(Paris) À moins de trois mois de l’évènement, la tenue du Tour de France aux dates prévues, du 27 juin au 19 juillet, reste incertaine et soumise avant tout à l’impératif de santé publique. Mais plusieurs scénarios existent.

« Pas de communication », oppose à toutes les questions l’organisateur (ASO), conscient que le sport n’est évidemment pas la priorité du moment par rapport aux drames humains traversés par le pays. Pas de communication ni sur les hypothèses de travail ni sur la date-butoir au-delà de laquelle la course ne serait plus possible, ne serait-ce qu’en raison du temps de préparation indispensable aux coureurs pour être opérationnel.

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Le Britannique Geraint Thomas montant le col du Galibier durant la 18e étape du Tour de France le 25 juillet 2019.

Seule chose certaine, la quasi-totalité des acteurs du cyclisme souhaite que le Tour de France ait lieu cette année. Les seules voix divergentes qui se sont exprimées ces derniers temps sont celles de retraités, tels Cyrille Guimard ou Tom Boonen.

Si ASO garde le silence, il existe plusieurs éventualités imaginables. Revue de détail :

. L’annulation :

Le scénario le moins probable, à moins d’une nécessité de confinement d’ampleur extrême, durant de longs mois, au-delà du début de l’été. Dans le calendrier du cyclisme, l’importance du Tour de France est soulignée par toutes les équipes.  

« Le Tour représente au minimum 60 % des retombées de la saison », estime Vincent Lavenu, le patron de l’équipe AG2R La Mondiale. Même les équipes belges, traditionnellement tournées vers les classiques, s’accordent pour chiffrer à un plancher de 40 % les retombées du Tour, l’évènement numéro un de l’année. Dès lors, il semble évident que le cyclisme fera tout pour trouver une solution.

. Le report :

Le scénario qui risque de prendre corps de plus en plus si la situation sanitaire ne s’améliore pas dans les prochaines semaines. Pour l’instant, la plupart des coureurs sont confinés avec, selon les pays, la possibilité (Belgique, Allemagne et Suisse par exemple) ou l’interdiction (France, Espagne et Italie notamment) de faire des sorties sur route. Jusqu’à quand ?

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La fin de l’étape 21, de 128 km, entre Rambouillet et Paris le 28 juillet 2019. Le Colombien Egan Bernal porte le maillot jaune.

De la réponse à cette question dépend le prochain Tour. Sachant que les entraîneurs estiment généralement à quatre semaines au minimum la période d’entraînement avant une première compétition type course d’une semaine. « Au plus tard, il faut que les coureurs soient dehors le 10 mai, si les conditions le permettent évidemment », chiffre pour l’AFP Emmanuel Hubert, le patron de l’équipe Arkea-Samsic.

Si cette date reste sujette à caution –d’autres la fixent au début mai–, elle n’est pas la seule inconnue. Comment organiser le calendrier en cas de report ? Une réunion en ce sens a eu lieu vendredi dernier sous l’égide de l’Union cycliste internationale (UCI). La première sans doute d’une série, compte tenu de la complexité du dossier et surtout de l’absence actuelle de visibilité sur la fin des mesures publiques exceptionnelles décidées en France par l’État, le décisionnaire pour l’obtention du feu vert au Tour.

. Le déroulement aux dates prévues :

Le scénario encore en vigueur. Des grands événements de l’été, le Tour est le seul à figurer au calendrier après le report à 2021 de l’Euro de foot et des JO de Tokyo. Un simple sursis ?

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Les spectateurs assemblés près du fil d’arrivée de la 14e étape du Tour de France, au col du Tourmalet le 20 juillet 2019.

« C’est encore trop tôt pour se prononcer », relevait Romain Bardet, qui va très probablement se… reporter sur le Tour du fait de l’ajournement du Giro. Mais le temps semble jouer contre cette hypothèse qui avait été un temps renforcée par l’évocation par la ministre des Sports Roxana Maracineanu d’un hypothétique huis clos.

Une levée de boucliers s’est dressée face à cette éventualité, de la part notamment de coureurs (« sans le public, ce ne serait pas le Tour de France », a réagi le Gallois Geraint Thomas, le vainqueur 2018), et des élus des villes concernées. Par sa nature, le Tour est un évènement populaire et festif, au-delà de la seule course cycliste.

Au point que Raphaël Géminiani (94 ans), rescapé de l’édition 1947 organisée au sortir de la Seconde Guerre mondiale, rappelait lundi dans le quotidien de sport L’Équipe l’extraordinaire élan d’enthousiasme qui avait accompagné l’épreuve et se projetait sur l’été prochain : « Cette période de confinement va nous affecter, moralement, durablement. Il faudra en guérir, et le Tour pourrait nous y aider. Il nous redonnerait une stabilité et relancerait la vie. »