Au moment où l’attention de la planète cycliste était tournée vers Liège-Bastogne-Liège, la semaine dernière, le cycliste québécois Guillaume Boivin a réalisé un joli coup en Espagne en terminant deuxième du Tour de Castille-et-León remporté par son coéquipier Davide Cimolai. De quoi mousser sa candidature pour une deuxième participation au Giro avec Israel Cycling Academy.

Les deux sont frimés

Course par étapes de trois jours, le Tour de Castille-et-León n’est pas la course par étapes la plus prestigieuse, mais plusieurs grands noms du cyclisme espagnol se sont inscrits à son palmarès, dont Miguel Indurain, Alberto Contador (trois fois) et Alejandro Valverde. Vainqueur des deux premières étapes, chaque fois lancé par Boivin, le sprinteur italien Cimolai a succédé à son coéquipier espagnol Ruben Plaza. Huitième et troisième de ces arrivées en petits groupes, le Montréalais de 29 ans a conclu le triptyque à la deuxième place du classement général. «J’étais surtout heureux qu’on ait gagné, mais c’est un de mes beaux résultats, c’est certain», a réagi Boivin depuis Gérone, en début de semaine. «Une victoire, c’est toujours un peu mieux, mais je n’ai pas fini souvent deuxième d’une course par étapes, surtout en Europe. Honnêtement, j’étais juste content de retrouver de bonnes jambes après un printemps un peu difficile.»

Mis en échec

Après une excellente fin de saison l’an dernier (victoire à la Famenne Arden Classic en Belgique), Boivin anticipait une bonne campagne printanière dans les Flandres. Une chute dans le final de Kuurne-Bruxelles-Kuurne a cependant fait dérailler ses plans. «On était une trentaine dans le final et un gars était pas mal ambitieux. J’avais pris la roue de [Dylan] Groenewegen et Pascal Ackermann a décidé de me tasser. Il m’a comme fait une mise en échec sous le coude et j’ai revolé avec 150 mètres à faire.» Affecté par des symptômes de commotion cérébrale, l'ancien hockeyeur midget AAA n’a pas pris le départ de la course Le Samyn deux jours plus tard. «Je voulais quand même essayer, même si j’étais assez courbaturé, mais en me rendant là-bas, j’ai commencé à me sentir moyen à la vue de tous les poteaux que je croisais sur l’autoroute. Ça n’a pas duré longtemps, mais je ne me suis pas entraîné pendant une bonne semaine, une période cruciale juste avant les classiques.»

Frousse

À la Nokere Koerse, deux semaines plus tard, l'ex-champion canadien l’a échappé belle en évitant une chute dans l’emballage final de cette semi-classique belge. Cette fois, il tenait la roue de nul autre que Mathieu van der Poel, le champion des Pays-Bas qui a tapé fort sur les pavés. Le Québécois d’Israel Cycling Academy a réussi à l’esquiver de justesse en frôlant la barrière (en bleu à gauche sur la séquence).

Comme au PlayStation…

Boivin a été un témoin privilégié de l’ascension fulgurante de Van der Poel, récent gagnant de l’Amstel Gold Race. Enfin, privilégié… «Au Grand Prix de Denain, j’étais dans un groupe d’une quinzaine de coureurs à l’avant et il est rentré sur nous avec moins de 10 kilomètres à faire. Il nous a mis dans le dur pendant deux secteurs pavés avant de nous lâcher comme des roches dans le troisième. Il est assez spectaculaire, on dirait qu’il joue au PlayStation.» Ancien coéquipier de Peter Sagan chez Cannondale, Boivin se dit encore plus ébloui par le Néerlandais de 24 ans. «Je n’étais pas avec Sagan quand il a commencé, mais les choses que fait Van der Poel ce printemps, je ne pense pas avoir jamais vu ça. Il est explosif, c’est incroyable, en plus d’être fort et endurant. Quand il te met une mine, il ne niaise pas. Tabarouette, il décolle, c’est impressionnant!»

Poids léger

Victime d’une fracture du plateau tibial en juin dernier, Boivin avait perdu quelques kilos durant sa convalescence, ce qui lui avait permis de se distinguer sur des parcours vallonnés en fin de saison. Au même poids cette année, l’ex-médaillé aux Mondiaux U23 croit avoir été pénalisé sur le terrain rugueux des Flandriennes. «J’étais peut-être un peu trop maigre pour ce genre de courses en Belgique, a-t-il évalué. J’aurais peut-être mieux fait d’être plus lourd mais un peu plus puissant, si on veut.»

«Je ne suis pas Peter Sagan!»

PHOTO KRISTOF RAMON, TIRÉE DE LA PAGE FACEBOOK D'ISRAEL CYCLING ACADEMY

Guillaume Boivin à la course Tro Bro Leon le 22 avril

Peut-être ralenti aussi par les séquelles de sa chute à Kuurne, Boivin ne sentait pas au faîte de sa forme lors des trois épreuves WorldTour auxquelles il a participé à partir de la fin mars: les Trois Jours de La Panne (28e), le Grand Prix E3 (80e) et À travers les Flandres (74e). «Je n’étais pas nul, mais pas au top, top. Quand il te manque quelques points de pourcentage… Je ne suis pas Peter Sagan!» Deux semaines d’entraînement à Gérone, où il a renoué avec sa femme qu’il n’avait pas vue pendant trois mois, lui ont fait le plus grand bien. À Tro Bro Leon, course bretonne qui emprunte des chemins de terre où il a déjà terminé troisième, il avait retrouvé ses jambes. Deux crevaisons ont cependant freiné ses ambitions.

Giro bis?

Boivin retrouvera Cimolai ce mercredi pour la classique allemande Eschborn-Frankfurt où Alexander Kristoff tentera de l’emporter une cinquième fois de suite. Au moment d’écrire ces lignes, il attendait toujours de connaître la sélection de son équipe pour le Tour d’Italie, dont le départ sera donné le 11 mai à Bologne. Il ne cache pas sa volonté de participer au Giro pour la deuxième année consécutive. «Il y a aussi le Tour de Californie, une course importante pour nous à cause de la grande communauté juive là-bas. Mais c’est sûr que mon cœur serait d’aller au Giro. C’est peut-être un peu maso, mais il y a quelque chose d’attirant dans l’idée de faire un grand tour.»