En l'espace d'un mois l'année dernière, les vies de Walter Spencer et Marc-Olivier Brouillette ont basculé. Pour ces deux joueurs des Alouettes, l'actuel camp d'entraînement est source de bonheur, pas de douleur.

LES Alouettes

«Comme la vie est imprévisible»

Ayant évité le pire, Spencer et Brouillette apprécient chaque moment qui passe

La nuit du 6 septembre, Spencer a été sauvagement attaqué à l'arme blanche dans un bar du boulevard Saint-Laurent. On a craint pour la vie du joueur de 31 ans dans les heures qui ont suivi.

À peine trois semaines plus tard, lors d'un vol qui amenait les Alouettes à Calgary, Brouillette s'est senti mal: étourdissements, nausées, fatigue extrême. Un triste épisode qui allait durer plusieurs mois, qui lui a fait perdre 30 livres, et durant lequel la possibilité qu'on lui ampute une jambe était bien réelle.

Moins d'un an plus tard, les deux secondeurs respirent le bonheur sur le campus de l'Université Bishop's. Quatre heures d'entraînement par jour sous un soleil de plomb? Quatre heures de sommeil sur un matelas de deux pouces? Aucun problème. Au terme de leur combat respectif, les deux hommes ont retrouvé la santé. La carrière, c'est le crémage sur le gâteau.

«Ça change le regard qu'on porte sur les choses assez radicalement. On veut profiter de toutes les situations qui se présentent à nous, aussi banales soient-elles. On veut rencontrer le plus de gens possible, et on veut faire le bien autour de nous», a dit Spencer, hier, en tentant tant bien que mal de cacher la cicatrice qui longe son thorax et qui atteste de la sévérité de sa blessure.

«Je suis allé le visiter à quelques reprises, et c'était difficile de le voir comme ça, intubé», dit Brouillette, qui ne se doutait pas qu'un sort semblable le guettait.

Un cauchemar

Isolé dans une chambre pendant le séjour des Alouettes à Calgary, Brouillette a dormi approximativement 22 heures sur 24 pendant trois jours. Il était incapable d'avaler une bouchée. On ne parlait pas d'une simple indigestion.

Il était plutôt question d'une forme virulente de streptocoque, une bactérie qui s'apparenterait à celle de la mangeuse de chair. Et tout ça a commencé à cause du liquide qui se trouvait dans l'un de ses genoux. Ironie du sort, les médecins de l'équipe ont voulu éviter de drainer le genou par peur de provoquer une infection...

En revenant de Calgary, l'ancien quart-arrière des Carabins de l'Université de Montréal ne se sentait pas mieux, et une intense douleur au genou est apparue.

«Ma jambe a presque doublé de grosseur, je me suis donc dirigé à l'hôpital, où les médecins de l'équipe m'ont rencontré. Ils m'ont expliqué que la première chose qu'il fallait faire, c'était de trouver le bon antibiotique afin que l'infection cesse de se propager. Et que s'ils en étaient incapables, il faudrait alors amputer.»

Heureusement, la situation n'a pas dégénéré jusque-là. Après plusieurs tests et quelques antibiotiques différents, la décision d'opérer a été prise. C'est 1,5 litre d'un mélange de sang et de liquide infecté qui en est sorti.

La jambe a désenflé, mais Brouillette n'était pas au bout de ses peines. La bactérie s'est propagée dans ses poumons, ce qui a provoqué une pneumonie. Son séjour de trois semaines à l'hôpital a été un véritable cauchemar. «Je n'étais même plus capable de marcher. Je me rendais à la toilette, et je n'étais plus capable de respirer», a-t-il décrit.

Brouillette a été contraint de prendre des antibiotiques par intraveineuse pendant un mois à sa sortie de l'hôpital, et a perdu presque toute sa masse musculaire. Un dur coup à encaisser pour un jeune homme qui avait mis tant d'énergie pour atteindre une forme physique irréprochable.

«J'ai cru que j'avais fait tout ce travail pour rien. Je me regardais dans le miroir et je sentais que j'avais tout perdu ce que j'avais mis des années à construire. Au gym, je n'étais même plus capable de soulever la moitié du poids que je soulevais auparavant.»

Mais comme Spencer qui n'est plus nullement ennuyé par sa blessure, Brouillette a remonté la pente. Il a passé trois mois en Floride au cours de la saison morte, où l'unique objectif était de regagner la force et l'endurance perdues.

«Je ne croyais pas que ça me prendrait autant de temps, mais je me suis enfin senti à 100% de ma forme au début mai.»

Amitié et soutien

À première vue, on ne croirait pas que Spencer et Brouillette ont des affinités. Le premier est un vétéran joueur originaire de la région de Detroit, qui s'est fait un nom dans la LCF grâce à son rendement dans les unités spéciales. Le deuxième est un jeune Québécois qui s'est fait remarquer lorsqu'il était le quart-arrière des Carabins.

«On a beaucoup de choses en commun et on s'entendait déjà très bien avant nos mésaventures. Il m'a beaucoup aidé à mon premier camp d'entraînement», a expliqué Brouillette.

«J'aime beaucoup Marco, c'est une très bonne personne. Avon (Cobourne) et lui ont été les deux premiers à venir me visiter et m'encourager. Trois semaines plus tard, c'était à mon tour de lui rendre visite à l'hôpital. C'est fou comme la vie est imprévisible. C'est complètement fou.»