(Calais) Bernard Hinault, le dernier Français vainqueur du Tour de France (1985), a adoubé Tadej Pogacar, le Slovène tenant du titre, dans la course dont il est le quintuple vainqueur en même temps qu’une légende de son sport.

Avant de venir présenter l’opération solidaire (« un enfant, un vélo ») montée par Century 21 pour distribuer des vélos aux enfants des familles modestes, le champion breton aujourd’hui âgé de 67 ans s’est exprimé auprès de l’AFP sur le début du Tour 2022.

« Pour l’instant, tout le monde se regarde, mais les champions se sont battus dans le premier contre-la-montre », a relevé Hinault qui a évoqué aussi l’absence d’écarts dans les deux étapes suivantes au Danemark : « Quand il n’y a pas de vent, on ne peut rien faire ! »

Le « Blaireau », son surnom dans le milieu du cyclisme, a préféré insister sur Pogacar, présenté par le légendaire Eddy Merckx, alias le « Cannibale », comme son héritier.

« C’est le champion qui nous fait rêver un peu, il est présent dans les classiques, il est sur le Tour. Il va bien en contre-la-montre et en montagne, il court beaucoup à l’avant, il a montré qu’il était à l’aise sur les pavés. C’est le crack de sa génération », estime Hinault.

« Il a 23 ans et il a déjà deux Tours de France. Par rapport à Eddy et à moi, il a deux ans d’avance », constate la légende du cyclisme français, sans pour autant se projeter sur la suite ou sur le bilan : « On le saura à la fin de sa carrière. On avait dit pour (Jan) Ullrich et pour (Egan) Bernal qu’ils allaient nous dépasser, et puis les incidents arrivent… »

« Quand on aime la bagarre, c’est génial ! »

PHOTO DANIEL COLE, ASSOCIATED PRESS

Tadej Pogacar

Comment battre Pogacar ? Pour le Breton, une seule tactique est possible pour l’équipe Jumbo et ses deux atouts, le Danois Jonas Vingegaard et le Slovène Primoz Roglic : « Il n’y a que les Jumbo qui peuvent le déstabiliser s’ils attaquent chacun leur tour. S’ils font la course pour Roglic, ils seront battus. S’ils attaquent à tour de rôle, on verra bien qui déstabilisera Pogacar et là Pogacar n’aura plus qu’une solution, passer lui-même à l’attaque pour éliminer l’un ou l’autre. »

Au-delà de la lutte pour le maillot jaune, Hinault se satisfait surtout du retour à un cyclisme d’attaque : « Quand tu as des champions qui attaquent à 60 kilomètres de l’arrivée, ça fait plaisir. Avant, on avait les cinq derniers kilomètres de course… »

Dans cet ensemble, le champion français englobe Pogacar et les puncheurs promis aux premiers rôles sur les prochaines étapes, le Belge Wout van Aert et le Néerlandais Mathieu van der Poel, ainsi que le grand absent, Julian Alaphilippe.

« Quand on aime la bagarre, c’est génial ! », se félicite le quintuple vainqueur du Tour (entre 1978 et 1985) qui rappelle les données immuables du cyclisme au-delà des avancées technologiques : « C’est normal d’essayer d’améliorer les performances, mais ce ne sont pas les chiffres qui font avancer les coureurs. Quand tu as la selle dans le c… Les oreillettes peuvent être un super outil de travail, mais si c’est pour gueuler “va plus vite, va plus vite”… »

Devant son poste télé, Hinault préfère partager son admiration pour le maillot jaune, van Aert, et ses rivaux : « C’est la nouvelle génération avec van der Poel et Pidcock. Ils sont aussi bien sur le cyclo-cross que dans les classiques et les grands tours. »

Jusqu’où van Aert peut-il aller ? « Il peut garder le maillot jaune jusqu’à la Planche des Belles Filles. Il n’a pas beaucoup d’avance par rapport à Pogacar et aux vrais grimpeurs », ajoute le Breton. Il fait confiance au Belge pour la suite : « C’est un pro qui sait ce qu’il doit faire, donner à ses équipiers et dire ensuite “c’est mon tour maintenant”. »