Seul coureur d’Israel-Premier Tech rendu à mi-parcours, Hugo Houle a décroché l’un des plus beaux résultats de sa carrière en se classant 13e de Paris-Nice, dimanche. « Il y en a qui ne donnaient pas cher de ma peau », s’amuse le cycliste de 31 ans.

Hugo Houle était presque un objet de curiosité durant la dernière présentation de Paris-Nice, course d’une semaine qu’il a conclue à une remarquable 13e place, dimanche, dans le sud de la France.

À mi-chemin de l’épreuve de huit étapes, le cycliste de 31 ans s’est retrouvé seul et unique représentant de sa nouvelle formation, Israel-Premier Tech (IPT). Ses six coéquipiers ont dû déclarer forfait : cinq pour cause de maladie, comme le Montréalais James Piccoli, et le champion canadien Guillaume Boivin pour des maux de dos.

Houle a eu beau se palper et surveiller les symptômes, l’épidémie qui a frappé une bonne partie du peloton – 59 à l’arrivée pour 154 partants – l’a épargné.

« Je n’ai jamais rien vécu de tel », s’étonnait Houle, joint à Monaco lundi, où il n’était pas mécontent de s’offrir un peu de repos.

« En aucun temps, je n’ai jamais été malade. L’équipe a donc décidé de me garder en course étant donné que je me sentais bien et que j’étais en forme. Rien n’a changé. J’avais le bus à moi seul, un camion mécanique qui me suivait, un directeur sportif, un ostéo, mon chef cuisinier personnel. Je suis resté concentré sur ma course, et l’équipe m’a donné 100 % de son soutien. »

Ce véhicule et cette armada de sept à dix personnes pour un seul coureur ont suscité la surprise chez certains de ses collègues, qui lui demandaient des nouvelles.

À part les repas en solitaire, qu’il partageait parfois avec le chef et le directeur sportif canadien Steve Bauer, Houle s’est employé à ne rien changer à sa routine.

Sur le vélo, il a dû s’ajuster : « Par exemple, je devais descendre au véhicule pour m’alimenter. On essayait de se synchroniser pour que je gaspille le moins d’énergie possible. C’est quand même demandant. Tu es un peu moins respecté dans le peloton. Y a des coureurs ben smattes, d’autres qui ne le sont pas plus que d’habitude ! »

Un membre de Movistar, manifestement du premier groupe, lui a ainsi offert le reste de sa musette.

J’ai une certaine habileté à garder ma place dans le peloton et à jouer du coude. Ça m’a encore plus servi. Je n’avais pas le choix de forcer les choses, si on veut.

Hugo Houle

D’abord destiné à chasser des étapes, le champion canadien s’est rabattu sur le classement général après un contre-la-montre encourageant (24e, à 48 secondes). Il a presque accroché le groupe des favoris le lendemain pour se hisser au 11e rang.

Sur des routes montagneuses qu’il connaissait très bien dans l’arrière-pays niçois, le natif de Sainte-Perpétue a continué de s’étonner en ce début de saison. Son seul regret : s’être fait prendre derrière une cassure dans une descente après une chute de son ancien coéquipier Aleksandr Vlasov.

« Après, je me suis mis dans le rouge à chasser le groupe de tête. Ça m’a fait perdre de l’énergie. J’aurais peut-être pu m’accrocher dans le groupe des meilleurs, mais avec des si, on peut refaire le monde. »

Un « message clair »

Ce 13e rang au classement général se range parmi les meilleurs résultats de la carrière d’Hugo Houle. Paris-Nice, remporté de justesse par le Slovène Primož Roglič devant le Britannique Simon Yates, est la principale course par étapes WorldTour de début de saison avec Tirreno-Adriatico. Le Québécois avait justement fini 13e de l’épreuve italienne l’an dernier.

« C’est comparable parce que c’est le même niveau de course et le même résultat, mais je suis beaucoup plus fier de Paris-Nice. Oui, j’étais seul, mais c’est aussi la façon dont j’ai couru en montagne qui était beaucoup plus impressionnante, à mes yeux. À Tirreno, j’avais été bon, je grimpais bien, mais il y avait les circonstances : une grosse étape avec de la pluie où beaucoup avaient abandonné. Là, j’ai quand même montré que j’étais solide tout au long de la semaine.

« Y en a qui ne donnaient pas cher de ma peau quand je me suis retrouvé tout seul après quatre étapes. »

Houle est d’autant plus surpris de sa prestation qu’il a contracté la COVID-19, variant Omicron, le mois dernier. Asymptomatique, il a quand même dû s’isoler et stopper ses activités pendant quelques jours. Il attribue une partie de sa bonne tenue en montagne au kilo et demi qu’il a perdu par rapport à la même période l’an dernier.

Le double athlète olympique ne pouvait espérer mieux comme entrée en matière avec Israel-Premier Tech après quatre années chez Astana.

« Tu dois toujours refaire ta place quand tu rentres dans une nouvelle organisation. Maintenant, ils savent quel type d’individu je suis et la façon dont je cours. Je pense que ça va m’aider à obtenir peut-être plus facilement des sélections sur certaines courses. Du moins, ça lance le message clair que je suis en forme et prêt à compétitionner. »

Qui sait s’il pourra jouer sa carte dès samedi sur Milan-San Remo, où il doit théoriquement servir les intérêts du leader italien d’IPT, Giacomo Nizzolo.

« Pas très loin, il y en a qui perdent tout »

Hugo Houle n’est évidemment pas insensible à la guerre en Ukraine et à ses soubresauts quotidiens.

À part pour l’équipe Gazprom-RusVelo, qui a perdu sa licence UCI et risque d’être dissoute à la fin du mois, les effets sont encore limités dans le monde du vélo. Parmi les coureurs russes, Houle ne connaît que son ex-coéquipier Aleksandr Vlasov « qui a enlevé son drapeau sur son vélo et fait des courses ».

« C’est quand même une situation très grave qui peut vite dégénérer et affecter notre quotidien. Nous, on fait des courses de vélo, on s’amuse, mais pas très loin, il y en a qui perdent tout ce qu’ils ont construit pendant leur vie. Il y a du monde qui se fait tuer pour aucune raison.

« On le voit à la télé, mais c’est dur pour moi de concevoir qu’en ce moment, des tanks chargent des voitures et font exploser des maisons remplies de monde parce que ça leur tente. On est revenus à la guerre dont on se faisait raconter que c’était comme ça, dans le temps. Mais on est en 2022 et c’est ce qui se passe là-bas.

« C’est très malheureux et c’est dur pour nous de comprendre l’impact que ça peut avoir. On peut juste s’imaginer, mais ceux qui le vivent, ça doit être terrible.

« Mon chauffeur de bus est polonais et il habite à 30 kilomètres de la frontière avec l’Ukraine. Quand les Russes ont fait péter la base militaire internationale avec des missiles, c’était à 30 km de sa maison. C’est la réalité. Lui n’est pas nécessairement en danger parce qu’il est en Pologne, mais il est quand même très près, très au fait. Il allait en Ukraine. C’est un conflit dommageable, et on ne sait jamais de quelle façon ça peut tourner. »