Geneviève Jeanson a reçu un texto de Lyne Bessette mercredi matin. Celle-ci la félicitait pour son engagement avec Sport’Aide, organisme visant à prévenir la violence et les abus dans le milieu sportif québécois.

Réponse de Jeanson : « Tu ne peux pas savoir comment ça me fait du bien de te sentir dans mon coin du ring ! »

Inimaginable il y a une vingtaine d’années, au moment où la rivalité entre les deux cyclistes divisait presque le Québec, cette réconciliation représente un immense soulagement pour Jeanson.

« On dirait que là, j’ai 100 % le droit d’être moi-même ! », a réagi la femme de 41 ans, mercredi après-midi, en marge du point de presse où elle a confirmé sa participation aux efforts de Sport’Aide et de la Fédération québécoise des sports cyclistes (FQSC) pour offrir un environnement sain aux jeunes sportifs.

« C’est la conférence de presse la plus relaxe que j’ai jamais faite de ma vie… », a lancé Jeanson, tout sourire, en accueillant les quelques journalistes et photographes réunis au studio d’entraînement de Vaudreuil où elle est aujourd’hui entraîneuse-chef.

PHOTO ALAIN ROBERGE, ARCHIVES LA PRESSE

Lyne Bessette

À l’inverse, le 9 juillet, l’athlète réhabilitée était dans ses petits souliers en se rendant à la Buckland sur gravelle, course à laquelle Bessette l’avait invitée quelques mois plus tôt.

« Ce ne serait jamais venu de moi, a-t-elle expliqué en entrevue. Je n’aurais jamais écrit à Lyne parce que je ne voulais pas m’excuser d’avoir été abusée… Tu comprends ? Je ne peux pas parce que ce n’est pas de ma faute. Mais je ne voyais pas comment j’allais dire : salut Lyne… »

Au début de la saison, Jeanson, nouvelle venue sur le circuit, s’était même demandé comment son ancienne rivale réagirait en la voyant rebondir dans « son » milieu.

« La OG [original gangster, traduction libre : la marraine] de la gravelle, c’est elle au Québec. Je ne voulais pas la faire chier, être dans ses pattes… »

« J’étais nerveuse »

Finalement, leur réunion avant le départ de la course disputée dans la région de Chaudière-Appalaches a été toute naturelle.

« C’était tellement smooth que c’est comme si on avait été amies toute notre vie. J’étais nerveuse parce que beaucoup de choses se sont passées. Elle aussi, c’est une victime de mon entraîneur. Par la bande, elle a vécu plein d’affaires, plein de colère, à cause de lui. Le fait que je sois tombée dans les produits dopants, tout ça, c’est lui, je n’ai pas eu le choix pantoute. »

Elle a vécu des choses qui n’étaient pas nécessaires dans sa vie.

Geneviève Jeanson, au sujet de Lyne Bessette

Ce jour-là, Jeanson avait un message qu’elle souhaitait transmettre à Bessette : « Lyne, tu aurais pu ne jamais me pardonner, j’aurais compris et je t’aurais aimée pareil. Le fait que tu as été capable de m’écrire, que tu es contente de me voir, j’en reviens pas. J’aurais vraiment compris que tu me haïsses jusqu’à la fin de ta vie. »

Après l’épreuve de 130 km, où elle a fini quatrième derrière Bessette, Jeanson a été « brûlée comme [elle n’a] jamais été brûlée de [sa] vie ». « En grosse partie, c’était dû à toute l’émotion. »

Un repas à Sutton

Dimanche, dans la région de Lac-Brome, Jeanson était tout aussi étonnée de se retrouver parmi les 1100 participants de la 100 à B7, classique sur gravelle de Bessette qui soulignait sa 10e présentation. La veille, l’ex-députée fédérale de la circonscription l’a même invitée à un repas chez elle avec des amis à Sutton.

Paul Hillier, le chum de Jeanson, a été « agréablement frappé » par la façon dont Bessette a mis tout le monde à l’aise d’entrée de jeu. « Elle a fait descendre la tension rapidement dans tout ce processus. »

Avec le recul, Jeanson réalise que l’isolement dans lequel l’a placée son ancien entraîneur André Aubut l’a empêchée de découvrir un tant soit peu la personne qu’on présentait comme sa grande rivale.

« Moi, je ne la connais pas pantoute. Elle a toujours été montée comme l’ennemie un peu. Ça aurait pu être mieux, mais il n’est jamais trop tard. »

PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE

Louis Barbeau, directeur général de la Fédération québécoise des sports cyclistes, Geneviève Jeanson et Sylvain Croteau, directeur général de Sport’Aide

Le fait que la vie ne soit « pas linéaire » est d’ailleurs l’un des messages que souhaite véhiculer Jeanson dans son nouveau rôle avec Sport’Aide.

« Dans mon histoire, j’ai la chance d’en être sortie en un morceau et saine. Je me suis dit : si j’ai cette chance-là, j’ai le devoir d’en parler. Pour faire savoir aux gens qu’on peut vivre des choses terribles et quand même avoir une vie merveilleuse par la suite. »

Accompagnée de Sylvain Croteau et de Louis Barbeau, respectivement DG de Sport’Aide et de la FQSC, et avec Lyne Bessette dans son coin, Jeanson veut maintenant faire partager son parcours.