À l'écouter parler, on jurerait que Joe Galat discute de la saison de misère que traversent actuellement les Alouettes. Ce n'est pourtant pas le cas. Il raconte plutôt ce qu'il a vécu il y a plus de 30 ans.

Entraîneur-chef et directeur général des Concordes de Montréal, apparus après la dissolution des Alouettes en 1981, Galat a connu quelques-unes des pires années de football dont la métropole a été témoin. Dont la pire de toutes, en 1982, alors que l'équipe a présenté un affreux dossier de 2-14.

En entrevue avec La Presse, il relate les nombreux problèmes que l'équipe traversait à cette époque. Ses jeunes quarts-arrières éprouvaient toutes sortes de difficultés qui avaient des conséquences sur l'attaque aérienne en général. En fait, seules les unités spéciales, menées par le vétéran botteur Don Sweet, connaissaient du succès.

«(L'ancien entraîneur de la NFL) Bill Walsh m'a dit une fois que le jeu de passes n'est pas verbal. C'est du non-dit, comme lorsqu'on fait du vélo. Vous ne pouvez pas vraiment analyser. Le quart doit "sentir" le receveur, et vice versa. Vous pouvez compter vos pas et espérer une bonne protection de passe, mais ça reste un sentiment qui doit surgir de lui-même. Et ça nécessite beaucoup de répétitions», explique Galat.

Des quarts qui en arrachent, un botteur qui sonne la charge... Voilà un portrait qui rappelle curieusement les Alouettes de 2014.

Mais selon Jacques Dussault, qui a occupé diverses fonctions d'entraîneur adjoint aux côtés de Galat, ceux-ci sont tout de même nettement supérieurs aux défunts Concordes. «Il y a pas mal plus de talent chez les Alouettes qu'on en avait», affirme-t-il.

Fiasco annoncé

Les déboires des Concordes à cette époque sont largement attribuables au coloré et controversé Nelson Skalbania, propriétaire des Alouettes au moment de leur disparition en 1981.

Cette année-là, il avait échangé ses meilleurs joueurs canadiens, en plus de tous ses choix au repêchage, afin de mettre la main sur quelques vedettes américaines telles que Vince Ferragamo, Billy «White Shoes» Johnson et David Overstreet.

«Eddie Murphy était à Saturday Night Live et il jouait le personnage d'un joueur de football canadien-français. Son nom était Bubba St-Jacques. C'était un sketch très drôle. Quand nous avons eu notre réunion annuelle, on m'a demandé qui serait mon premier choix au repêchage. Sauf qu'on ne possédait aucun choix! Alors j'ai répondu: "Bubba St-Jacques!"», lance Galat en riant pour décrire la situation.

Le pari s'est cependant avéré un cuisant échec. Ainsi, lorsque les Concordes sont nés des cendres des Moineaux, le club était bourré d'Américains improductifs - sans compter ceux qui avaient choisi de partir après un an -, tout en étant dépouillé de talent local. Avec le résultat qu'on connaît.

«Les joueurs donnaient tout ce qu'ils avaient, mais il nous manquait des pions à des positions de reine et de roi», illustre pour sa part Dussault.

Tout n'est pas perdu

Malgré leur situation, tant Galat que Dussault demeurent convaincus que les Alouettes de 2014 peuvent réussir à se tirer de la cave du classement général.

«Ils ont besoin de marquer plus de points, bien sûr, mais je ne crois pas qu'ils soient si loin du but, soutient Galat. Vous pouvez voir qu'ils sont bien dirigés. (...) Ils doivent se concentrer à faire les séries éliminatoires. C'est la seule raison pour laquelle ils doivent se battre à présent. Quand vous commencez les séries, c'est une toute nouvelle saison qui s'amorce.»

Lorsqu'on leur demande ce qui explique, à leur avis, le fait que les Alouettes sont passés de champions il y a quelques années à une équipe qui vivote actuellement au bas du classement, leur réponse fuse aussitôt: la retraite d'Anthony Calvillo.

«C'est un gars spécial, un leader. Il n'était pas ce qu'on pourrait appeler un joueur typique de la LCF, mais il était très intelligent et très courageux», note Galat.

«Les Alouettes sont en train de vivre l'expérience que les autres équipes ont dû subir, analyse quant à lui Dussault. Hamilton et Toronto n'allaient nulle part, alors Montréal était presque assuré de terminer au premier rang chaque année. Mais éventuellement, Toronto a obtenu Ricky Ray et Hamilton a eu Henry Burris.»

«Depuis qu'ils sont revenus (en 1996), poursuit Dussault, les Alouettes n'ont jamais eu à faire face à cette situation. Ils ont d'abord pu compter sur Tracy Ham, puis sur Calvillo. Tous deux étaient des quarts durables qui n'ont pas été souvent blessés. Avoir à gérer une crise de quarts-arrière, c'est nouveau ici.»

Et quel conseil donnerait Joe Galat à l'entraîneur-chef Tom Higgins en vue du reste de la campagne?

«Continue de faire ce que tu fais. Garde la foi, garde le cap. Continue de bien préparer l'équipe comme ce fut le cas cette semaine, et le vent tournera.»

- Avec la collaboration de François Fournier