Encouragé par son coup de pédale à la Flèche wallonne, où il a atterri au pied du podium mercredi, Michael Woods ne cache pas ses ambitions dimanche pour Liège-Bastogne-Liège, où il s’est toujours illustré.

À l’inverse de Shea Weber, Michael Woods ne se fait pas prier pour commenter ses performances individuelles.

Quatrième à la Flèche wallonne, mercredi, le cycliste se reprochait « deux erreurs » qui lui ont coûté une chance de se battre pour la victoire.

D’abord, le natif d’Ottawa n’a pas respecté le plan établi, à savoir garder la roue de son coéquipier letton Krists Neilands, qui le cherchait désespérément au pied du Mur de Huy, la montée finale.

« Avant la course, j’ai dit : “Je dois être premier à ce virage à gauche, avec 500 ou 600 mètres à faire” », a expliqué Woods au lendemain de l’épreuve. « Si je l’avais suivi, j’aurais été premier. Mais alors qu’on montait, j’ai vu Roglič et j’ai décidé de me positionner derrière lui. »

Jusque-là, rien de dramatique ou de rédhibitoire. Mais au fil de l’ascension, où les compteurs indiquaient 10 km/h dans le plus pentu, le Canadien d’Israel Start-Up Nation perdait des positions. Il a donc choisi de se relancer… en même temps que Primož Roglič, qui lui a servi une « mise en échec » que n’aurait pas reniée Weber.

[Roglič] a réalisé que si je le dépassais, il se retrouverait dans la même position que la mienne. Il m’a donc plaqué et tassé. Ensuite, il a pu attaquer quand ça s’est ouvert. Mais tout s’est refermé derrière lui et je n’ai pas pu suivre. J’étais dans une très mauvaise position et j’ai perdu la course à cause de ça.

Michael Woods

Tandis que Roglič (2e) et le futur vainqueur Julian Alaphilippe prenaient le large, Woods a crié pour pouvoir se frayer un chemin. Le temps que certains se rangent le long de la clôture, il était trop tard. D’autant que le natif d’Ottawa a essuyé un autre coup d’épaule de la part du Britannique Ben Tulett (Alpecin-Fenix), avant-dernier coureur en âge au départ.

Woods lui a dit sa façon de penser à l’arrivée : « C’est une chose si Roglič t’écarte du chemin, parce que c’est le meilleur coureur au monde. Mais ce jeune-là a 19 ans. Ce qu’il a fait était stupide parce qu’il a fini tellement loin de moi [au 12rang]. C’était frustrant, comme le dernier coup de poignard dans le dos qui a mis fin à ma course. Peut-être que s’il ne m’avait pas poussé à l’extérieur, j’aurais pu contourner le groupe et au moins prétendre au podium contre Valverde. Ça m’a fâché. »

Parlant d’Alejandro Valverde (3e), il est monté sur le trottoir, ce qui l’a sorti d’embarras, une avenue que Woods a préféré ne pas explorer.

« Il y a deux raisons pour lesquelles je n’ai pas sauté sur le trottoir pour le suivre. Premièrement, il était un peu haut à cet endroit et je ne voulais pas risquer de tomber en sautant dessus à si basse vitesse. Deuxièmement, c’est illégal. Il n’est pas permis de rouler sur le trottoir. Je ne voulais pas courir le risque d’être disqualifié. »

Troisième à la Flèche wallonne à l’automne 2020, Woods ne tirait pas que du négatif de sa plus récente prestation à la classique belge, bien au contraire.

« J’avais les jambes pour concurrencer ces gars-là. Je n’ai seulement pas eu de chance. Je suis un peu déçu de moi, mais heureux des jambes que j’avais. Le fait que je suis déçu de ma quatrième place à la Flèche montre le chemin que j’ai parcouru comme coureur. »

« Une bonne arrivée pour moi »

Dans les circonstances, l’athlète de 34 ans ne cache pas ses ambitions pour Liège-Bastogne-Liège, qui en sera à sa 107e présentation depuis 1892, dimanche.

Comme à la Flèche, j’ai une bonne chance de gagner ou de monter sur le podium. Je n’ai jamais été aussi fort en arrivant à cette course. J’ai juste besoin d’un peu de chance et de courir agressivement. Si je fais ça, il n’y a pas de raison que je ne puisse pas répéter la performance qui m’avait permis de finir deuxième ou faire mieux.

Michael Woods

Après un abandon à son premier essai en 2016, Woods a toujours terminé parmi les dix premiers à la Doyenne. Depuis sa deuxième place derrière Bob Jungels, qu’il avait laissé filer au sommet de la côte de la Roche-aux-Faucons en 2018, l’arrivée a été déplacée d’Ans au centre de Liège. Le final n’est donc plus décidé en côte, ce qui paraît défavorable à un puncheur comme Woods.

« Ça peut sembler ainsi, mais ça reste un parcours tellement dur, a-t-il objecté. Puisqu’il y a moins de montées dans le final, les gars attaquent de plus loin et plus tôt dans des côtes. Ça reste donc une bonne arrivée pour moi simplement parce que tout le monde est fatigué. »

Septième l’automne dernier, où il avait fini dans le deuxième groupe, Woods estime avoir souffert de son absence au Tour de France, où il souhaitait s’affûter et parfaire ses réflexes. Cinquième un an plus tôt, il avait provoqué la sélection décisive dans la Roche-aux-Faucons qui avait mené à la victoire solo de Jakob Fuglsang, qui pourra compter sur Hugo Houle chez Astana-Premier Tech dimanche.

« La Roche-aux-Faucons est toujours la montée clé [sommet à 13 km de l’arrivée]. Si tu peux basculer avec trois ou quatre gars, c’est un sprint à l’arrivée entre ces gars-là. Mon sprint est bon en ce moment, je me sens fort. Si je peux donc me sauver avec un, deux ou trois gars, j’espère avoir les jambes pour les battre. »

Woods identifie Roglič, le vainqueur sortant, Alaphilippe, disqualifié après une vague et pour avoir levé les bras trop tôt, et Valverde, quadruple lauréat qui aura 41 ans ce jour-là, parmi les principaux prétendants. Bien sûr, il ajoute Tadej Pogačar, exclu de la Flèche en raison de deux (faux ?) cas positifs de COVID-19 chez UAE Team Emirates (voir encadré).

Bauer et Hesjedal dans le viseur

Une victoire à Liège-Bastogne-Liège, a lui-même souligné Woods, serait une première pour un Canadien dans l’un des cinq grands monuments du cyclisme (avec Milan-San Remo, le Tour des Flandres, Paris-Roubaix et le Tour de Lombardie).

Une telle réussite, évalue-t-il, le rapprocherait de Steve Bauer, maillot jaune au Tour de France, 4e au classement général, vainqueur d’une étape, et Ryder Hesjedal, gagnant du Giro 2012 et de deux étapes à la Vuelta.

« Steve Bauer est passé si près de gagner Paris-Roubaix [2e en 1990], Ryder a été tout là-haut. Mes succès ne sont pas les mêmes que ceux de Ryder ou de Steve, mais ils s’en approchent. Ce qui me mettrait dans la catégorie de ces deux coureurs est une victoire dans un monument. Ce serait un immense honneur que d’être considéré parmi eux. »

On ne demandera pas à Weber ce qu’il en pense.

La peur du faux positif

À l’instar de Hugo Houle, exclu l’an dernier du Tour de Lombardie après un « faux positif » au coronavirus, Woods a lui aussi dû rater des épreuves cette année en raison d’un résultat positif au nouveau coronavirus. En février, le résident d’Andorre a dû déclarer forfait aux classiques Faun-Ardèche et Royal Bernard Drôme, en France. « J’ai subi sept tests négatifs consécutifs par la suite et je n’ai pas d’anticorps, a-t-il révélé. Je ne l’ai jamais eu, mais un test m’a empêché de prendre le départ. On compose avec ça maintenant en tant que coureurs professionnels. Non seulement la menace de la COVID-19, mais aussi celle d’un faux positif. » Les retraits de Tadej Pogačar et de Marc Hirschi, respectivement champion du Tour de France et vainqueur sortant de la Flèche wallonne, ont marqué les esprits, mercredi, en Belgique. Pogačar a affirmé que les deux cas dans son équipe UAE étaient « faux ». « Ça crée un peu de peur au fond de ton cœur », a souligné Woods, qui se fera récurer le nez à trois reprises cette semaine. Le dernier test, samedi, est une exigence pour sa participation au Tour de Romandie, la semaine prochaine.

La fibre canadienne

Trois des huit partants d’Israel Start-Up Nation (ISUN) étaient canadiens mercredi à la Flèche wallonne. En plus de Woods, Guillaume Boivin et James Piccoli représentaient l’équipe détenue par l’homme d’affaires d’origine montréalaise Sylvan Adams. « J’ai roulé avec Sylvan aujourd’hui et il disait combien il était fier d’avoir un contingent canadien aussi important dans l’équipe, a raconté Woods de La Gleize, village situé près de la côte de Stockeu et de la stèle Eddy Merckx. Et c’est tellement plaisant de rouler avec Guillaume. Il est très bon pour te positionner. Il a fait un très bon boulot pour me cacher du vent dans l’approche initiale mercredi. Il a très bien exécuté son travail. Malheureusement, il a subi une crevaison à un moment crucial. » Un autre membre d’ISUN, Alex Cataford, d’Ottawa, participe actuellement au Tour des Alpes, où il occupe le 41e rang au classement général. Piccoli s’alignera pour sa part au Tour du Rwanda, du 2 au 9 mai, avant d’avoir une chance de jouer sa carte personnelle au Tour de Suisse, une épreuve WorldTour qui s’élance le 13 juin.