On dit souvent que la Formule 1 est un grand cirque et ce n'est jamais plus vrai qu'à Monaco. La démesure de l'événement atteint un tel niveau dans la Principauté que c'est difficile d'imaginer qu'il puisse ensuite se contenter de l'environnement de l'île Notre-Dame.

Malgré l'exiguïté des lieux, les équipes ont dépensé des trésors d'ingéniosité, de présentation... et d'argent pour créer à partir de rien des paddocks d'un luxe inouï. L'équipe Red Bull a ainsi aménagé un vaste pavillon d'accueil hi-tech sur deux étages avec terrasses, salons climatisés, bars et piscine, le tout sur une plate-forme flottante dans le port.

 

Les autres équipes ont aussi leurs salons climatisés, tout aussi hi-tech, mais plus simplement aménagés sur un quai du port, dans le secteur de la Rascasse. C'est aussi là que la salle de presse a été installée, plus sobrement doit-on préciser, dans un grand bâtiment de ce quai de la quarantaine. Les journalistes ont toutefois accès à la zone des paddocks et aux salons des équipes et, le moins qu'on puisse dire, c'est que le choc est saisissant.

Des installations similaires sont aussi aménagées sur les autres circuits européens, mais nulle part ailleurs sont-elles aussi importantes qu'à Monaco. «C'est la plus belle scène de la saison, explique Tim Krieglstein, l'un des responsables du marketing chez Red Bull. Quoi qu'on dise, la F1 est une vitrine, une occasion d'exposer notre image de marque et d'inviter les gens qui comptent à partager cette image.»

Profitant de la tenue simultanée du Festival de Cannes, juste à côté, les équipes ont invité plusieurs vedettes (ou pseudo-vedettes) du cinéma. Russell Crowe, Javier Bardem et Cate Blanchett ont ainsi été aperçus jeudi dans les paddocks, en plus d'une série de starlettes et de sosies. On attend Mick Jagger, Naomi Watts ou Michael Douglass, demain, pour la course.

D'autre part, la présence de la famille princière de Monaco et de toute sa «cour» assure les équipes d'un flot continu de glamourous people dans ses salons.

Pas étonnant alors que Red Bull ait investi 15 millions d'euros dans son «Energy Station», ou que le «Brand Centre» de McLaren soit évalué à 10 millions d'euros. Le nouveau pavillon argent métallique de trois étages de Mercedes, dévoilé pour la première fois ce week-end, n'est estimé qu'à quelques millions, sans doute parce qu'il est plus compact.

À l'heure du «contrôle» des budgets en F1, ces chiffres donnent une idée de la complexité du débat.

En symbiose avec la Principauté

La F1 est vraiment dans son élément à Monaco, et ce, depuis la présentation du premier Grand Prix en 1929. Inscrit au calendrier de tous les championnats du monde depuis 1950, le Grand Prix a bâti sa légende sur une série d'exploits et de tragédies qui ont été magnifiés par la cadre grandiose. Sans doute aussi sur la tradition qui veut que ce soit le prince régnant qui couronne le vainqueur, dans un protocole bien différent de celui qu'on retrouve sur tous les autres Grands Prix.

Si les six victoires d'Ayrton Senna peuvent être considérées comme le plus grand exploit, la mort de Lorenzo Bandini, brûlé vif sous sa Ferrari renversée en 1967, est sûrement le plus grand drame. Entre les deux, la plongée dans les eaux du port de la Lancia de l'Italien Alberto Ascari, en 1955, et son sauvetage miraculeux par les plongeurs des pompiers, sont assurément les incidents les plus cocasses.

Le Grand Prix est inscrit dans l'histoire de Monaco, et ses habitants ont appris à l'apprécier, sinon à le chérir. Les plus âgés ont tous leurs souvenirs à raconter.

Comme ce préposé au stationnement souterrain de Ste-Dévote, coincé à l'intérieur du circuit et donc fermé ce week-end, qui se souvient que plusieurs pilotes - «Stewart, Ickx, Hill et d'autres encore...» - avaient l'habitude de garer leur voiture là dans les années 70.

Ou ce restaurateur, dont la collection de photos de pilotes s'est tarie avec les années, mais qui se reprend largement avec l'afflux de touristes et de spectateurs pendant la semaine du Grand Prix.

Ou encore les heureux propriétaires des appartements dont les balcons offrent une vue même lointaine sur le circuit, et qui louent à prix fort l'un et/ou l'autre pour suivre les essais ou la course.

Il n'y a donc pas que dans les paddocks que les coûts explosent. Les cafés et restaurants de la Principauté ont doublé leurs tarifs depuis jeudi. Ceux qui sont vraiment à proximité des gradins sont même allés plus loin. Un petit expresso bien ordinaire nous a coûté six euros hier matin en débarquant du train. On nous l'aurait pourtant offert gracieusement chez Red Bull...