Le congédiement du directeur général des Alouettes de Montréal n’était annoncé que depuis quelques heures lorsque le téléphone de Sasha Ghavami a sonné, dimanche.

Au bout du fil, le directeur général adjoint, Joe Mack, et l’entraîneur-chef, Khari Jones, indiquaient à l’agent de joueurs qu’ils aimeraient rapatrier son client Félix Faubert-Lussier.

Le receveur québécois avait été libéré par le club moins d’une semaine auparavant sans raison évidente par le DG alors en poste, Kavis Reed, tombé en disgrâce après de mystérieux « manquements administratifs » qui lui ont coûté son emploi.

« Ils m’ont dit qu’ils l’aimaient bien, Félix, et qu’ils étaient contents de le retrouver », raconte Sasha Ghavami.

Faubert-Lussier, qui ne s’est pas fait prier, était déjà de retour sur le terrain hier pour s’entraîner avec ses coéquipiers.

J’étais au chalet quand j’ai reçu un texto me demandant de revenir à Montréal. Je n’ai pas hésité une seconde.

Félix Faubert-Lussier

En plus du Québécois, les Alouettes ont réintégré à leur alignement le joueur de ligne défensive Fabion Foote, libéré lui aussi au début de la semaine dernière. L’équipe a par le fait même annoncé hier s’être séparée du receveur Stephen Adekolu, que l’ancien DG avait préféré à Faubert-Lussier.

« Ça s’était bien passé au camp d’entraînement, j’évaluais que j’étais dans les premiers à ma position. C’est la première fois que je me faisais couper chez les professionnels. Ça frappe », a ajouté l’ancien du Rouge et Or de l’Université Laval, qui assure toutefois s’être « présenté au travail avec le sourire » hier.

En marge des mouvements de personnel sur le terrain, les Alouettes ont aussi coupé les ponts avec deux de leurs employés de l’entourage de Kavis Reed. Il s’agit de son adjointe administrative Maria Bidas ainsi que du directeur du personnel professionnel, Charles Raizenne. Refusant de commenter ces départs, le club a tenu à préciser que M. Raizenne avait remis sa démission.

Rappelons que les Alouettes ont annoncé dimanche avoir congédié Kavis Reed après avoir découvert des « éléments de nature administrative » qui ont fait dire au président du club, Patrick Boivin, qu’il était « impossible et impensable » de garder le directeur général en poste.

Le Réseau des sports a fait état d’un stratagème frauduleux pour contourner le plafond salarial, ce que n’ont jamais nié les Alouettes ou la Ligue canadienne de football (LCF), propriétaire de l’équipe depuis quelques semaines.

« Les derniers à le savoir »

Si la haute direction du club a entretenu le mystère sur les raisons du renvoi de Kavis Reed, il ne fallait pas compter sur les joueurs pour en révéler davantage.

Le joueur de ligne offensive Kristian Matte a affirmé à La Presse qu’aucun membre du personnel ne l’avait appelé au cours de la fin de semaine dernière pour faire un suivi sur cette affaire, et que les joueurs ne s’étaient réunis qu’hier matin pour en discuter avec leur entraîneur-chef. Khari Jones aurait préféré honorer les deux journées de congé de ses hommes, dimanche et lundi.

« Je l’ai su par les médias : la plupart du temps, nous [les joueurs] sommes les derniers à savoir les choses », a dit Matte, vétéran de 10 saisons avec les Alouettes.

« Moi, dans mon contrat, c’est écrit que je suis un joueur de football, alors je viens ici pour jouer au football, peu importe ce qui arrive autour », a-t-il ajouté sans sarcasme.

De fait, à l’instar de Matte, les joueurs qui se sont adressés aux médias n’ont fait que répéter qu’ils ne savaient rien et qu’ils ne voulaient pas formuler de commentaires.

PHOTO PAUL CHIASSON, ARCHIVES LA PRESSE CANADIENNE

Vernon Adams fils

« À mon niveau salarial, je viens seulement travailler pour gagner des matchs, peu importe qui est l’entraîneur ou le directeur général », a dit le quart-arrière Vernon Adams fils, joueur offensif de la dernière semaine dans la LCF.

Khari Jones a même fait l’apologie de cette attitude. Le matin, il s’était adressé à ses joueurs dans l’un des locaux sans fenêtre réservés à l’équipe au sous-sol du Stade olympique, « comme dans un sous-marin », a-t-il relevé.

« J’aime cette mentalité de sous-marin, loin de la vie, où on peut se concentrer sur ce qu’on a à faire, a-t-il illustré. C’est ce que les gars ont fait jusqu’ici et qu’ils vont continuer à faire. »

« Le football n’aime personne »

Visiblement agacé par les questions des journalistes, le vétéran John Bowman, joueur de ligne défensive, a quant à lui évoqué ce que l’entraîneur-chef Marc Trestman lui avait dit il y a quelques années : « Le football n’aime personne. »

Depuis le début de ma carrière, j’ai dû voir passer 1000 coéquipiers et 25 entraîneurs. N’importe qui peut se faire congédier ou libérer.

John Bowman

Bowman a par ailleurs voulu défendre Reed, « qui est l’une des raisons pour lesquelles je joue encore ici ».

« Bien des gens voulaient me voir partir, il y a deux ans, et [Reed] m’a défendu », a précisé celui qui s’aligne avec les Alouettes depuis 2006.

« De toute façon, tous les directeurs généraux essaient des choses » pour contourner le plafond salarial, a poursuivi Bowman, sans préciser davantage sa pensée. Il a par ailleurs déploré que cet évènement détourne l’attention des deux victoires consécutives de l’équipe.

Car, mine de rien, les Alouettes jouent encore au football et ils ont repris le collier, hier, pour la première fois depuis leur victoire de 36-19 contre le Rouge et Noir à Ottawa, samedi dernier.

Blessé au cours du match inaugural, il y a trois semaines, le quart-arrière Antonio Pipkin était de retour au boulot et pourrait revêtir son uniforme samedi contre les Eskimos d’Edmonton à Montréal. Vernon Adams fils sera toutefois le quart partant pour le quatrième match d’affilée.

Prochain match : Eskimos d’Edmonton c. Alouettes, samedi (16 h) au stade Percival-Molson