(Québec) Pendant trois minutes, Benoît Cosnefroy a cru avoir gagné l’Amstel Gold Race au printemps dernier. Après révision de la photo d’arrivée, les commissaires ont plutôt attribué la victoire à Michał Kwiatkowski, par une longueur de boyau.

Cinq mois plus tard, ce douloureux souvenir n’avait plus aucune prise sur le cycliste français. Auteur d’une attaque à un peu plus de deux kilomètres de la ligne, il a résisté au retour des principaux ténors pour remporter le Grand Prix de Québec, vendredi après-midi.

« C’est la plus belle ! », a déclaré le représentant d’AG2R-Citroën, sacré à la classique de Plouay, l’an dernier, et aux Championnats du monde U23, en 2017.

« Je suis content de ne pas avoir gagné en début de saison pour attendre cette première gagne ici, a renchéri Cosnefroy en conférence de presse. Même si l’Amstel Gold Race, j’aurais bien voulu la gagner. Mais voilà, c’est avec grand bonheur que j’ai ma première gagne de la saison ici, en World Tour, et sur une des plus belles classiques de l’année. »

Comme à Montréal en 2019, où une attaque en fin de course avait bien failli le conduire vers un sprint final avec Julian Alaphilippe, Cosnefroy ne s’est pas laissé intimider par les principaux favoris tels Wout van Aert et Michael Matthews.

À l’instar de Philippe Gilbert en 2011, le Normand de 26 ans a placé son démarrage en tournant sur la côte des Glacis, dernier raidillon avant l’interminable approche ultime sur le chemin Saint-Louis et la Grande Allée.

Profitant de la désorganisation derrière, Cosnefroy a réussi à conserver son coussin de quelques secondes jusqu’à la fin, se retournant plusieurs fois pour mesurer l’écart avec ses poursuivants.

Après avoir traversé la ligne les bras en croix et le regard vers le ciel, il s’est laissé choir sur le sol, euphorique. Le premier homme à lui tomber dans les bras est son coéquipier belge Greg Van Avermaet (13e), six fois sur le podium à Québec, qui veillait au grain en cas d’un retour du groupe de chasse.

Je ne pensais pas partir seul, mais quand je me suis isolé, je me suis dit que c’était sûrement mieux pour ne pas compter mes efforts et essayer de résister jusqu’à la ligne. Au kilomètre, j’ai vu que j’avais pas mal d’avance sur le peloton. Je suis resté concentré dans mon effort et j’avais très, très mal. Mais voilà, j’ai pu savourer les 50 derniers mètres et prendre un peu de bon temps et de plaisir avant de passer la ligne.

Benoît Cosnefroy

Avec un coussin de quatre secondes, Cosnefroy est le premier champion à s’imposer en solo à Québec depuis son compatriote Thomas Voeckler lors de l’édition inaugurale en 2010. Rigoberto Urán s’était aussi envolé seul en 2015, mais il avait fini dans le même temps que le deuxième, Michael Matthews.

« On gagne tellement peu dans le cyclisme, a rappelé Cosnefroy. Bon, il y en a qui gagnent 10 courses par an, mais ce n’est pas mon cas. C’est une sensation qui est vraiment extraordinaire. J’avais juste envie de remercier tout le monde en levant les bras : les organisateurs, le public et mon équipe. Ce moment-là, j’ai envie de le partager avec tout le monde. »

Une deuxième place pour Matthews

PHOTO THIBAULT CAMUS, ASSOCIATED PRESS

Michael Matthews lors du Tour de France 2022

Double tenant du titre, Michael Matthews a réglé le sprint en petit comité, signant son cinquième podium en six départs dans la capitale nationale.

« L’écart de Benoît était juste trop important pour qu’on puisse le rattraper à la fin, a relaté l’Australien de BikeExchange. Mais personnellement, je suis très heureux de ma course et de mon sprint. Malheureusement, c’était pour la deuxième place, mais j’ai fait de mon mieux. Ce sont de bons signaux en vue de dimanche [à Montréal] et évidemment dans deux semaines aux Championnats du monde [en Australie]. »

Biniam Girmay a complété le podium, concrétisant une belle démonstration de ses coéquipiers d’Intermarché, qui ont largement contribué à faire de ce GP de Québec l’un des deux plus rapides de l’histoire (42,2 km/h de moyenne).

C’est une première fois à Québec pour mon équipe et moi. On a atteint notre but en montant sur le podium. Je suis très heureux et c’est quelque chose de très spécial pour moi.

Biniam Girmay

Désigné favori par à peu près tout le monde, van Aert (Jumbo-Visma) s’est contenté du quatrième échelon. Dans le final, son coéquipier français Christophe Laporte a tenté de le repérer pour lui venir en aide, mais le Belge a dû lui-même boucher un trou à 400 m du fil.

L’Espagnol Iván García Cortina a fini cinquième, procurant ainsi 225 précieux points à sa formation Movistar, qui détient la 18position au classement World Tour, la dernière garantissant un maintien en première division de 2023 à 2025 sur la base des critères sportifs.

L’Israel-Premier Tech d’Hugo Houle (abandon) a connu une journée désastreuse après s’être mêlé à la bataille dans les trois derniers tours, notamment avec une échappée de Simon Clarke. Giacomo Nizzolo (25e) et Sep Vanmarcke (30e) ont conclu à la queue du peloton réduit, grappillant un maigre 15 points.

Rien d’encourageant en cette journée où l’Union cycliste internationale a réitéré son intention de n’accorder que 18 licences l’an prochain, démentant ainsi des informations du site spécialisé cyclingnews.com laissant entendre que leur nombre pourrait atteindre 20.

Plutôt discret durant l’épreuve de 201,6 km, Tadej Pogačar (UAE), double vainqueur du Tour de France, s’est classé 24e, terminant dans le premier groupe avec son coéquipier Diego Ulissi (9e), couronné à Montréal en 2017. Ça promet dimanche sur le mont Royal.