Il y a trois ans, Matt Leinart était vu comme le prochain grand quart-arrière. Mais dimanche soir, c'est depuis les lignes de touche qu'il regardera le Super Bowl. Que s'est-il passé?

Matt Leinart arrive à la petite table avec sa bouteille d'eau. Nous sommes à l'hôtel des Cards de l'Arizona, il est tôt, et autour de Leinart, quelques membres des médias attendent déjà, micros et crayons en main. Il prend place, ajuste sa casquette blanche des Cards, et pousse un grand soupir. Les questions, il les connaît déjà. Es-tu déçu? Frustré? Aimerais-tu pouvoir jouer dimanche soir? Tu te sens bien?

Il répond machinalement. Après une quinzaine de minutes, les quelques membres des médias se poussent vers les vedettes de l'équipe, les Warner, Fitzgerald et Boldin. Leinart reste là, seul avec le représentant de La Presse. Il finit par être brutalement honnête. «J'ai toujours voulu être au Super Bowl, mais disons que je n'avais pas prévu ce scénario-là...»

Ce scénario-là, c'est le suivant: pendant que les Cards vont disputer le 43e Super Bowl aux Steelers de Pittsburgh, dimanche soir à Tampa, Matt Leinart, 25 ans, va être bien tranquille sur les lignes de touche, casquette sur la tête, stylo et cartable à la main. C'est Kurt Warner, un homme qui est de 12 ans son aîné, qui va mener l'attaque des Cards.

Non, ce n'était pas ça le scénario.

«Je n'ai jamais été une distraction pour cette équipe, s'empresse-t-il de préciser. Est-ce que c'est dur à avaler? Bien sûr que oui. Mais il s'agit de circonstances qui sont hors de mon contrôle, et je me contente d'appuyer Kurt.

«D'une certaine façon, ce qui m'arrive est une bonne chose, parce que ça me permet d'apprendre. Je suis sur les lignes de touche, je sais quel est le jeu qui est appelé, et je vois ce que Kurt fait ensuite. C'est dur dans cette ligue. Il y a des hauts et il y a des bas...»

--Cette semaine, pour toi, c'est un bas?

--Non, non... Je suis ici et j'apprends. Après les succès obtenus au football universitaire, disons que ça me permet de rester humble.

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Le football universitaire, Matt Leinart s'en souvient très bien. Vous voyez, c'est lui qui était le quart vedette chez les Trojans de l'Université Southern California. Les Trojans, c'est gros. Grosse tradition de football, gros matchs à la télé nationale. Gros, gros, gros. «J'étais habitué à gagner tout le temps», souffle-t-il.

Tellement qu'en 2005, les experts étaient unanimes: il allait être sélectionné au tout premier rang du repêchage de la NFL. C'était clair. Un quart comme lui, gagnant du trophée Heisman, gagnant de deux titres universitaires, ça ne peut pas rater son coup.

Puis, coup de théâtre cette année-là: Leinart annonce qu'il va plutôt passer une autre saison à l'université. La décision en surprend plusieurs, et finalement, le jeune homme est repêché au 10e rang par les Cards en 2006. C'est neuf rangs plus loin que prévu.

Au bas mot, cette décision lui coûte environ 10 millions de dollars. La différence entre un boni de signature versé à un premier choix, et un boni versé à un 10e choix.

«Je ne regrette rien, ajoute-t-il. C'était la meilleure décision pour moi, j'étais mieux préparé à mon arrivée chez les Cards. J'ai pris part à 12 matchs en 2006...»

Il a eu une autre chance cet été. En fait, on dit que le job de quart numéro un était le sien. Mais après un camp d'entraînement désastreux, Leinart a perdu le poste au profit de Kurt Warner. Il n'a lancé que 29 passes cette saison, pendant que le vieux Warner s'offrait une saison de rêve, avec 4583 verges de gains.

«J'attends derrière un futur membre du Temple de la renommée. Je n'y peux rien. Aaron Rodgers attendait lui aussi derrière une légende (Brett Favre) à Green Bay. Il a finalement eu sa chance cette saison... Il faut être patient.»

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Au bout de plusieurs minutes, on s'est mis à parler de la vie. De la vie hors du terrain. Parce que Matt Leinart a souvent fait jaser pour des raisons qui n'ont rien à voir avec le foot. Fils de la Californie, réputé pour être un sacré nuitard, on l'a vu plus souvent à Access Hollywood qu'à ESPN. Ça, c'est sans compter les photos de party qui ont circulé sur internet.

C'est là que le regard devient un peu plus sombre.

«Ce que les gens pensent de moi, ça ne me dérange pas. Mes amis savent qui je suis, ma famille aussi. C'est le plus important. Le regard des autres, franchement, ça ne m'atteint pas.

«C'est sûr que la technologie a tout changé. Tout le monde a une caméra dans son téléphone... Si on est un athlète, il faut faire attention quand on sort. On ne peut plus aller manger ou boire un verre sans faire gaffe. Quand on sort, il faut avoir des yeux derrière la tête. J'ai fais des erreurs par le passé, j'en suis conscient. On fait beaucoup d'argent, il y a des conséquences à ça.»

Leinart affirme toutefois qu'il n'est plus le jeune homme un peu fou d'autrefois. «J'ai compris que je ne suis plus à l'université...»

En attendant, c'est encore la casquette, le stylo et le cartable. De quoi rester humble, en effet.