Le cycliste montréalais James Piccoli trace un bilan positif du Tour d’Espagne, qui s’est conclu dimanche à Madrid par la victoire de Primož Roglič.

James Piccoli s’est laissé envahir par les émotions pendant les derniers kilomètres de l’étape ultime de la Vuelta, dimanche, à Madrid.

Pas nécessairement parce qu’il terminait ainsi son premier grand tour, qui s’est avéré beaucoup plus ardu que prévu.

Après avoir donné ses derniers coups de pédale pour contribuer au placement de son meneur Dan Martin, le Montréalais de 29 ans a laissé filer le peloton. Il s’est retrouvé avec un autre coéquipier, Rory Sutherland.

L’Australien de 38 ans, ancien gagnant du Tour de Beauce comme lui, était sur le point de conclure une carrière professionnelle de près de 20 ans.

« On a fait les deux ou trois derniers kilomètres ensemble, relate Piccoli. On a parlé, il a pleuré un peu. Il m’a fait pleurer un peu aussi. C’était émotionnel, mais vraiment beau de pouvoir partager avec lui les derniers kilomètres de sa dernière course. »

Cette 18e étape, remportée au sprint par l’Allemand Pascal Ackermann, était terminée depuis à peine une heure, mais Piccoli était déjà sur la route du retour avec son coéquipier estonien Mihkel Räim (11e).

Avec l’Espagne en état d’urgence sanitaire, il n’était pas question de célébrer la fin de ce grand tour et de cette saison particulière dans la capitale.

« En plus, beaucoup de coureurs et surtout des membres du staff sont partis de chez eux depuis deux ou trois mois. Ils voulaient vraiment revenir à la maison. C’est dommage qu’on ne puisse pas fêter ensemble, mais on a eu un petit souper [samedi] soir. »

« J’aurais aimé en faire plus »

Les représentants d’Israel Start-Up Nation (ISUN) ont pu lever un verre en l’honneur de Martin la veille. Quatrième de cette Vuelta, l’Irlandais de 34 ans a signé le meilleur résultat de sa carrière dans un grand tour, en plus d’y remporter une étape, sa première victoire en plus de deux ans.

« Dans un monde idéal, j’aurais aimé en faire plus, me rendre plus loin avec lui dans les bosses, a noté Piccoli. Mais dans les premières étapes et dans les 100 premiers kilomètres de chaque étape, on était tous avec lui. Chaque jour, le plan était de le protéger du mieux qu’on pouvait. Je suis content d’avoir vécu l’expérience avec lui, un super gars. »

Éprouvé au deuxième jour de repos, lundi, Piccoli n’a pas trouvé un second souffle comme il l’espérait. Les dernières étapes de montagne, qu’il a systématiquement conclues dans le gruppetto, ont été très difficiles.

« La dernière semaine d’un grand tour, c’est plus que de l’inconnu. Les coureurs qui en ont fait cinq ou six me disaient que le premier, c’est le pire. Que je vais être plus fort les prochaines fois. Apparemment, tu as une grosse hausse de forme deux ou trois semaines après la fin. Je pense que ce boost est aussi mental que physique. Je sais que je peux me pousser jusqu’au bout et y arriver. Honnêtement, je n’ai jamais autant souffert que la dernière semaine ici. »

Mentalement, ça va me rester pour le reste de ma carrière.

James Piccoli

Piccoli a tenté sans succès de se joindre à des échappées. Ce Tour d’Espagne le plus tardif de l’histoire s’est disputé à un rythme effréné (près de 40 km/h de moyenne sur 2908 km). Les bons de sortie étaient chèrement gagnés, parfois après deux ou trois heures de course.

Le natif de Mont-Royal a conclu la Vuelta au 125e rang, à plus de quatre heures du vainqueur, le Slovène Primož Roglič. Son meilleur résultat d’étape est sa 71e place lors de la victoire de Martin au troisième jour.

Après avoir été un coureur de premier plan en Amérique du Nord, cet anonymat a-t-il parfois été décourageant ?

« Avec le recul, je n’ai peut-être pas eu la meilleure préparation, juste à cause d’un petit rhume. Mais pour répondre à la question, c’est peut-être le contraire : oui, je sais que le niveau est dur ici, mais les gars qui gagnent chaque jour, ce ne sont pas des super humains. Je vois les temps de montée, les watts par kilo [mesure de puissance la plus commune]. Avec un peu plus d’expérience et quelques autres courses dans les jambes, ça ne me semble pas surhumain [à atteindre]. »

Après une première saison dans le WorldTour, Piccoli a des objectifs très simples pour 2021 : continuer de s’améliorer et d’avoir du plaisir avec ISUN, qui accueillera son compatriote Michael Woods et le Britannique Chris Froome.

« J’ai vraiment trouvé une équipe très encourageante, qui a un intérêt à me développer. Mes coéquipiers comme les membres du staff, tout le monde veut m’aider. Je suis super chanceux d’avoir une équipe comme ça et je suis emballé pour l’an prochain. »

En attendant, il avait très hâte de retrouver sa conjointe qui l’attendait à Gérone tard dimanche soir. Au menu pour les prochaines semaines : pas de vélo, mais quelques randonnées en montagne et d’autres activités extérieures quand elles seront autorisées.

Le rebond formidable de Roglič

PHOTO OSCAR DEL POZO, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le Slovène Primož Roglič

Après une frayeur la veille dans l’ultime ascension de la Vuelta, Primož Roglič a confirmé sa deuxième victoire de suite, dimanche. « C’est magnifique de finir la saison comme ça », a réagi le Slovène de 31 ans, toujours aussi stoïque. Le leader de Jumbo-Visma a devancé de 24 secondes l’Équatorien Richard Carapaz (Ineos), qui a tout tenté la veille dans la Covatilla, et de 1 min 15 s le Britannique Hugh Carthy (EF), révélation du Tour d’Espagne. Le rebond formidable de Roglič, après sa défaite cruelle au Tour de France aux mains de son compatriote Tadej Pogačar, est à ranger tout en haut dans la liste des exploits sportifs de 2020. Faut-il le considérer comme le plus grand coureur par étapes à l’heure actuelle ? « Je n’en suis pas certain, mais disons que j’ai été le meilleur à la Vuelta, a répondu celui qui a aussi remporté quatre étapes. Il reste des courses que je n’ai pas encore gagnées, j’ai d’autres défis à relever, mais aujourd’hui, c’est d’abord le temps de célébrer. » Michael Woods a conclu l’épreuve au 34e rang (+ 1 h 29 min 26 s), le même résultat qu’en 2018 (7e en 2017). Vainqueur d’étape à Villanueva de Valdegovia, deux fois deuxième et neuvième sur l’Angliru, le Canadien a été brillant d’un bout à l’autre pour Carthy et son équipe EF, avec qui il disputait une toute dernière course.