On pardonne à Lauriane Genest d’avoir « triché un peu ». On devine bien qu’il n’est pas facile de garder le secret d’une première sélection à des Jeux olympiques. Avant l’annonce de mercredi midi, famille et amis proches étaient donc dans la confidence de sa présence au sein de l’équipe canadienne de cyclisme sur piste qui ira à Tokyo l’an prochain.

« Mais ça faisait longtemps que j’attendais que ça sorte publiquement. C’est une journée spéciale de pouvoir partager la bonne nouvelle », dit d’emblée la pistarde de 22 ans.

À vrai dire, il n’y avait guère de suspense quant à la sélection de Genest et de Kelsey Mitchell pour représenter le Canada au sprint par équipes et au keirin. Ce qui est plus surprenant, c’est la trajectoire de la Québécoise qui découvrait à peine le monde de la piste au début de ce cycle olympique.

L’ancienne patineuse artistique, âgée de 22 ans, a su gravir les échelons avec les équipes du Québec et du Canada à très grande vitesse. « Ça a été probablement plus vite que prévu. Je me suis rendue dans l’élite plus rapidement que j’aurais pensé, ce qui est encourageant pour la suite », raconte celle qui avait initialement les Jeux de Paris, en 2024, dans sa mire.

« Ça a changé l’année passée avec ma première saison de Coupe du monde au moment où la qualification pour les Jeux commençait. J’ai vu à quoi j’avais affaire et où je me situais par rapport aux autres. J’ai compris que c’était possible d’aller aux Jeux de Tokyo et ça s’est encore plus concrétisé cette année avec des résultats assez bons. »

Se sentant davantage en confiance, elle a obtenu sa part de top 5 et même ses premières médailles en Coupe du monde. En décembre, c’est la médaille d’argent qu’elle a décrochée en Nouvelle-Zélande au keirin. Le mois suivant, elle et Mitchell ont enlevé l’or au sprint par équipe à Milton (Ontario).

La dynamique était donc bonne en vue des Jeux malgré une petite déception aux Championnats du monde de Berlin en février.

« J’étais prête à y aller. Quand on prend du recul, on réalise qu’un an supplémentaire de travail, d’entraînements et de préparation mentale, ça va vraiment m’aider. En Coupe du monde, je crois qu’il n’y a que deux ou trois filles sur une cinquantaine qui sont plus jeunes que moi. Le report des Jeux n’est pas une bonne nouvelle dans l’ensemble, mais on peut y voir beaucoup de positif.

« Avant la pandémie, j’avais parlé d’un top 6 comme objectif à Tokyo. Je suis quelqu’un de très réaliste dans la vie, mais j’aime aussi rêver. Je me permets maintenant de rêver à une médaille même si j’entends toujours la petite voix qui me dit : “Sois réaliste.” »

Une pandémie vécue en Ontario

Genest n’a eu besoin que d’un entraînement ou deux pour retrouver ses repères sur la piste au mois de juin. Pendant trois mois, avec la fermeture des installations sportives, elle s’est rabattue sur le travail physique à la maison et sur le vélo de route lors du retour des beaux jours.

La présence de sa coéquipière a été primordiale pour passer à travers cette période. « Si j’avais été toute seule chez moi, je crois que, malheureusement, j’aurais sauté quelques entraînements qui peuvent faire une différence au bout de la ligne. »

Tout laisse croire qu’elle aura encore besoin de son appui au cours des prochains mois puisque le calendrier international risque d’être vide d’ici les Jeux olympiques.

« Si on fait juste s’entraîner tous les jours à Milton jusqu’aux Jeux, ça va être vraiment difficile de garder la motivation. S’il n’y a pas de courses, ce serait bien quand même de sortir de l’Ontario pour des camps ailleurs au Canada. Je pense que Cyclisme Canada va trouver une façon pour que l’on reste motivés et contents. »

Une première également pour Ariane Bonhomme

Comme Genest, Ariane Bonhomme, âgée de 25 ans, découvrira l’ambiance olympique à Tokyo en poursuite par équipes. « C’est un rêve qui devient réalité. L’annonce rend les choses un peu plus réelles », lance-t-elle.

L’équipe vise l’or pour le rendez-vous olympique après une progression que l’on peut attribuer à l’arrivée de l’entraîneur néo-zélandais Matt Shallcrass (« Il a amélioré la chimie d’équipe ») et au retour de la cycliste chevronnée Jasmin Duehring. « Nos progrès entre l’automne 2019 et les Championnats du monde de février 2020 ont été vraiment impressionnants. On a maintenant besoin d’un peu de temps pour peaufiner les choses. »

Cinq cyclistes composent l’équipe féminine canadienne, mais seulement quatre participent à chacune des rondes. Les pays peuvent toutefois modifier l’alignement au fil de la compétition. « C’est l’une des choses que l’on a réalisée aux Championnats du monde. On a besoin de faire courir les cinq filles. Avec des rondes aussi proches, on a besoin de tout le monde. Dans la prochaine année, on va travailler pour que l’on soit à l’aise, peu importe qui est sur la piste. »

Pas fâché d’attendre une année

Parmi les athlètes canadiens qui sont bien contents du report des Jeux olympiques, on retrouve Hugo Barrette (sprint individuel, keirin), qui a livré une bataille contre le temps après sa violente chute en septembre dernier. Il avait subi une fracture à une omoplate. « Ça change complètement la donne. Ça me donne le temps de faire une préparation vraiment olympique et d’arriver dans la forme de ma vie. Avec tout ce qui m’est arrivé, ça ne me donnait que cinq mois pour me remettre sur pied. »

Il participera à ses deuxièmes Jeux olympiques après ceux de Rio. Qu’est-ce qui a changé depuis 2016 ? L’expérience. « Mon événement, c’est le keirin, et le keirin, ça prend beaucoup d’expérience. Je suis plus constant que jamais. Physiquement, ça va aussi très bien en ce moment. Dans la dernière année, je ne faisais que faire des compétitions et me reposer parce qu’on ne voulait pas que je sois trop fatigué. J’ai pris du poids. Je suis de retour à une bonne forme avec une perte de huit kilos de gras et avec un maintien de ma puissance. »

Une équipe compétitive

Michael Woods et Hugo Houle ont d’ores et déjà été sélectionnés au sein de l’équipe de cyclisme sur route. Le nom du dernier athlète, ainsi que les remplaçants, sera annoncé en mai 2021.

« Je suis très heureux de ma sélection, d’autant qu’on a une très bonne chance avec Michael Woods qui est en excellente forme. Moi-même, j’ai beaucoup progressé au fil des dernières années. Je m’attends à ce qu’on ait une équipe très compétitive », a estimé Houle, déjà présent à Rio en 2016.

Celui qui participera au Tour d’Italie au mois d’octobre a déjà pris le temps de regarder le parcours des Jeux. Il y a vu trois belles montées au fil des 234 km.

« Je devrais basculer [au sommet de la deuxième] pour rester avec Michael Woods jusqu’à la montée finale. Ça va être là que ma présence va être importante pour le positionner jusqu’à la dernière ascension. Après, ce sera à lui de montrer ce qu’il a dans les jambes. »

Houle, qui prendra le départ des Strade Bianche samedi, a cependant encore quelques réserves sur la tenue des Jeux l’an prochain en raison du contexte sanitaire.

Faire mieux qu’à Rio

Karol-Ann Canuel participera à ses deuxièmes Jeux olympiques, l’an prochain. Une « fierté », dit-elle, mais aussi une occasion de faire mieux que ses 25e (course sur route) et 13e (contre-la-montre) places à Rio.

« J’ai l’impression que j’aurais pu mieux faire en 2016, donc, mon objectif sera d’améliorer ma performance à Tokyo. On verra si le fait d’être plus vieille va m’avantager. Le parcours n’est pas aussi dur que chez les hommes, mais ça reste assez difficile pour permettre des tactiques et des échappées. Ça peut être une course assez ouverte, ce qui peut m’avantager. »

En attendant l’échéance olympique, le calendrier de cyclisme a repris des contours un peu plus habituels. Après sa participation au Tour de France virtuel, elle a retrouvé ses coéquipières de Boels Dolmans la semaine dernière en Espagne.

« Les sensations sont bonnes. Je suis contente de mon niveau de forme même si c’est une adaptation de recommencer à rouler. L’équipe a bien performé. » Elle n’a pas dû observer une période de quarantaine, mais elle a subi des tests de COVID-19 avant chaque course.