À force de finir deuxième, Wout van Aert en est venu lui-même à se comparer à Raymond Poulidor, l’éternel deuxième.

Mais comme « Poupou », mort en 2019, le Belge revendique pourtant un palmarès à faire pâlir d’envie bien de ses contemporains. On ne gagne pas six étapes du Tour de France – au sprint, en montagne et au contre-la-montre –, ni Milan-San Remo, ni Gent-Wevelgem, pour ne nommer que ces victoires, sans être un champion d’envergure.

Malgré son maillot jaune, van Aert avait l’air un peu dépité après avoir fini deuxième pour la troisième fois consécutive à l’occasion du grand départ du Tour de France au Danemark, dimanche. À ses deux derniers essais, il a simplement été battu au sprint par deux spécialistes de la pointe de vitesse.

Mardi, pour le retour du Tour en France, il n’était pas question de se faire rejouer le tour. Mis en orbite par deux coéquipiers de Jumbo-Visma, van Aert s’est donc envolé au sommet de l’ultime difficulté du jour, la côte du Cap Blanc-Nez, avant de réaliser un numéro solo qui restera dans les annales.

Sur 10 km, il a tenu tête au peloton qui s’est recomposé de justesse après l’offensive de la formation néerlandaise, auteure du même coup au printemps sur Paris-Nice. Le rouleur a déboulé sur Calais à plus de 60 km/h avant de franchir la ligne seul, huit secondes devant ses poursuivants, battant des ailes comme un oiseau de proie.

« J’ai voulu montrer que le maillot jaune me donne des ailes », a expliqué van Aert après sa septième victoire d’étape.

Je me suis senti voler dans les 10 derniers kilomètres. Remporter une étape de cette manière, avec le maillot jaune, c’est beau !

Wout van Aert

Ce n’est pas Bradley Wiggins qui le contredira. Plus tôt sur l’étape, le lauréat du Tour 2012 n’a pu s’empêcher de complimenter le Belge en passant à côté sur sa moto de commentateur. « F*cking class ! », a-t-il lâché. « Personne ne porte une combinaison jaune comme Wout van Aert », a-t-il ajouté quelques secondes plus tard.

Troisième deux jours plus tôt à Sonderborg, Jasper Philipsen pensait bien tenir son premier succès en réglant le peloton au sprint. Mais sa célébration spectaculaire s’est avérée vaine… Le Belge d’Alpecin a rapidement été informé par Christian Laporte, troisième, de la présence de van Aert plus loin dans l’aire d’arrivée.

« Nous étions un peu trop loin à l’arrière, on ne pouvait pas voir van Aert seul en avant, a expliqué Philipsen. Et j’avais vraiment une mauvaise connexion [radio]. Je pensais donc que nous sprintions pour la victoire. Je l’ai vu juste en avant de moi quand j’ai franchi la ligne. C’est malheureux. »

À sa décharge, Alexander Kristoff, quatrième, croyait lui aussi sprinter pour le bouquet. « C’est moi qui ai passé la ligne et qui ai célébré, donc c’est moi qui me tape la honte », a constaté Philipsen, bon joueur dans les circonstances.

Au classement général, van Aert a augmenté sa priorité à 25 secondes sur Yves Lampaert (Quick-Step) et à 32 secondes sur le double tenant du titre Tadej Pogačar (UAE), toujours imperturbable.

Houle et le reste

Vingt-quatrième de l’étape, à 8 secondes, Hugo Houle a pu mesurer la puissance développée par van Aert, favorisé par un vent de trois quarts dos.

« Il n’y a plus grand-chose qui me surprend de lui, a admis le Québécois depuis le bus d’Israel-Premier Tech (IPT). Il fallait de grosses, grosses jambes pour être capable de faire ça. […] Je peux vous dire que derrière, ça roulait. Quick-Step, ils n’enfilaient pas des perles. C’était beau attaquer, il fallait tenir le peloton. Chapeau à lui, il était costaud. »

Houle et ses coéquipiers ont été « un peu distancés » au moment du démarrage de Van Hooydonck et Benoot (Jumbo). « Il y avait du monde un peu partout, ça s’écartait dans la montée, donc il y avait un petit écart d’une dizaine de secondes. Je suis resté avec Jakob [Fuglsang]. Après avoir basculé, j’ai réussi à le ramener dans le peloton principal avec Krists Neilands. »

On est revenus devant directement et on a fini l’étape aux avant-postes.

Hugo Houle

Au même titre que Fuglsang, aucun des prétendants au général n’a perdu de temps par rapport aux autres. Parmi les favoris, le Britannique Adam Yates (Ineos) a été le plus alerte et le dernier à être décroché par van Aert. Jonas Vingegaard avait beau jeu dans sa roue, tandis que Primož Roglič, l’autre meneur des Jumbo, était plus loin.

Antoine Duchesne est allé rouler en tête avec une cinquantaine de kilomètres à faire, un peu avant la remontée des Jumbo-Visma. David Gaudu, son chef de file chez Groupama-FDJ, a grimpé à la 29place au général, deux rangs devant Fuglsang.

Guillaume Boivin a connu une journée plus éprouvante durant cette étape animée et rapide, marquée par une autre échappée du maillot à pois Magnus Cort (EF), accompagné cette fois d’Anthony Perez (Cofidis), qui a résisté jusqu’à la dernière côte.

« Mon pédalier ne tournait pas vraiment comme il faut, a expliqué le membre d’IPT. On s’est rendu compte qu’une roche s’est coincée entre le pédalier et le cadre. Donc ça a peut-être été plus difficile que ça aurait dû l’être. »

PHOTO FOURNIE PAR GUILLAUME BOIVIN

Une roche de bonne taille s’est logée entre le cadre et le pédalier.

Le neuvième de Paris-Roubaix anticipe une « journée stressante, mais belle », ce mercredi, alors que le peloton empruntera 11 secteurs pavés vers Arenberg. Au-delà de ses ambitions personnelles, il aura pour mission, comme Houle, d’encadrer Fuglsang le mieux possible. Le Danois, ancien vététiste, s’était classé deuxième sur une étape similaire en 2014.

Un vélo s’est rendu à Copenhague…

Guillaume Boivin n’a toujours pas retrouvé ses bagages, mais a appris que son vélo de contre-la-montre était arrivé à Copenhague au moment où les coureurs repartaient du Danemark, dimanche… La valise et les deux montures de route sont introuvables.

Coucou, c’est moi

Si l’étape de mardi a été nerveuse, avec « beaucoup de changements de direction, de petites routes et de mobilier urbain », Hugo Houle et Antoine Duchesne ont pu discuter en queue de peloton avant que les hostilités ne soient véritablement lancées. David Gaudu en a profité pour faire une petite blague à son coéquipier Duchesne, lui donnant une tape sur la fesse gauche tout en filant sur la droite. Un classique qui ne se démode pas…