Un match comme un autre ? Absolument pas. Vous l'aurez deviné, la visite des Argonauts de Toronto, vendredi soir au stade Percival-Molson, sera particulière pour plusieurs vétérans des Alouettes.

De l'édition actuelle des Moineaux, il y en a encore quelques-uns qui ont vécu des moments marquants en compagnie de Jim Popp, de Marc Trestman et des autres anciens du club qui font aujourd'hui partie des Argos. Du nombre, Anthony Calvillo est sans contredit celui qui a été le plus près de Popp et de Trestman, devenus respectivement directeur général et entraîneur-chef des Argonauts en février.

« Si j'ai pu gagner ma vie en jouant au football, c'est grâce à Jim, qui a toujours cru en moi. J'ai vu ses enfants grandir et il a vu les miens grandir. On a vécu tellement de choses ensemble. Des championnats et des défaites crève-coeur, mais aussi plusieurs choses à l'extérieur du terrain, des hauts comme des bas », a dit Calvillo.

Parmi les bas, il y a eu la maladie, qui n'a pas épargné le clan Calvillo. Sa femme et lui ont tous deux été frappés par le cancer. 

« Jim m'a dit de prendre tout le temps nécessaire, que le football était bien secondaire. C'est dans les épreuves qu'on reconnaît les bons êtres humains, et Jim en est assurément un. »

Le divorce entre les Alouettes et Popp était presque devenu indispensable au bon fonctionnement du club. C'est malgré tout un départ qui a laissé un vide. Lors du camp d'entraînement de l'équipe, en juin, on avait parfois l'impression que Popp allait surgir de quelque part, lui qui a passé plus de deux décennies aux commandes.

« C'était très étrange de ne pas entendre sa voix lors de nos réunions au camp, c'était très différent », a dit Anthony Calvillo.

« Oui, c'était bizarre de ne pas le voir sur les lignes de côté au camp d'entraînement, avec son chandail bleu et ses cheveux blancs », a admis le spécialiste des longues remises Martin Bédard.

Luc Brodeur-Jourdain ne garde pas que de bons souvenirs de Popp. La dernière négociation contractuelle entre les deux hommes a laissé des traces. Mais le centre sait faire la part des choses.

« Jim est quelqu'un qui aime profondément ses joueurs. Évidemment, il y a toujours l'aspect business et les questions pécuniaires qui entrent en ligne de compte, alors c'est rare qu'un joueur aura des propos élogieux pour son DG. Tôt ou tard, tous les joueurs finissent par passer dans le tordeur. Mais je lui serai toujours reconnaissant de m'avoir repêché. »

Comme Calvillo et Brodeur-Jourdain - qui étaient loin de représenter des valeurs sûres comme joueurs à leur arrivée à Montréal -, John Bowman estime que Popp est à l'origine de sa carrière professionnelle.

« Je lui dois 80 % de mon succès. C'est lui qui m'a trouvé dans le fin fond de la Géorgie et qui a misé sur moi alors que personne d'autre ne voulait le faire. Je crois que les gens ne réalisent pas vraiment tout ce qu'il a fait pour les Alouettes de Montréal. »

Le zèle de Trestman

Trestman a passé 16 années de moins que Popp chez les Alouettes, mais son impact a été considérable, lui aussi. Il y a évidemment eu les victoires et les deux conquêtes, mais sa vision a influencé bien des gens.

« Lorsque je suis arrivé dans la Ligue canadienne, tout ce que j'entendais dire, c'était que le football n'était qu'une business. Mais Marc a vite créé un sentiment d'appartenance extrêmement fort dans l'équipe. Le côté humain était essentiel et il s'est assuré que tous les membres du club comprennent qu'ils étaient aussi importants que le prochain », a expliqué Brodeur-Jourdain.

« Marc n'arrête jamais de réfléchir. C'est l'une des choses qu'il nous a inculquées, l'importance de bien comprendre le jeu en sa totalité, pas seulement en fragments. Il est un auteur, un avocat, un entraîneur... Il est comme le personnage de Dos Equis à la télé : ‟l'homme le plus intéressant du monde" », a renchérit John Bowman.

« Je me rappellerai toujours une réunion d'équipe en particulier. Il était 9 h le matin et Marc nous avait dit qu'il avait eu du temps à 3 h de la nuit et qu'il nous avait préparé un petit quelque chose. C'était une présentation PowerPoint de 41 pages ! », s'est remémoré Bédard. « Ce sera spécial de disputer un match contre deux de mes mentors [Trestman et Popp]. »

« Un niveau émotif »

Popp et Trestman n'ont pas hésité à s'entourer de plusieurs des joueurs qui leur ont permis de connaître du succès à Montréal, dont S.J. Green, Bear Woods, Brandon Whitaker et Alan-Michael Cash. Il y aura donc des retrouvailles dans le feu de l'action, aussi.

« J'ai joué huit saisons avec S.J. et six ou sept avec Bear. C'est sûr qu'il y a un niveau émotif. C'est rare qu'on joue six ou sept ans avec un joueur, peu importe que ce soit au niveau scolaire ou professionnel », a noté Brodeur-Jourdain.

« J'ai vu S.J. passer d'un joueur sur notre équipe de développement à un futur membre du Temple de la renommée. Alan-Michael Cash avait la tête rasée comme la mienne à ses débuts avec notre équipe et il a maintenant des dreadlocks. Oui, ce sera très étrange et spécial de les affronter », a résumé Bowman.

photo Olivier Jean, archives reuters

Anthony Calvillo et Jim Popp, en 2011