Les délais trop serrés auront eu raison de la passion d'Éric Lapointe. L'ex-demi des Alouettes de Montréal a confirmé que son groupe d'investisseurs n'était plus intéressé à se porter acquéreur de la formation en difficultés de la Ligue canadienne de football.

«Ce n'est clairement pas une perte d'intérêt, car l'équipe me tient à coeur et je n'ai aucune idée de ce qui va se passer maintenant, a-t-il déclaré à La Presse canadienne. Mais on arrive à un point où le temps est de plus en plus limité. Connaissant le temps que les comptables peuvent prendre pour vérifier les livres, dont les avocats ont besoin pour rédiger des contrats, ça devenait serré. Surtout en considérant que tout cela doit être fait avant de penser à des gens de football.»

Car oui, Lapointe, directeur de la succursale de Brossard de Stonegate Conseil Privé, une firme de gestionnaires de fonds pour de riches entrepreneurs, aurait apporté des changements aux opérations football et à l'administration du club.

«En principe, si on prend le contrôle d'une organisation, c'est parce qu'on pense que des choses peuvent être améliorées, a-t-il expliqué. Dans ce cas-ci, je pense qu'il y en a plusieurs. Il y a quand même des règles à suivre qui sont inflexibles. Même si les gens pensent que la transaction peut se faire seulement sur un bout de papier, il y a tout de même des suivis qui doivent être faits pour protéger tes investisseurs et les gens qui sont en place. [...] J'ai l'habitude de dire que l'impossible est impossible, mais on arrivait bien près de l'impossible. Je préférais ne pas impliquer des gens qui m'auraient suivi, mais qui risquaient de perdre beaucoup.

«Ce n'est pas seulement une question financière: il y a des gens prêts à quitter leur emploi, à déménager leur famille et qui prendraient de grands risques tant que tout cela n'est pas ratifié. À un moment donné, il faut prendre ses responsabilités et juste dire non, même si ce n'est pas ce que j'espérais.»

Pour l'instant, un porte-parole de la LCF a indiqué que Robert Wetenhall demeure le propriétaire du club. Il demeure très possible que la ligue soit mandatée de trouver un nouveau propriétaire. Mais le circuit Ambrosie n'a pas fait part de ses intentions. Du côté du club, on nie toujours les rumeurs de transaction. C'est cette valse-hésitation qui a poussé Lapointe à se retirer de la course.

«Si je savais (ce que la ligue compte faire), je répondrais, a dit Lapointe, qui a passé six de ses huit saisons dans la LCF avec les Alouettes. Mais c'est probablement le fait de répondre cela qui me fait débarquer; de ne pas vraiment savoir.

«Je ne peux pas continuer à poser la question et me retrouver sans réponse. Je sais ce qu'on possède et ce qu'on est capable d'offrir, qui était suffisant. Mais le timing et les gens impliqués avec moi sont importants.»

Peu d'actifs

Lapointe n'a pas voulu donner son évaluation de la valeur des Alouettes. Mais à ses yeux, elle ne peut être très élevée.

«Ça ne doit pas valoir grand-chose. Si la ligue achète d'abord, faudra voir ce qu'ils ont payé. Mais il ne faut pas s'attendre à voir des bilans financiers positifs. Les actifs de l'équipe ne doivent pas être très élevés, car ils ne possèdent rien à part quelques pièces d'équipement.

«Ça fait longtemps que je répète la même chose, soit que tu ne peux pas avoir les opérations football et l'administration dans deux endroits différents. Dans n'importe quelle entreprise, ça commence par la tête. Dans ce cas-ci, la tête est séparée depuis tellement longtemps que ce n'est pas une surprise de voir qu'il y a si peu de cohésion. Le but principal, et je pense que c'est ce que les investisseurs aimaient, c'était d'ajouter de l'immobilier pour ajouter de la valeur à la concession, pour qu'elle soit viable vraiment à long terme. On ne veut pas investir de l'argent qu'on est assuré de perdre dans trois ans.»

Celui qui est membre du Temple de la renommée du football canadien depuis 2012 assure qu'il y a beaucoup d'intérêt pour les Alouettes chez les investisseurs québécois.

«Je pense qu'il y a beaucoup à faire avec les Alouettes, qu'il y a énormément de choses qui auraient intéressé les gens. De voir ces dernières semaines qu'il y avait autant de gens intéressés à investir dans l'équipe, c'était extrêmement surprenant. Ceux qui croient que le football n'est pas important au Québec, je peux vous affirmer que c'est faux.»

Il semble maintenant que le seul groupe d'acheteurs potentiels soit maintenant celui de l'homme d'affaires montréalais Clifford Starke. Depuis plusieurs semaines, Lapointe semblait mener cette course à l'acquisition de la formation montréalaise.

Robert Wetenhall est propriétaire des Alouettes depuis plus de 20 ans. Il a relancé la concession en 1997, après qu'elle eut été reprise de Michael Gelfand et qu'elle ait déclaré faillite. Wetenhall a aussi épongé les dettes de l'équipe, même s'il n'était pas légalement obligé de le faire.

À l'arrivée en poste de Wetenhall, les Alouettes étaient une puissance de la ligue. Entre 1999 et 2012, la concession montréalaise a dominé la section Est en neuf occasions et a pris part à huit matchs de la Coupe Grey, dont trois victoires.

Le dernier titre des Alouettes remonte à 2010. Ils ont raté les éliminatoires au cours des quatre dernières saisons, et ont présenté une piètre fiche de 21-51 pendant cette séquence.

Wetenhall est un ancien actionnaire minoritaire des Patriots de Boston, de l'American Football League, et des Patriots de la Nouvelle-Angleterre, dans la NFL. En 2011, il a reçu un doctorat honorifique de la Faculté de droit de l'Université McGill pour son travail avec les Alouettes et l'agrandissement du stade Percival-Molson.

Il a été intronisé au Temple de la renommée du football canadien en 2015.

 - Dan Ralph, du bureau de Toronto, a contribué à cet article.