Comme toute la communauté cycliste, Hugo Houle a reçu comme un choc la nouvelle de la mort tragique de Davide Rebellin, happé par un camionneur lors d’une sortie en Italie, un mois et demi seulement après sa retraite à l’âge vénérable de 51 ans, mercredi.

Sans être proche de lui, Houle croisait à l’occasion l’Italien dans la région de Monaco, lui qui résidait à Menton, à quelques kilomètres de là, avec sa femme Françoise.

Justement, dimanche, le cycliste québécois a pris part avec Rebellin au critérium Beking dans la principauté, un évènement caritatif destiné aux jeunes auquel participent les nombreux professionnels de l’endroit. Dans un gala en soirée, Houle a vu le doyen du peloton honoré pour sa carrière avec le Belge Philippe Gilbert, un autre nouveau retraité avec qui il partageait la distinction d’un magistral triplé ardennais (Amstel Gold Race–Flèche Wallonne–Liège-Bastogne-Liège).

Trois jours plus tard, Houle était à vélo quand Rebellin s’est fait happer par le chauffeur d’un camion semi-remorque dans un rond-point, à une dizaine de kilomètres de la résidence familiale dans le nord-est de l’Italie. Le conducteur a poursuivi son chemin avant de s’arrêter, ont révélé des caméras de surveillance. Le chauffeur est sorti quelques secondes pour constater ce qui s’était passé avant de repartir, sans qu’on ne sache s’il avait réalisé qu’il venait de heurter un cycliste. C’est le frère de Rebellin qui a découvert le corps inerte.

C’est toujours un choc. Ça nous rappelle que la vie est fragile. C’est triste de voir ça.

Hugo Houle, au suejt de la mort de Davide Rebellin

Le membre d’Israel-Premier Tech ignorait les détails de l’accident au moment de l’entretien. Il avait l’impression que Rebellin était parti rouler près de chez lui à Menton, de l’autre côté de la frontière entre la France et l’Italie. Il s’est demandé s’il n’avait pas emprunté la même route la veille.

« C’est vrai qu’il y a plusieurs traversées de villes en Italie où il y a beaucoup plus de circulation. Ça bouge pas mal, il faut être prudent. Parfois, les chars n’arrêtent pas. Ça peut être un moment d’inattention ou qu’on n’est pas vus. Ça fait partie du quotidien, on partage la route avec les autos et on est beaucoup plus petits. C’est sûr qu’on est vulnérables. »

Rebellin a commencé sa carrière au lendemain de sa participation aux Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Le puncheur de renom a disputé 30 saisons professionnelles. En plus de ses succès dans les Ardennes, il a signé quelques succès de prestige en remportant Tirreno-Adriatico, Paris-Nice et la Classique San Sebastian.

PHOTO FRANCK FIFE, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

Davide Rebellin en 2007

Sa carrière a pris un mauvais virage en 2008 quand sa médaille d’argent aux JO de Pékin lui a été retirée après un contrôle positif à l’EPO recombinante (CERA). Blanchi par les tribunaux italiens des années plus tard, il n’a jamais retrouvé sa médaille ni tout à fait réussi à se refaire une virginité.

Houle se souvient surtout d’avoir côtoyé l’Italien à l’époque où il évoluait chez les Polonais de CCC (de 2013 à 2016). Il était réputé comme un homme affable, timide et réservé qui pédalait par passion. Au moment de son accident, il roulait sur un vélo de gravier, une nouvelle discipline qu’il comptait embrasser.

« C’est quand même spécial, a convenu Houle au sujet de ce parcours atypique. Peu importe la personne, que ce soit un professionnel ou pas, c’est toujours cruel. Tu vas faire ce que tu aimes, un petit tour de vélo, puis tu ne rentres jamais. »

Le vainqueur d’étape au dernier Tour de France peut malheureusement en témoigner. En décembre 2012, son frère cadet Pierrik a connu le même funeste destin en se faisant happer pendant un jogging à Saint-Perpétue par un chauffard en état d'ébriété.

« Ça laisse des traces, des traces pour toute la famille, a souligné Houle. Chaque fois, ça nous rappelle qu’un accident est vite arrivé. Quand on roule, on veut parfois aller vite entre les autos. On est dans notre entraînement, on passe un peu vite sur un feu, un stop. Il faut prendre ça cool, se calmer un peu. »

« Arrêtez le massacre », a imploré le quotidien La Gazetta dello Sport sur sa prima pagina mercredi. La mort de Rebellin s’ajoute à celles de Michele Scarponi, tué dans des circonstances similaires en 2017, et de Marco Pantani, un autre champion cycliste disparu prématurément.

Reprise à Majorque

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Hugo Houle

Après un séjour au Japon et à Singapour, où il a roulé devant des dizaines de milliers de partisans dans des critériums d’exhibition parrainés par la société organisatrice du Tour de France, Houle a repris l’entraînement pour de bon à la mi-novembre. Au moment de répondre à l’appel de La Presse, il rentrait d’une première sortie dans la grande région de Gérone, en Espagne, où Israel-Premier Tech tient un stage en prévision de la prochaine saison. Premier arrivé parmi les coureurs, il a pédalé en compagnie des patrons Jean Bélanger et Sylvan Adams. « Le moral est bon », a assuré Houle, qui attend toujours la confirmation par l’UCI de la relégation de son équipe en deuxième division. « Les échéances approchent, on devrait avoir des nouvelles. Des actions ont été prises par Sylvan, qui a mandaté une firme d’avocats, mais je n’ai aucune idée où en est le dossier. » Si tout se déroule comme prévu, le cycliste de 32 ans reprendra la compétition dans le cadre du Challenge de Majorque à la fin de janvier.