Qui êtes-vous, Mathias Guillemette ? C’est un peu la question à laquelle a dû répondre le cycliste de Trois-Rivières au cours d’une conférence virtuelle organisée par la Ligue des champions de cyclisme sur piste de l’UCI, mercredi.

À titre de meneur des épreuves d’endurance après les deux premières manches du circuit, Guillemette occupait l’affiche avec deux médaillés d’or olympiques et une vice-championne mondiale.

« C’était quand même le fun, mais les deux questions que j’ai eues, c’était de savoir qui j’étais parce qu’ils n’en avaient aucune idée ! », s’amusait Guillemette une demi-heure après la conclusion de l’exercice avec les journalistes.

Et comment se définit-il ? « Je suis un cycliste du Canada… je n’ai pas vraiment d’autre description que celle-là ! [Cet anonymat relatif], c’est pas mal juste parce que je suis jeune et que ça ne fait pas longtemps que je suis ici. »

Invité surprise

En réalité, Guillemette a été le 72e et dernier invité par l’organisateur de la Ligue des champions, circuit inauguré en 2021 par l’UCI et le groupe Discovery, qui le finance à coup de millions en vertu d’une entente de huit ans.

Le Québécois de 20 ans a reçu un laissez-passer inattendu au lendemain de sa participation aux Championnats du monde de Saint-Quentin-en-Yvelines (Paris), où il a fini trois fois parmi les 15 premiers à la mi-octobre.

« Je me suis comme un peu vendu [à l’organisateur] aux Mondiaux. »

PHOTO FOURNIE PAR UCI TRACK CHAMPIONS LEAGUE

Mathias Guillemette dans son maillot de meneur des épreuves d’endurance

Je disais que j’étais sûrement capable de surprendre du monde, de faire des actions un peu téméraires, d’essayer des choses. D’après moi, il [l’organisateur des Mondiaux] a trouvé ça intéressant et c’est pour ça qu’il m’a invité.

Mathias Guillemette

Le format de la Ligue des champions, très court, est adapté pour la télévision et destiné à mieux faire connaître cette discipline peu exposée hors des Jeux olympiques.

À chacune des cinq manches, disputées sur un mois et dans quatre pays, quatre épreuves sont présentées : la vitesse, le keirin, la course à l’élimination et le scratch. Un champion est couronné à la toute fin pour chaque catégorie de courses : l’endurance et le sprint. Les 72 cyclistes, 36 femmes et 36 hommes, se partageront des bourses totales de 500 000 euros (près de 700 000 $CAN).

À la première étape, à Majorque, Guillemette a causé la surprise en remportant l’élimination et en terminant sixième du scratch. À Berlin, samedi dernier, il a remis ça avec une troisième place à l’élimination, où son jeune compatriote Dylan Bibic l’a emporté, et une autre sixième position au scratch.

L’élimination est une course où le dernier cycliste du peloton est éliminé à chaque deux tours. Le course scrach est l’épreuve sur piste qui se rapproche le plus d’une course sur route ; le premier coureur qui traverse la ligne l’emporte.

En vertu de ces résultats, il aura l’honneur d’endosser le maillot de meneur lors de la troisième tranche, samedi, au Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines.

En confiance

Surpris ? Oui et non, selon le jeune homme qui ne semble pas manquer de confiance. « C’était quand même une possibilité quand on est venus ici. La compétition n’est pas la même qu’aux Mondiaux. Les courses sont un peu différentes, plus courtes, plus rapides. C’est sûr que ça nous avantage [les deux Canadiens]. Être le meneur en ce moment, c’est un peu une surprise, mais de bien performer, non. »

Mathias Guillemette s’est consacré au cyclisme sur piste il y a quelques années pour suivre les traces de son frère aîné, Tristan, membre de l’équipe canadienne aux Mondiaux juniors de 2017. Le cadet a pris part à la même compétition deux ans plus tard.

Après une éclipse en raison de la pandémie, Guillemette a été réserviste aux Mondiaux séniors de 2021. Il a progressé cette année en participant aux trois étapes de la Coupe des nations, l’équivalent des Coupes du monde. Il a vécu un « déclic » à la mi-mai lorsqu’il a fini au pied du podium à l’élimination à Milton, en Ontario.

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Mathias Guillemette

Le cycliste canadien s’est ensuite aligné aux Jeux du Commonwealth et aux Mondiaux, où il s’est classé 11e à la poursuite par équipes, 13e à la course aux points et 13e à l’américaine avec Bibic, sacré champion mondial au scratch.

« Tout ça m’a donné vraiment beaucoup d’expérience », a noté le protégé de l’entraîneuse Laura Brown, médaillée de bronze à la poursuite par équipes aux JO de Rio.

Après une préparation au nouveau vélodrome Sylvan Adams du Centre national de cyclisme de Bromont, sous la supervision de Pascal Choquette et de Yannik Morin, Guillemette est arrivé à la Ligue des champions avec la volonté de décrocher au moins un podium. Sa mission est déjà largement accomplie.

Dans un peloton certes moins relevé qu’aux Mondiaux, il devance d’excellents pistards comme l’Écossais Mark Stewart (2e) et l’Espagnol Sebastian Mora (4e).

« Certains sont intimidés par des personnes avec de gros palmarès, a-t-il constaté. Ils ne vont pas nécessairement les attaquer. Ils vont comme un peu se laisser abattre même au départ de la course. Moi, je ne suis pas vraiment intimidé par les gros noms. »

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Mathias Guillemette

Pour l’instant, il se concentre sur la prochaine étape de la Ligue des champions, qui se déroulera justement dans le futur vélodrome olympique. En fin d’entretien, il a pointé son téléphone vers le maillot turquoise de meneur du classement de l’endurance, suspendu en bordure de son lit. Il souhaite le conserver jusqu’aux dernières manches présentées à Londres, les 3 et 4 décembre.

« J’aimerais le garder pour l’encadrer chez nous plutôt que d’être obligé de le mettre dans une boîte… »

La compétition de Saint-Quentin-en-Yvelines sera webdiffusée à cbc.ca à partir de 13 h samedi.

Barbeau impressionné

Le directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes est ébloui par la maturité démontrée par Guillemette, surtout à la course à l’élimination. « C’est une épreuve où tu dois savoir courir et bien lire les courses, a souligné Louis Barbeau. Étonnamment, pour un coureur aussi jeune qui n’a quand même pas une énorme expérience internationale, il court de façon extrêmement intelligente. Son niveau de compréhension, d’habiletés, de connaissances techniques et surtout tactiques est impressionnant pour un jeune de 20 ans. S’il a gagné et fini troisième à l’élimination, ce n’est pas parce qu’il était le plus fort, mais c’est lui qui a le mieux couru. » Ses récentes performances mettent évidemment Guillemette en confiance en vue d’une éventuelle sélection pour les JO de Paris, en particulier à l’épreuve de l’américaine avec Bibic.