Incapable de grimper la voie Camillien-Houde il y a un an, Sébastien Ebacher participera aux Championnats du monde UCI Gran Fondo, aujourd’hui, en Pologne. Entre ces deux épisodes, l’homme de 46 ans a redécouvert le plaisir de se retrouver sur un vélo, disputé une première compétition en trois décennies et vécu une remise à niveau express.

« C’est une surprise pour moi et pour les autres qui me demandent ce qui se passe. C’est tellement subit. Je suis assez fier. »

Ce qui s’est passé, c’est l’appel du vélo et de l’activité physique, à un niveau compétitif, après que la vie « eut fait son œuvre ». Ce passionné de toujours (« Quand les gens s’intéressaient plus ou moins à la compétition, je suivais le Tour de France et je connaissais tous les coureurs ») avait arrêté la compétition lors de sa dernière année chez les cadets.

Les soupçons de dopage qui commençaient à se préciser dans le cyclisme l’avaient dissuadé d’aller plus loin. Il a alors jeté son dévolu sur le snowboard, le football au cégep et le hockey dans diverses ligues de garage.

En août 2018, le producteur de jeux vidéo chez Ubisoft change de braquet. Après trois ans d’inactivité, il reprend la course à pied. Quelques jours plus tard, il sort son vélo qui traîne dans le garde-robe depuis presque deux ans et demi. Direction les Laurentides, où l’un de ses bons amis a l’habitude de rouler.

Je savais que je n’avais pas le niveau pour le suivre, et d’ailleurs, je ne l’ai pas suivi du tout. On a fait une trentaine de kilomètres avec des montées, mais j’ai vraiment souffert. J’étais à 215 livres, ce qui explique ces difficultés. J’ai compris qu’il y avait du chemin à faire.

Sébastien Ebacher

À Montréal, il s’attaque à la voie Camillien-Houde sur le mont Royal. À mi-chemin, vers le belvédère, il doit s’avouer vaincu et fait demi-tour. « Là, je me suis dit que c’était problématique. » Deux tentatives, deux échecs. Fin de l’histoire ? Au contraire, le quadragénaire, qui ne détesterait pas faire un Ironman un jour, décide de s’accrocher et de continuer à s’entraîner tout l’hiver. Il privilégie d’abord la natation et la course à pied au cours de l’automne avant d’ajouter le vélo.

Au moyen d’une application bien connue, il mesure son niveau de forme après quelques mois d’efforts. « Je me suis rendu compte que je n’étais vraiment pas si mal. Ce que j’avais fait en course et en natation au cours de l’hiver se transmettait dans mes performances en vélo. Là, je me suis dit que, peut-être, je pourrais avoir une bonne saison de vélo. »

Il se rappelle alors les propos de son entraîneur qui lui conseillait d’avoir 1000 kilomètres dans les mollets avant le début du mois de mai. À la fin d’un gros projet professionnel, il part en Espagne pour un camp d’entraînement de sept jours. Au printemps, il se joint aussi au club de vélo Cycle Pop où il monte rapidement en grade.

« C’est là que je me suis mis à penser que je pourrais recommencer la compétition. J’ai fait des recherches pour voir comment ça fonctionne pour les vieux et je suis tombé sur les World Series UCI Gran Fondo. En voyant les critères de qualifications [pour les Mondiaux], je me suis dit : “Au fond, pourquoi pas ? Ça ne coûte rien d’essayer.” »

Celui qui est aussi directeur créatif et fondateur du Studio arnoovo fait donc son retour à la compétition à la mi-juillet lors du Cache Gran Fondo en Utah. Après 30 ans d’absence dans un gros peloton, il n’a pas fallu bien longtemps pour que les réflexes de course lui reviennent.

« J’ai retrouvé mes marques très rapidement, que ce soit au niveau de la stratégie, du positionnement, des tournants ou tout simplement pour faire attention à la roue d’en avant. Dans un peloton, il faut vraiment faire attention et, ma priorité, c’est de ne pas me blesser. À mon âge, je n’ai plus envie de gérer une blessure. »

Malgré quelques erreurs de course, il prend la 10e place dans sa catégorie d’âge. Le résultat est suffisant pour lui permettre de gagner sa place pour les Championnats du monde.

« J’ai déjà gagné »

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

Après 30 ans d’absence dans un gros peloton de course, il n’a pas fallu bien longtemps pour que Sébastien Ebacher retrouve ses réflexes de course.

Sébastien Ebacher, qui a perdu une quarantaine de livres au cours du processus, s’est envolé lundi pour la Pologne avec, déjà, le sentiment du devoir accompli. « Dans ma tête, j’ai déjà gagné en étant invité et en ayant pu me remettre en forme. »

Il n’empêche que cette expérience, au sein du peloton des 45-49 ans, n’est pas sans déclencher quelques ambitions. Sur un circuit plat de 150 kilomètres qui lui convient bien, il espère faire belle figure jusqu’au bout.

Je ne me mets aucune pression. C’est comme des vacances sportives de haut niveau. Mais c’est certain que si je finis dans le peloton de tête et que je me donne une chance de faire partie du sprint final, je vais être vraiment content et fier de moi.

Sébastien Ebacher

L’aventure ne s’arrêtera pas là. Le week-end prochain, il se rendra à Whistler, en Colombie-Britannique, afin de participer à la première épreuve qualificative en vue des Championnats du monde de 2020. Ils auront justement lieu à Whistler. « Je veux me donner un vrai plan de match et une bonne chance de bien performer. »

Et la voie Camillien-Houde au fait ? Elle ne pose plus vraiment de difficulté comme il a pu le constater, au printemps, en pédalant aux côtés de l’ancienne professionnelle Audrey Lemieux.

« On montait sans pression, et elle m’a demandé si je faisais de la compétition. Qu’elle le pense, ça a peut-être semé la graine à propos d’un retour. Je me suis dit qu’il n’y avait rien à perdre. »

Sébastien Ebacher a même déjà gagné.

PHOTO ROBERT SKINNER, LA PRESSE

En Pologne, sur un circuit plat de 150 kilomètres qui lui convient bien, Sébastien Ebacher espère faire belle figure.