Jacques Dussault est l'une des personnes les mieux qualifiées du Québec pour évaluer les Alouettes. Il possède l'expérience et les connaissances pour le faire et n'est associé aux Alouettes d'aucune façon.

On a donc demandé à l'homme de football de nous donner la lecture qu'il fait de la situation actuelle de l'équipe montréalaise, hier.

«La liste des choses qui ne fonctionnent pas est longue, a dit M. Dussault. Mais je vous demande ceci: quelle entreprise embaucherait un candidat inexpérimenté comme [Mike] Sherman l'est au football canadien et le placerait dans un poste d'importance en lui disant d'apprendre sur le tas?»

«On est dans une ligue professionnelle, ce n'est pas normal qu'un entraîneur soit obligé d'apprendre durant la saison. Il y a des stages pour des entraîneurs invités, et c'est ce qu'avait fait Trestman avant d'être embauché par les Alouettes», a-t-il rappelé.

«Je ne dis pas que Mike Sherman n'est pas une bonne personne, ce n'est pas la question. Et c'est sûr que ça prend de bons joueurs pour gagner, aussi.» 

Trouver de bons joueurs est bien sûr le travail de Kavis Reed. Le DG n'a pas impressionné Dussault du tout à ses deux premières années à son poste.

«En début de saison dernière, il nous a dit que l'équipe changerait sa façon de faire quant au ratio. Il voulait des Canadiens sur la ligne défensive et un peu plus d'Américains sur la ligne offensive. À la fin de la saison, c'était complètement le contraire.»

«Ils se sont débarrassés de Vernon Adams fils parce qu'ils ne le trouvaient pas assez bon, puis ils sont retournés le chercher. Même chose dans le cas de Gabriel Knapton. Le talent canadien était supposément très important, mais ils ont échangé l'un des meilleurs joueurs canadiens de la ligue en Chris Ackie plutôt que d'essayer de lui faire signer un nouveau contrat », a énuméré Dussault.

«C'est totalement chaotique et c'est à n'y rien comprendre. Ça n'a aucun sens! À un moment donné, s'il y a un plan, il faut le suivre!»

Stubler plutôt que Thorpe

Dussault se questionne également sur les décisions de Reed quant au personnel d'entraîneurs.

«Noel Thorpe est l'un des meilleurs coordonnateurs défensifs de la LCF, mais Reed l'a blâmé et l'a congédié [en 2017]. Il a ensuite amené son ami [Rich Stubler] pour le conseiller», a rappelé l'ancien pilote de la Machine et des Carabins.

«Andrew Wetenhall dit qu'il évaluera le travail de Reed de près [voir autre texte]. Mais qui l'a nommé comme DG au juste?»

«Normalement, lorsqu'on embauche des gens, c'est parce qu'ils ont connu du succès ailleurs. Ce n'était pas le cas de Reed du tout.»

Dussault aurait-il congédié Reed et Sherman au terme de la dernière saison, qui s'est terminée avec une fiche de 5-13 et par une quatrième exclusion des éliminatoires de suite?

«En tout cas, je me serais posé de sérieuses questions», répond-il après une longue hésitation.

«Ce qui déforme totalement les choses, ce sont les deux derniers matchs qu'ils ont gagnés. Hamilton a reposé la moitié de ses joueurs et Toronto avait la pire équipe de la ligue.»

Toujours un problème

En ce qui a trait à l'éternel problème de quart-arrière, Dussault n'est pas très optimiste malgré la présence de Johnny Manziel et d'Antonio Pipkin.

«Comme c'est le cas depuis je ne sais plus combien d'années, le plus gros point d'interrogation au camp sera encore au poste de quart. À mes yeux, Manziel et Pipkin, c'est quatre trente sous pour une piastre. Ils n'ont encore rien fait dans la LCF, ni l'un ni l'autre.»

«Les Alouettes ont laissé partir le quart qui a eu les meilleures statistiques depuis Calvillo, Rakeem Cato. Ils trouvaient qu'il n'était pas assez studieux. Mais ça s'apprend. Ce qui ne s'apprend pas, c'est le talent, et Cato l'avait.»

«Il n'était pas très minutieux, mais si une équipe est capable d'endurer Duron Carter, elle devrait être capable d'endurer un gars comme Cato!»



Photo Hugo-Sébastien Aubert, Archives La Presse

Jacques Dussault, ancien entraîneur-chef de la Machine de Montréal et des Carabins de l'Université de Montréal

Trestman mérite le blâme

Jim Popp est toujours montré du doigt lorsqu'il est question de «l'après-Calvillo» au poste de quart. Dussault ne voit toutefois pas tout à fait les choses du même oeil.

«Les gens qui évaluaient les quarts-arrières n'ont pas fait un très bon travail, eux non plus, mais on a laissé Marc Trestman se construire un CV pour s'en aller dans la NFL en gardant Anthony Calvillo sur le terrain pour amasser des statistiques. Ça n'a donné aucune chance à un autre quart-arrière d'avoir un peu de temps de jeu.

«Trestman nous en a passé une petite vite en expliquant sa décision de laisser Calvillo sur le jeu en disant que les matchs n'étaient jamais terminés dans la Ligue canadienne, qu'aucune avance n'était assez grande. Alors quand Calvillo est parti, aucun quart n'était prêt à jouer.»

Assez d'amateurs au Québec

Les Alouettes perdent beaucoup d'argent et les gradins du stade Percival-Molson continuent de se vider de match en match. Dussault ne croit cependant pas que l'avenir de l'organisation à moyen terme est menacé. Ou, du moins, qu'il devrait l'être...

«Si les Alouettes sont incapables d'avoir des foules de 20 000 personnes, il y a un problème parce qu'il y a beaucoup d'amateurs de football au Québec.»

«Mais l'équipe nous dit que l'entraîneur est bon, que le DG est bon, que les joueurs sont bons, qu'ils travaillent fort et que l'esprit d'équipe est bon... Mais avant leurs deux dernières victoires qui ne voulaient rien dire, leur fiche était de 3-13! Il y a quelque chose qui ne fonctionne pas quelque part!»

Photo Robert Skinner, Archives La Presse

Marc Trestman (à droite) a dirigé Anthony Calvillo et les Alouettes de Montréal de 2008 à 2012 avant de faire le saut dans la NFL.