Après une série noire de trois ans, la cycliste Simone Boilard, ancien grand espoir junior, a retrouvé le sourire et le goût de la victoire.

« Ça fait vraiment plaisir de lever les bras. Je ne me souvenais même plus si j’allais être capable… »

Deux jours plus tard, Simone Boilard se réjouissait encore de sa première victoire depuis son parcours fracassant chez les juniors.

Sur le coup, elle s’est gardé une petite gêne. Comme la cycliste de 21 ans le souligne
elle-même, la première édition féminine des Boucles de Seine-et-Marne, épreuve nationale disputée dimanche dernier dans la région parisienne, ce ne sont quand même pas les Championnats du monde.

Mais après trois années gâchées par les blessures, la maladie et les remises en question, la jeune athlète de la région de Québec mesure mieux que quiconque la valeur d’une victoire, si modeste soit-elle.

« J’étais super contente », a-t-elle témoigné de l’aéroport de Lille en début de semaine. « Malgré les conditions atroces – il pleuvait et il faisait froid –, moi, j’avais chaud et je me sentais bien. »

Comme à ses belles années, Boilard s’est imposée à l’issue d’une échappée solo de quelque 60 km, signant un premier succès pour sa nouvelle formation française St Michel-Auber93.

J’ai eu le temps de penser à la façon dont j’allais gagner. J’ai fait 60 km et j’ai vraiment savouré le moment. Parfois, quand ça va moins bien, on se dit : pense à un bon moment. J’ai mis celui-ci dans ma mémoire.

Simone Boilard

Dominante sur la scène nationale à l’adolescence, Simone Boilard a conclu son parcours junior avec un coup d’éclat aux Championnats du monde d’Innsbruck en 2018. Elle a remporté le bronze à la course sur route et terminé cinquième au contre-la-montre.

Enrôlée dans l’équipe américaine Twenty20, elle n’a jamais éclos chez les séniors. Pendant un an, elle a cru souffrir de surentraînement et de fatigue chronique, ce qui a eu une incidence sur sa santé psychologique. Ce n’est que l’année suivante qu’elle a compris qu’une endofibrose de l’artère iliaque la ralentissait à l’effort. Le diagnostic et l’opération – le 2 décembre 2020 – ont été retardés par la pandémie.

« J’ai failli mourir »

Au printemps 2021, sur les conseils de son nouvel entraîneur Pierre Hutsebaut, elle s’est installée dans la région de Nice avec son copain, le cycliste professionnel Nickolas Zukowsky.

Elle s’apprêtait à remonter sur son vélo quand elle a contracté une infection urinaire. Comme elle venait de se faire vacciner contre la COVID-19, elle a d’abord cru à des effets secondaires. L’infection s’est propagée aux reins, au foie, au cœur, aux poumons et au sang.

« En souffrance extrême » pendant une semaine, elle a dû se laisser convaincre par Zukowsky de se rendre à l’hôpital. Elle était atteinte d’une septicémie, infection qui aurait pu être fatale si elle avait attendu deux ou trois jours de plus, lui ont expliqué les médecins. « En fait, j’ai failli mourir »,
a-t-elle tout bonnement raconté.

Après deux autres semaines à l’hôpital, où sa mère a accouru à son chevet, Boilard est sortie « pas mal amochée ».

À cette étape, j’étais très, très, très découragée. Je ne pensais même plus à faire du vélo. Quand tu vis une épreuve comme ça, tu te dis : si j’ai la santé, on verra.

Simone Boilard

Elle est remontée en selle en juin, inspirée par les routes de la région de Nice, « un endroit magique » où rouler. Sous les couleurs du club amateur Macadam’s Cowboys & Girls, elle a refait quelques compétitions en août, septembre et octobre. Cette attaquante a pris plaisir à courir de façon plus prudente et « intelligente » dans le peloton.

Cette expérience lui a bien servi en ce début de saison avec St Michel-Auber93, un club historique en France qui propose sa première équipe féminine licenciée à l’Union cycliste internationale.

Avant sa victoire, la seule étrangère de la formation a disputé cinq épreuves en Turquie, aux Pays-Bas et en Belgique, où elle s’est frottée pour la première fois à des coureuses de niveau WorldTour. Elle a fini cinquième et meilleure jeune du Grand Prix Vélo Alanya, en Turquie, le 19 février.

Avant les Boucles de Seine-et-Marne, son entraîneur et « guide » Pierre Hutsebaut lui a dit qu’il était peut-être temps de repartir à l’offensive. Ce qu’elle a fait après un coup de bordure réussi par son équipe.

« Cette victoire va lui faire beaucoup de bien », a noté Hutsebaut, qui souhaite améliorer sa pointe de vitesse, son principal point faible, dans les prochaines semaines.

Au moment de l’entrevue, Simone Boilard rentrait de deux journées de reconnaissance sur les secteurs pavés de Paris-Roubaix. Selon toute vraisemblance, la Québécoise participera à la deuxième édition de la course féminine, le 16 avril.

« C’est malade ! C’est un rêve de jeune fille de pouvoir faire ça. C’est une des classiques les plus mythiques du cyclisme. Quand on roulait sur les pavés ces derniers jours, je me pinçais un peu. »

St Michel-Auber93 vise également une invitation au Tour de France (24 au 31 juillet), dont les dernières équipes doivent être dévoilées à la mi-avril.