Alors, est-ce que c'était le meilleur Super Bowl de l'histoire? La question était de toutes les discussions au gros party d'après-match de la NFL, dimanche soir, au centre-ville de Tampa. Certains disaient que oui, d'autres penchaient plutôt pour les grandioses spectacles du passé signés Montana, Aikman ou Namath...

C'est une question de goût. D'époque aussi; je n'étais pas né en 1969, mais ceux qui ont vu Broadway Joe Namath mener ses Jets à la victoire ce soir-là en parlent encore avec des yeux d'enfants.

Moi, mon choix reste le 42e, il y a un an. Pour la qualité du spectacle, mais surtout pour la qualité des forces en présence. Patriots contre Giants, une équipe invaincue contre une équipe surprise. Sans oublier le catch de David Tyree et la passe d'Eli vers Plaxico Burress à la fin... Dur à battre.

Le 43e Super Bowl aura tout de même été l'un des meilleurs. Kurt Warner qui enfonce 377 verges de gains dans la gorge des Steelers. Larry Fitzgerald qui se pousse sur 64 verges pour le touché. Le gros Harrison qui ramène l'objet à l'autre bout sur 100 verges. Et la poussée magique fabriquée par Roethlisberger à la fin. Frissons garantis.

Au même party d'après-match, plusieurs membres des médias s'insurgeaient contre les arbitres, trop pro-Steelers à leur goût. Ce fut pas mal pire au 40e Super Bowl, si vous voulez mon avis, mais la question demeure: comment expliquer que personne n'ait jugé bon de revoir l'échappé de Kurt Warner à la fin? Si c'était pas le tuck rule de Tom Brady, c'était pas loin... Avec la pénalité de 15 verges, les Cards auraient eu le ballon au 29 des Steelers.

Mais bon. On retiendra de ces Steelers qu'ils formaient une solide équipe... qui comprenait très bien le concept d'équipe, justement.

«Nous ne montrons jamais personne du doigt dans notre vestiaire, a expliqué l'entraîneur Mike Tomlin hier matin. Nous avons toujours préféré gagner nos matchs en équipe. C'est notre façon de faire. Nous ne nous préoccupons pas de ce que les gens pensent de certains de nos joueurs. Nous nous préoccupons du résultat final de chaque match.»

Dans le délire médiatique de l'après Super Bowl, certains collègues des médias se permettent toujours d'en beurrer épais. C'est encore arrivé hier. Je ne compte plus le nombre d'experts qui ont parlé des Steelers comme d'une équipe de grande classe, d'une «organisation modèle», de la «plus grande organisation du sport professionnel de tous les temps».

Comme on a la mémoire courte.

On semble oublier que les Steelers ne sont pas étrangers aux scandales, comme la majorité des équipes du football américain. Rappelons que le héros James Harrison a été arrêté pour une affaire de violence conjugale il y a un an (madame avait choisi de laisser tomber les accusations par la suite). Rappelons que les Steelers, selon plusieurs anciens joueurs, auraient été les premiers à populariser l'usage de stéroïdes dans cette ligue au cours des années 70 (lire à ce sujet le livre d'un ancien Steelers, Steve Courson, False Glory: Steelers and Steroids).

On peut admirer cette organisation pour sa patience et son approche méthodique. Mais de là à parler d'une équipe à la réputation immaculée, il y a un énorme pas. Ceci est la NFL, après tout.

Et puisqu'on est dans les délires médiatiques, voici que certains «experts» n'hésitent plus à placer Ben Roethlisberger au zénith des quarts, en compagnie de Joe Montana, Peyton Manning et Tom Brady...

Ces comparaisons sont si ridicules qu'elles ne méritent même pas qu'on s'y attarde. Juste pour la forme, rappelons quand même que Tom Brady a été sacré joueur le plus utile au Super Bowl à deux reprises. Roethlisberger? Jamais. La raison en est simple: contrairement aux trois autres, gros Ben n'est pas la raison principale des succès de son équipe.

Ce qui ne lui enlève rien, remarquez. Le numéro 7 remplit son rôle à merveille dans le système des Steelers. Face aux Cards, il a réussi 70% de ses tirs. C'est la plus grande différence dans son jeu, lui qui gaffait trop souvent dans un passé pas si lointain. Sur la poussée victorieuse dimanche soir, il s'est sorti du pétrin à plusieurs reprises, et a lancé le ballon juste au bon endroit vers un Santonio Holmes en état de grâce dans la zone des buts.

«Beaucoup d'autres quarts ont de bien meilleures statistiques, a fait remarquer le receveur Hines Ward. Mais la seule chose qui compte avec Ben, c'est qu'il est un gagnant.»

C'est la seule chose qui compte, en effet.