Adams fils.

« On pense souvent à tort que l’arrivée de gros noms ou de certaines personnes aidera la vente de billets. Non. Seule la victoire fait vendre des billets ultimement. Il y aura plus de 20 000 spectateurs à notre match de dimanche parce qu’on gagne. La victoire, c’est vraiment tout ce qui m’importe au football. »

La solution à long terme

Adams fils a assisté à son premier match de hockey, mardi soir. Il a vu le Canadien défaire les Bruins au Centre Bell et a aimé sa soirée. L’athlète, qui a grandi à Pasadena, en Californie, est de plus en plus à l’aise dans sa ville d’adoption. Avec le français, aussi. Bien que le vocabulaire soit encore très rudimentaire, on remarque étonnamment à peine un soupçon d’accent.

« Je continue d’apprendre la base, tranquillement. C’est surtout avec les francophones du club ou avec des amis que je m’exerce. Mais si je signe un contrat à long terme avec les Alouettes, je resterai à Montréal durant la saison morte et je suivrai assurément un cours de français. »

Après des escales aux quatre coins du pays, Adams fils semble enfin avoir trouvé sa maison. Et les Alouettes ont enfin trouvé leur quart.