Le premier gars que j'ai croisé au déjeuner des Saints de La Nouvelle-Orléans, hier matin dans un chic hôtel de Miami, c'est Bobby Hébert. Vous vous souvenez de lui? Un authentique héros cajun. Un vrai de vrai. Un ancien quart-arrière, qui a fièrement porté le noir et or des Saints pendant sept saisons, de 1985 à 1992.

Bobby Hébert travaille maintenant à la radio, et il est encore un Saints dans l'âme. Impossible de le rater, d'ailleurs ; mercredi, il se promenait dans le lobby de l'hôtel avec un spectaculaire chandail jaune frappé du fameux «Who dat?», le cri de ralliement des Saints.

J'ai demandé au héros cajun ce que représentent les Saints pour La Nouvelle-Orléans, et la réponse a duré environ 15 minutes.

«Après l'ouragan Katrina, les Saints, c'est tout ce qui restait aux gens de La Nouvelle-Orléans, a expliqué Hébert. Les gens ont vu les Saints aller, et ils ont décidé de faire comme eux, de se retrousser les manches et de se mettre au travail. Je suis né à 50 kilomètres de La Nouvelle-Orléans, je suis un gars de la place, et je peux vous dire qu'après Katrina, ce sont les Saints qui ont permis aux gens de la ville de garder espoir.»

Les Saints au Super Bowl, pour les habitants de La Nouvelle-Orléans, c'est énorme. Pour plusieurs raisons. Sur le plan sportif, bien sûr; qui, un jour, aurait pu prévoir que ce club de perdants allait enfin accéder au zénith? Mais surtout sur le plan humain. «Les Saints se sont mis à gagner après Katrina et, franchement, pour la ville, ça ne pouvait mieux tomber», a estimé Hébert.

Heureux hasard, en effet. Après Katrina, les Saints ont changé de peau. Il y a eu l'arrivée de l'entraîneur Sean Payton, qui a rapidement jeté aux poubelles cette culture de la défaite qui plombait l'équipe depuis sa naissance, en 1967. Ensuite, Payton a eu la bonne idée d'aller chercher des joueurs qui avaient quelque chose à prouver. Des gars abandonnés par d'autres équipes, qui allaient débarquer en Louisiane et s'impliquer pour la cause.

Pour la cause des Saints, et pour la cause de La Nouvelle-Orléans.

«Regarde un peu ce que fait (le quart) Drew Brees, a ajouté Hébert. Le gars est incroyable. Les Chargers ne voulaient plus de lui, alors il a décidé d'aller jouer pour les Saints et de s'impliquer dans la communauté. D'ailleurs, les joueurs des Saints sont tous comme ça. Ils ne sont pas seulement là pour jouer au football, ils sont aussi là pour aider les gens, pour s'impliquer dans la communauté. Des pommes pourries, il n'y en a pas dans cette équipe.»

Le symbole de la ville

N'allez pas croire que les gars des Saints ne sont pas au courant de l'histoire de leur ville. Au déjeuner d'hier, un membre des médias a demandé à Drew Brees d'expliquer cette fleur de lys qui orne le casque doré de l'équipe.

Brees, un gars brillant qui a une solide tête bien vissée sur les épaules, a répondu avec brio.

«Ça remonte à l'époque de la monarchie française, a expliqué le quart des Saints. C'est le symbole de La Nouvelle-Orléans, c'est le symbole de sa culture. En grande partie, la culture de La Nouvelle-Orléans provient du temps où nous étions sous le règne français. La fleur de lys, c'est une grosse partie de cette culture, une grosse partie de l'identité de cette ville. C'est le symbole de la ville.»

Puis, comme pour s'assurer que les membres des médias américains puissent bien comprendre, Brees a conclu sa réponse avec une comparaison.

«C'est un peu comme ce sentiment qui nous habite quand on regarde le drapeau américain pendant l'hymne national, ce sentiment de fierté. Nous, on a le même sentiment quand on voit la fleur de lys. La fleur de lys nous fait rayonner de fierté.»

Après Katrina

Les Saints ne vont pas seulement jouer pour eux dimanche soir à Miami. Ce 44e Super Bowl face aux Colts d'Indianapolis, ils vont aussi le disputer pour toute une ville. Une ville qui les a adoptés, qui marche avec eux depuis ce triste jour d'août 2005, quand Katrina a tout arraché sur son passage.

«Après la destruction causée par Katrina, les gens de notre ville avaient tous besoin de s'accrocher à quelque chose, a fait remarquer l'entraîneur Sean Payton. Pour cette raison, c'était important que l'équipe obtienne du succès.»

Du succès, l'équipe en a obtenu. Ne manque plus que la conclusion parfaite. La conclusion hollywoodienne qui fait rêver tous les habitants de La Nouvelle-Orléans depuis trop longtemps.

Ne manque plus qu'un Super Bowl.