Un vent de renouveau souffle chez les cheerleaders des Alouettes de Montréal, qui comptent dorénavant sept gars dans leurs rangs. Incursion dans une équipe tissée serré, déterminée à faire sa marque dans un sport en pleine expansion au Québec et dans le monde qui n'est plus confiné aux lignes de côté.

Les entraînements vont bon train en prévision du premier match à domicile des Alouettes, qui aura lieu le samedi 9 juin au stade Percival-Molson. Deux fois par semaine, les cheerleaders répètent leurs chorégraphies qui meubleront les temps morts pendant le match et ajouteront au spectacle.

D'entrée de jeu, Annie Larouche tient à mettre les choses au clair: «ses filles», comme elle les appelle affectueusement, sont bien traitées. Oups ! La directrice de la fondation Alouettes, qui veille sur les cheerleaders depuis le retour de l'équipe de football à Montréal, en 1996, se reprend en riant.

«Je ne peux plus dire "mes filles", s'excuse-t-elle. On a maintenant des gars! Il faut que je change mon vocabulaire ! Il y en a qui font partie de l'équipe depuis 10, 12, 13 et 14 ans. Elles doivent être bien!»

Elle fait allusion aux reportages publiés récemment dans des journaux américains, dont le New York Times, qui dénoncent les exigences très strictes que certaines équipes de la NFL imposent aux cheerleaders pour s'assurer qu'elles correspondent à un idéal très précis de la beauté. Les cheerleaders d'une équipe en particulier ont été mises dans des situations à risque pour plaire à des commanditaires, des détenteurs de loge et même des partisans, prêts à débourser une certaine somme pour les côtoyer.

Or ici, la situation n'est pas comparable, affirme la directrice des cheerleaders. Il n'est pas question de contrôler le poids. Aucun nombre maximal d'années d'ancienneté ni code vestimentaire ne sont imposés.

«Dans leur contrat, on demande aux cheerleaders d'être propres, d'avoir une apparence soignée, de sentir bon. Ah oui, j'ai une marotte. Que les filles portent du vernis à ongles ou non, je n'ai pas de préférence. Mais il ne faut pas qu'il soit écaillé.»

Son principal critère de sélection? Être en forme. «C'est très exigeant pendant les matchs. C'est trois heures et demie d'aérobie, stop and go. Pour le reste, les filles ne sont pas toutes faites dans le même moule. Certaines sont très minces, d'autres, plus carrées. Elles ont les cheveux blonds, bruns, avec ou sans mèches, cela importe peu. Elles vont de 5 pi à 5 pi 9 po. Je vais juste pas mettre la grande à côté de la petite.»

«On ne veut pas des pitounes, poursuit-elle. Ce sont de belles filles en forme, qui donnent un bon spectacle. Elles pourraient être ta voisine.»

Nouvelle ère 

Pour la première fois, cette saison, sept gars s'immiscent dans la formation. Sept gars sur un total de 32 cheerleaders, divisée également dans deux disciplines: le volet danse et le volet cheerleading (claque). C'est ce dernier qui est mixte, ce qui reflète la popularité grandissante du sport.

«On garde les pompons dans le volet de la danse, précise Annie Larouche. C'est un élément du spectacle. Sinon, d'en haut, on ne voit rien, sans effet visuel.»

Les 9 et 10 mai, la bonne humeur régnait lors de la prise de photos pour le calendrier, qui sera vendu afin de financer une partie du voyage des cheerleaders pendant le week-end de la Coupe Grey. Cette activité extrêmement prisée, qui rassemble les cheerleaders de toutes les équipes de la Ligue canadienne de football (LCF), coûte cher: environ 35 000 $.

«Je suis la première personne qui s'est inscrite aux auditions. Il n'était pas question que je ne fasse pas partie de cette première édition. Je suis très fier d'être dans l'équipe! On va apporter de la force. Cela suit la tendance du sport», affirme Guillaume Thivierge, nouveau membre des cheerleaders des Alouettes.

Membre des Flyers All Starz-Shock, à Pierrefonds, depuis neuf ans, il a fait de la danse, de la natation et du plongeon à un niveau compétitif avant de découvrir le cheerleading au cégep. Pourquoi vouloir relever ce défi? «Pour la reconnaissance de notre sport, pour le show, pour montrer de quoi on est capables», répond le jeune homme de 26 ans.

Jean-Michel Bourdages, 22 ans, a fait des sports acrobatiques, le trampoline et la gymnastique au sol, avant d'essayer le cheerleading au cégep. Il fait partie de deux équipes dans deux clubs différents: SpiriX, à Saint-Léonard, où il est aussi instructeur, et Laval Excellence (Legacy Allstarz), pour faire des compétitions à un haut niveau.

«On va ajouter un élément impressionnant, croit le jeune homme», qui rentre des championnats mondiaux de cheerleading, à Orlando. «La foule va crier en voyant les filles dans les airs faire des acrobaties. Cela va ajouter au divertissement.»

«C'est notre seconde famille»

Au sein de la troupe, Annie Larouche prend bien soin d'intégrer les nouveaux venus et de préserver l'esprit d'équipe, qui en a fait la force jusqu'à maintenant. Un détail révélateur: pour le calendrier, Guillaume Thivierge et Jean-Michel Bourdages sont photographiés avec Claudia Meunier, qui en est à sa cinquième année. Pas question de créer une distinction entre les équipes de danse et de cheerleading.

«C'est notre seconde famille», fait remarquer Sidney Ginchereau, qui a été cheerleader des Alouettes pendant neuf ans, de 2009 à 2017, avant de se joindre à Annie Larouche pour l'épauler dans la coordination des cheerleaders.

«C'est valorisant, on a le sentiment de faire une différence», dit-elle. Elle a particulièrement aimé la tournée des hôpitaux pour enfants avec des joueurs et des membres du personnel, et elle a même visité les troupes canadiennes en Afghanistan avec trois autres cheerleaders, lors d'un voyage organisé par le gouvernement fédéral.

«Mes meilleures amies sont dans ce groupe, précise-t-elle. Nous avons traversé ensemble beaucoup d'étapes de nos vies. Nos entraînements nous permettent de nous retrouver et de lâcher prise.»

Leur gratification? Exercer leur passion et démontrer leur savoir-faire devant 20 000 personnes, 10 fois par année. Le salaire ne s'avère pas une source de motivation. Considérés comme des travailleuses indépendantes, les cheerleaders ne sont pas des employées des Alouettes. Elles sont rémunérées pour chaque match (minimum 100 $, plus pour les coordonnatrices) et pour les événements dans la communauté auxquels elles participent. Elles bénéficient de certains avantages, comme l'abonnement au gym, et détiennent chacune quatre abonnements de saison.

«On fait ça pour l'expérience, explique Sidney Ginchereau. En partant, on aime performer en danse ou en cheerleading. Le week-end de la Coupe Grey est notre bonbon. C'est une grosse fin de semaine chargée où on se rassemble pour célébrer.»

La différence avec d'autres équipes? «Nos dirigeants ont compris qu'on est une dépense, indique Annie Larouche. C'est pourquoi nos cheerleaders sont bien traités. Ils et elles ne sont pas monnayables.»