Les frères Harbaugh sont très similaires à certains égards, et tout aussi différents à d'autres. On a pu le constater, hier, lors de la première conférence de presse de l'histoire du Super Bowl donnée conjointement par les deux entraîneurs-chefs.

Alors que John était tiré à quatre épingles, Jim portait une casquette et un chandail à l'effigie des 49ers et des espadrilles. Ce sont pourtant les Ravens qui s'entraînaient tout de suite après la conférence de presse, pas les Niners.

L'intensité des deux entraîneurs-chef sur les lignes de côté est bien connue. À l'extérieur du terrain, John, qui est 15 mois plus vieux que Jim, est moins crispé.

«C'est peut-être parce qu'il a déjà joué dans la NFL, mais j'ai l'impression que Jim aurait voulu jouer le match dès le début de la semaine. Il est extrêmement intense. John est plus détendu, il semble vouloir apprécier pleinement l'expérience du Super Bowl», a très bien résumé Bill Cowher.

John a été souriant toute la semaine. Ses réponses étaient détaillées la plupart du temps. La mâchoire plus prononcée, les sourcils souvent froncés, Jim, lui, se serait certainement passé de toutes ces conférences de presse. Mais pour être juste, le plus jeune des deux frères a fait rigoler les journalistes à plusieurs reprises au cours de la semaine. Un vrai pince-sans-rire.

Même si l'un de leurs deux fils est plus avenant et charmant que l'autre, Jackie et Jack Harbaugh évitent le jeu des comparaisons. «Toutes les fois qu'on compare, on a tendance à abaisser l'un d'eux», explique Jack.

«Ils sont beaucoup plus similaires que différents, car ils se préoccupent énormément du bien-être des autres. Ce sont de bons pères, qui adorent leurs enfants, et c'est d'ailleurs ce qui nous rend le plus fiers, de les voir interagir avec leurs enfants», a dit Jackie.

Avant que ses deux fils ne gravissent les échelons du «coaching», Jack a lui-même eu une carrière d'entraîneur de 43 ans dans les rangs universitaires. Le feu sacré n'était cependant pas qu'une affaire d'hommes chez les Harbaugh.

«Personne n'est plus compétitif que ma mère dans notre famille. Elle se donne corps et âme dès qu'elle est en compétition», a noté Jim.

«Je pense que tous ceux qui connaissent bien notre famille savent que notre passion, notre amour et notre émotivité proviennent de Jackie», estime Jack, qui n'a pas tarit d'éloges à l'endroit de sa bien-aimée lors de leur propre conférence de presse, jeudi.

«Elle est l'ancre de notre famille. C'est elle qui a supervisé nos 17 déménagements durant ma carrière. C'est elle qui a vendu notre maison et qui a acheté la suivante à chaque fois. C'est elle qui amenait les enfants à l'école et qui s'y rendait lorsque les choses n'allaient pas bien. Mon héros, c'est Jackie Harbaugh.»

Dans le camp du perdant

Quelles sont les chances que deux frères qui dirigent des équipes de la NFL s'affrontent au Super Bowl?

«Je suis capable d'additionner, de soustraire, de multiplier et de diviser, mais c'est un peu trop de mathématiques pour moi. On a probablement plus de chances d'être frappé par la foudre», répond Jim.  

Selon John, si on ne tient compte que des 32 entraîneurs-chefs qui sont présentement dans la NFL, les chances que lui et son frère se retrouvent au Super Bowl ne sont que d'une sur 250. Se préparer à affronter frérot dans le match le plus important de sa vie est une expérience que peu de gens auront vécue.

«C'est effectivement plus difficile sur le plan émotif, car on n'accorde aucune importance à cet aspect lorsqu'on affronte d'autres équipes», avoue John, qui tentera toutefois d'oublier que c'est son frère qui sera de l'autre côté du terrain. «Notre loyauté est très forte et ça ne changera jamais. Mais dimanche, notre famille sera notre équipe respective.»

Le frère qui remportera le match de demain ressentira plusieurs émotions différentes, dont de la tristesse pour l'autre. «L'entraîneur victorieux n'aura certainement pas le sourire fendu jusqu'aux oreilles», a d'ailleurs souligné Cowher.

Imaginez comment se sentiront les parents... Jack et Jackie sont fiers et comblés de voir leurs garçons au Super Bowl, il va sans dire. Mais seront-ils capables de ressentir de la joie pour le gagnant en sachant que le perdant aura le coeur en miettes?

Le couple a eu une petite répétition, il y a un peu plus d'un an. Les Ravens de John ont vaincu les 49ers de Jim. Après une brève visite dans le vestiaire des Ravens, ils ont constaté qu'on n'avait pas vraiment besoin d'eux du côté des gagnants.   

«On a vu le regard de Jim et on a réalisé que c'est avec lui qu'on devait se trouver en tant que parent. Il y en aura un qui sera extrêmement déçu, et c'est avec celui-là qu'on sera. Tous les parents peuvent s'identifier à cette situation», a dit Jack.

Des images gravées

Il y avait trois priorités chez les Harbaugh: la famille, la foi, et le football. Vous ne serez donc pas surpris de savoir que Jay (oui, les Harbaugh aiment ça les «J»), le fils aîné de Jim, amorce actuellement une carrière d'entraîneur dans la NFL. Sauf que c'est avec les Ravens, pas les 49ers.

«Jay fait ce qu'il aime et j'en suis très reconnaissant. Je suis heureux qu'il puisse travailler avec un très bon groupe d'entraîneurs, dont John, qui l'a embauché. On me dit qu'il fait de l'excellent travail, et je suis très fier de lui», a raconté Jim, hier.

Le neveu travaille avec l'oncle, mais serait-il envisageable que John et Jim soient à l'emploi du même club, si l'un d'eux devait perdre son poste actuel un jour?

«Il n'y a aucun doute. On a déjà discuté de cette possibilité par le passé. Le timing n'a jamais été bon, mais j'aimerais beaucoup travailler avec Jim, ce serait génial», a indiqué John. «On serait capables de le faire», a ajouté Jim.

Peut-être éventuellement. Pour l'instant, chacun des deux frangins se préparent toutefois à vaincre l'autre. Ce qui ne sera pas seulement difficile sur le plan émotif.

«Aucun entraîneur dans cette ligue n'est supérieur à Jim», a lancé John, hier. Jim lui a renvoyé l'ascenseur quelques minutes plus tard. «Je ne suis peut-être pas objectif, mais les Ravens sont extrêmement bien dirigés», a-t-il souligné.

On se doute bien que le vainqueur ne triomphera pas trop sous le regard de son frère. Qu'en sera-t-il lors de la traditionnelle poignée de main?

Les deux frères disent ne pas y avoir réfléchi du tout. Selon Jim Nantz, qui décrira l'action du match au réseau CBS, c'est probablement cette séquence qui marquera le 47ème Super Bowl à travers les époques.     

«C'est le moment que j'ai le plus hâte de voir, la poignée de main entre les deux frères. Ça restera gravé à jamais dans l'histoire de la NFL. Ces images seront rediffusées bien après le départ de chacun de nous.»