Patrick Carpentier revient à Montréal l'âme en paix, prêt à attaquer le circuit Gilles-Villeneuve avec la détermination tranquille qu'on lui connaît. Entre sa famille, son travail d'entrepreneur et sa passion pour la course, pas de jonglerie, tout est à sa place, et il en profite pleinement. La Presse l'a interviewé au début du mois lors de son passage à Watkins Glen, sa première course en près d'un an. Portrait d'un homme serein, qui mord plus que jamais dans la vie.

Q - Qu'est-ce que la course de Montréal représente pour toi?

R - Quand je viens d'ici, c'est incroyable, avec tous ces amateurs dans les estrades qui nous acclament. C'est l'un des endroits les plus agréables pour y piloter, les gens embarquent, ce sont vraiment des amateurs.

J'ai passé la dernière année au Québec et les gens venaient me parler, me demandaient des nouvelles sur la course, ils sont vraiment sympathiques. C'est drôle, ma fille m'a dit l'autre jour: «Papa, tu es chanceux, tout le monde te connaît.» Elle pense que tous ces gens-là sont mes grands amis!

Je me souviens de l'année où Paul Tracy avait nargué un peu tout le monde en enfilant un costume de lutteur et un drapeau du Québec en guise de cape. Tout le monde avait trouvé ça bien drôle. Paul avait été surpris par le sens de l'humour des gens. Ça en dit long sur Montréal.

Q - La pression est-elle plus difficile à soutenir quand tu cours chez toi?

R - Montréal, c'est une chance de prendre un bain de foule, de voir des gens, mais c'est vrai que ça ajoute à la pression parce que je veux donner un bon show. Mais, aujourd'hui, je roule parce que j'ai du plaisir à le faire. Oui, il y a encore une certaine pression, mais je le fais parce que j'aime ça, par pur bonheur de revenir au circuit Gilles-Villeneuve.

Je ne ressens plus la même pression qu'avant, comme à l'époque du Champ Car avec les courses à Montréal, Toronto et Vancouver. On avait tellement de promotion à faire, c'était épouvantable; on se levait à 5h du matin et on arrêtait à 22h, à tel point que l'on arrivait brûlé le jour de la course.

Cela dit, j'ai toujours eu besoin de me mettre un peu de pression. Le bon stress me permet de rester bien éveillé et concentré sur ce que j'ai à faire. Si on est trop nonchalant, je ne pense pas qu'on puisse performer à 100%. Il faut simplement être en mesure de gérer tout ça, il ne faut pas que ça nous empêche de dormir.

Q - Quel est ton objectif, cette année?

R - De gagner la course, il n'y a pas de doute. Mais ça va être difficile. Avec Carl Edwards, Paul Menard, Jacques (Villeneuve) et Andrew (Ranger), le plateau est pas mal relevé, ça va être un bon spectacle.

C'est sûr que je veux effacer le souvenir de l'an dernier (il avait abandonné après avoir cassé sa boîte de vitesse, une erreur qu'il avait admise, NDLR). L'auto était extrêmement rapide, je n'avais jamais eu une voiture aussi performante - j'espère avoir la même cette année. Quand une voiture est rapide à ce point, c'est 10 fois plus frustrant quand on fait une erreur, alors j'étais vraiment déçu.

Q - Y a-t-il encore une rivalité entre toi et Jacques Villeneuve?

R Je me suis toujours bien entendu avec Jacques. C'est sûr que l'on veut tous les deux gagner, mais ça se fait en bonne camaraderie. Bien entendu, il y a toujours un peu de rivalité, mais ce n'est pas comme avant. Ce n'est pas comme si cela allait m'empêcher de gravir les échelons du sport automobile. On fait ça pour le plaisir et, s'il me bat, je vais être content pour lui.

Q - On voit des pilotes de plus en plus jeunes faire leur marque dans le sport automobile. Tu as 39 ans. L'âge pourrait-il devenir un handicap?

R - Non. Je regarde un gars comme Ron Fellows; il roule encore à plus de 50 ans et il a du plaisir; alors je ne fermerai jamais la porte, même si c'est pour faire cinq ou six courses par année. Si je m'aperçois que je suis en train de perdre la main parce que je ne roule presque plus, je vais peut-être accrocher mon casque. Mais tant que je vois que je peux encore gagner et avoir du plaisir, je n'ai pas de raison d'arrêter.

C'est sûr que s'il y a une occasion de rouler, je vais la prendre, ma femme est au courant, on s'est entendus là-dessus. Ma famille passerait l'été avec moi, mais il faut que ça vaille la peine.

Cela dit, je ne peux pas rester à ne rien faire; je suis debout à 5h30 du matin et je ne peux pas passer la journée à regarder la télé. Je termine mes examens pour devenir entrepreneur en construction et ma femme est agente d'immeuble. On veut acheter des maisons pour les rénover avant de les revendre, si le marché veut bien reprendre. Ça et la course sont les deux choses qui me passionnent le plus.

En fait, mon avenir en course va dépendre d'où on en est rendus avec notre entreprise. Je ne peux pas attendre à côté du téléphone pour voir si quelqu'un va m'appeler pour me donner un contrat. Il faut que je développe mon entreprise pour le futur et pour ma famille. Si je vois que ma compagnie va bien et qu'on a du plaisir à faire ça, mes choix pourraient alors changer.

Q - Serais-tu tenté par d'autres catégories de sport automobile, ou as-tu choisi de te consacrer au NASCAR uniquement?

R - Des fois, l'IRL me tente. Je regarde les gars aller et je me dis que ça a l'air le fun et je suis pas mal convaincu que je pourrais rouler avec eux. Je n'ai fait aucune démarche mais je ne dirais peut-être pas non si on m'approchait. Mais il faudrait que ce soit une bonne offre; je ne retournerais pas dans une équipe de fond de grille, ça je le garantis!

Q - La dernière année loin des circuits t'a permis de passer du temps en famille, notamment de t'occuper davantage de ta fille, qui éprouve certains problèmes de santé. Est-ce que ça te manquait?

R - Quand j'ai perdu mon volant en 2008, je me suis aperçu que ça faisait longtemps que je ne m'étais pas levé le matin en me faisant un bon café tranquille, en regardant les montagnes, en attendant que ma fille se lève. Je pensais me tanner de ça, mais non, j'aime vraiment ça.

En fin de semaine, j'ai hâte de retourner chez nous, j'ai hâte de prendre l'avion et de revoir ma famille. J'ai aussi choisi de me rendre à Montréal le 23 août seulement, alors qu'au départ, je pensais m'y rendre le 15 août. Les enfants vont avoir commencé l'école à Las Vegas et je voulais rester avec eux plus longtemps, étant donné qu'ils ne pourront pas me suivre à Montréal.

Cet été, le fait de ne pas avoir eu de volant m'a permis de rester au Québec et on aimerait bien répéter l'expérience plus souvent. J'aime ça, mais je trouve aussi que c'est important pour les enfants de passer du temps ici, comme dans le temps des Fêtes d'ailleurs. Et mes amis sont tous au Québec. C'est ce que je trouve le plus dur du fait d'être aux États-Unis... même si on dirait qu'on les voit plus souvent quand on est à Vegas!