Battu sur le fil par le Belge Tim Wellens, le cycliste canadien Michael Woods est venu bien près d’offrir une autre victoire d’étape à son équipe sur la Vuelta, mercredi.

D’une certaine façon, c’était l’étape de la dernière chance pour Woods. L’occasion ultime de lever les bras la deuxième fois cette année à la Vuelta. Et aussi dans les couleurs roses d’EF Pro, l’équipe qui lui a ouvert les portes du WorldTour.

Avant le départ de la 14e étape, mercredi à Lugo, le directeur sportif Juan Manuel Garate, avec qui il a vécu ses moments les plus forts sur un vélo, lui a donné le feu vert pour se glisser dans l’échappée.

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Tim Wellens (en noir) a remporté un sprint contre le Canadien Michael Woods (en rose).

Sur un parcours accidenté à souhait, Woods y est parvenu de haute lutte, se joignant à un escadron de costauds comme lui : Soler, Wellens, Stybar, Van Baarle, Périchon et le jeune Arensman, 20 ans, troisième de la cinquième étape remportée par… Wellens.

Du beau monde qui s’est offert un coussin de cinq minutes jusqu’à ce que les Astana, suivis des Total Direct Énergie, prennent les commandes du peloton jusqu’au pied du dernier col, à une trentaine de kilomètres de l’arrivée.

Les carottes semblaient cuites pour les sept fuyards quand Woods a profité d’une petite hésitation de Thymen Arensman (Sunweb), à 2,5 km du sommet, pour filer.

« J’ai décidé d’attaquer à ce moment-là parce que je pensais être capable de me donner tout de suite une avance de deux, trois secondes et ensuite de me rendre seul jusqu’à la ligne, a-t-il raconté. Mais les coureurs derrière ont roulé ensemble et ils sont revenus. »

« J’ai pris la mauvaise décision »

Avec le peloton qui avait abandonné la poursuite, le suspense ne faisait que commencer pour les meneurs.

Dans la descente, le Tchèque Zdenek Stybar (Deceuninck) a créé un trou avec l’aide de l’Espagnol Marc Soler (Movistar), qui visait un deuxième succès après sa victoire à la deuxième étape. Wellens (Lotto) s’est joint au duo in extremis.

« J’ai pris la mauvaise décision d’être derrière tout le monde, a avoué Woods. Stybar est super rapide dans les descentes. Quand il a décidé d’attaquer, j’avais deux coureurs devant moi, Van Baarle et le gars de Sunweb [Arensman]. J’ai réussi à le dépasser, mais pas Van Baarle. »

Le trio de poursuite a dû se mettre à l’ouvrage pour garder Stybar, Soler et Wellens en point de mire. L’écart s’est maintenu à une douzaine de secondes sur une dizaine de kilomètres, jusqu’à ce que les hommes de tête commencent à hésiter à l’approche du raidillon final, à Ourense.

« J’ai décidé de prendre la tête de la course au pied de la dernière montée parce que je savais que si j’étais premier avec 250 mètres à faire, j’étais capable de gagner », a relaté Woods, qui se méfiait surtout de Wellens, vainqueur du Grand Prix cycliste de Montréal sous le déluge en 2015.

Le Belge, qui avait les yeux sur le Canadien, avait la même idée. Il a pris l’initiative à quelque 400 m du but. Le temps que Woods réagisse, il était pratiquement trop tard.

Dans ce final un peu étrange en forme de tire-bouchon, Wellens s’est rangé sur la clôture pour fermer la porte à l’intérieur, obligeant le puncheur d’Ottawa à le contourner. Ce dernier n’a pu remonter qu’à la hauteur du pédalier de son rival, à 50 mètres du fil, avant de baisser la tête au bout du virage, vaincu. Stybar, triple champion mondial de cyclo-cross, s’est classé troisième.

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Tim Wellens, vainqueur de la 14e étape du Tour d’Espagne

Des regrets, Mike ? « Oui, certainement, a-t-il admis une demi-heure après l’arrivée. C’est la deuxième fois que je termine deuxième derrière Tim Wellens dans une étape d’un grand tour. C’est un peu dur [à accepter]. Il a bien couru. »

Sur une fin d’étape similaire, mais devant des milliers de spectateurs, Wellens avait réussi le même coup lors de la quatrième étape du Tour d’Italie, en 2018. À l’époque, Woods n’avait jamais pu l’inquiéter, incapable de sortir de sa roue dans le sprint final. C’était une autre histoire mercredi…

« J’avais les jambes pour gagner, a-t-il affirmé. Wellens a lancé de l’avant à 250 mètres. Je voulais être dans la même position, mais je n’ai pas été capable. J’ai essayé de le dépasser, mais c’était trop dur avec ce virage final. »

Mon seul regret, c’est de ne pas avoir été premier à 250 mètres, quand c’était le temps d’y aller.

Michael Woods

À quatre jours de l’arrivée, dimanche à Madrid, Woods peut déjà dire mission accomplie. Ce podium survient une semaine après sa victoire solo devant l’ex-champion mondial Alejandro Valverde, la deuxième de sa carrière après celle de 2018, et à une autre deuxième place deux jours plus tôt à la station de ski Formigal.

Ces réalisations individuelles s’ajoutent à son travail impeccable en haute montagne pour son collègue britannique Hugh Carthy, toujours troisième du général, à 47 secondes du meneur Primož Roglič. Dans l’Angliru, dimanche, Woods était l’un des rares équipiers encore en tête quand les leaders se sont expliqués.

« Je suis peu déçu [du résultat mercredi], mais je sais que j’ai bien couru ici. J’ai toujours été là pour Hugh dans les dernières étapes de montagne et je crois que je suis en mesure de l’aider dans celles à venir. Oui, je suis fier de moi, mais en même temps, un peu déçu. »

À partir de jeudi, Woods se remettra exclusivement au service de Carthy. L’athlète de 34 ans fera ainsi ses adieux à EF, formation américaine à laquelle il s’est joint en 2016, avant de passer chez Israel Start-Up Nation l’an prochain, où il doit jouer un rôle semblable auprès de Christopher Froome.

Cette fin de saison est tout un revirement pour celui qui s’est fracturé une jambe sur une chute à Paris-Nice, il y a moins de huit mois. Sa non-sélection pour le Tour de France a fait mal, mais peut-être lui a-t-elle fourni cette occasion de briller dans le sombre automne espagnol.

Piccoli se rapproche du but

Le Montréalais James Piccoli, l’autre Canadien en lice au Tour d’Espagne, s’est rapproché un peu plus d’un premier grand tour terminé, finissant 84e de la 14e étape, tout juste derrière Christopher Froome (+ 5 min 37 s), son futur coéquipier chez Israel Start-Up Nation. Dan Martin, le leader de la formation israélienne, a été le meilleur des prétendants au général dans la dernière pente (8e, + 3 min 44 s), mais il n’a pas été en mesure de provoquer d’écart. L’Irlandais pointe toujours au quatrième rang au général, à 1 min 42 s du maillot rouge Roglič.