Certaines personnes, dont Tony Dungy, sont d'avis que les critiques par la bande qu'a formulées Jim Irsay à l'endroit de Peyton Manning cette semaine n'étaient que pur stratagème. Si l'on se fie à l'historique du personnage qu'est le propriétaire des Colts d'Indianapolis, c'est peu probable.

Ça faisait un bon moment qu'Irsay ne s'était pas mis les pieds dans les plats. Cette fois, il est revenu sur le règne de 14 saisons du grand Manning chez les Colts. Rappelons que le quart-arrière disputera un premier match à Indianapolis depuis qu'il porte l'uniforme des Broncos de Denver, dimanche soir.

Dans une entrevue avec le USA Today Sports, Irsay a notamment dit que Manning avait conseillé à l'organisation de choisir Andrew Luck dans les mois qui ont précédé le repêchage de 2012. Une décision qui a rendu son départ de l'Indiana inévitable.

Pas de controverse là. Comme tout le monde, Manning savait que les Colts s'assureraient de faire partie de la crème pendant 15 ans en sélectionnant Luck. L'organisation n'avait pas à chercher très loin pour s'en convaincre. Grâce à Manning, les Colts n'ont raté les séries qu'une seule reprise en 12 saisons, de 1999 à 2010.

Mais cet exploit est loin d'avoir impressionné Irsay. Ce qu'il a retenu, c'est que son club n'avait gagné qu'un seul Super Bowl pendant les 14 saisons de Manning dans le Midwest américain. Il a même dit qu'il en était «frustré» au USA Today. Il faudrait voir ce qu'en pensent les partisans des Bills et des Browns.

«Sans Peyton, il n'y aurait pas de Lucas Oil Stadium. Cette équipe jouerait actuellement à Los Angeles. Je ne comprends pas que Jim puisse dire ça», a lancé Dungy, qui a dirigé les Colts pendant sept saisons (2002 à 2008), au réseau ESPN.

L'entraîneur-chef des Broncos, John Fox, a qualifié les propos d'Irsay de coup en dessous de la ceinture (cheap shot). Manning, quant à lui, a refusé de commenter les propos et a préféré louanger Luck et ses anciens coéquipiers des Colts. On soupçonne que le maestro ripostera à l'aide d'une symphonie de passes parfaites. Les coups de gueule et les commentaires déplacés sur Twitter, ce n'est pas trop son genre.

Comme les Penguins

Irsay a également pris soin de souligner qu'approximativement 70 % de la masse salariale des Colts avait été dépensée en attaque durant l'ère Manning. Il a ensuite ajouté que l'organisation utiliserait dorénavant une autre stratégie parce qu'elle veut gagner plus qu'un Super Bowl cette fois.

Accorder de l'importance à sa défense n'est jamais une mauvaise idée, mais soyons sérieux. On sait tous que les Colts continueront de gagner en raison de Luck, qui est considéré comme le futur Peyton Manning de la NFL par bien des gens.

Les Colts sont les Penguins de Pittsburgh du football. Les Pens ont eu la chance de repêcher Mario Lemieux et Sidney Crosby (et Jaromir Jagr et Evgeni Malkin...), alors que les Colts ont gagné le gros lot à trois reprises en repêchant trois des meilleurs quarts-arrières de l'histoire au cours des 30 dernières années. Tous avec le premier choix de l'encan.

Ce n'est pas la première fois qu'un quart étoile se retrouve chez les Broncos après avoir été repêché par les Colts. Les plus jeunes ne savent peut-être pas que John Elway a été le premier espoir choisi au repêchage de 1983 par les Colts de Baltimore.

Elway ne voulait rien savoir des Colts et a finalement été échangé aux Broncos. Le propriétaire des Colts et père de Jim, Robert Irsay, a déménagé son équipe à Indianapolis en pleine nuit moins d'un an plus tard, donnant ainsi raison à Elway.

Petite parenthèse, je vous conseille d'ailleurs fortement de regarder, si vous en avez la chance, le documentaire Elway to Marino si vous en avez la chance. Réalisé dans le cadre de l'excellente série 30 for 30 d'ESPN Films. On y voit le jeu de coulisses à l'aube du repêchage de 1983. Du bonbon.

L'art de se brouiller

Les propos mesquins qu'a tenus Irsay sont regrettables, même si celui-ci soutient qu'ils ont été pris hors contexte. Lorsque Manning et lui ont conjointement donné une conférence de presse afin d'officiellement annoncer que le quart-arrière poursuivrait sa carrière avec une autre équipe, le 7 mars 2012, on a senti beaucoup d'émotion. Comme il se devait. Tout cela a été fait avec doigté.

Irsay a-t-il agi de cette façon cette semaine afin de déconcentrer Manning? Est-ce plutôt un incompréhensible manque de reconnaissance et de gratitude? Irsay ne peut quand même pas être bête au point de ne pas réaliser la grande chance dont son équipe et lui ont pu bénéficier pendant si longtemps?

Allez savoir pourquoi, mais Irsay vient probablement de se brouiller avec le joueur qui a permis à ses Colts de redevenir une organisation d'importance sur l'échiquier de la NFL. Et l'on doute que la cérémonie d'avant-match afin de marquer le retour de Manning au Lucas Oil Field y changera quoi que ce soit.