Quatorzième tour. En tête de course, les deux Ferrari mènent le bal, Felipe Massa devant Michael Schumacher. Ce dernier remonte sur le Brésilien. Il ne reste plus que deux secondes entre eux, et il ne fait aucun doute que le septuple champion du monde ne va plus tarder à s'emparer de la tête.

Quatorzième tour. En tête de course, les deux Ferrari mènent le bal, Felipe Massa devant Michael Schumacher. Ce dernier remonte sur le Brésilien. Il ne reste plus que deux secondes entre eux, et il ne fait aucun doute que le septuple champion du monde ne va plus tarder à s'emparer de la tête.

Derrière, Fernando Alonso, troisième, est déjà distancé, à plus de 10 secondes. Sa course est perdue, d'autant qu'il va devoir ravitailler avant les Ferrari et que ces dernières vont creuser le trou en tournant plus longtemps avec une voiture plus légère.

C'est alors que l'imprévu se produit. Que le grain de sable improbable vient enrayer la belle machine de la Scuderia.

Malgré la généralisation des ordinateurs et la multiplication des ingénieurs, le sport automobile n'est pas encore une science exacte. La course d'hier en est une magnifique illustration. Car à cet instant, sur sa Toro Rosso, Vitantonio Liuzzi, qui occupe la 13e place, voit sa transmission arrière se bloquer. Il part en glissade et cale au milieu de la trajectoire. Les deux Ferrari, qui entrent au même moment dans leur 14e tour, l'évitent de justesse.

Comme toujours, la direction de course patiente quelques secondes avant d'agir, histoire de voir si les commissaires sportifs peuvent évacuer seuls la monoplace en perdition. Elle annonce que la voiture de sécurité se tient prête à intervenir, puis, enfin, la lance en piste et neutralise l'épreuve. Le quart de la course est alors atteint, et tous les leaders décident de ravitailler.

Les deux Ferrari bouclent toute la longueur du circuit et se présentent ensemble dans leur stand, le Brésilien devant l'Allemand. Massa est donc servi le premier pendant que Schumacher patiente derrière lui pendant 11 secondes avant de pouvoir faire le plein à son tour. Tout se joue à cet instant, puisque ces précieuses secondes permettent à Alonso de lui ravir la deuxième place.

Peut-être Schumacher aurait-il pu profiter des deuxièmes ravitaillements pour passer la Renault, mais une rapide excursion hors-piste le pénalise de cinq secondes supplémentaires et l'empêche d'y parvenir.

Ce n'est qu'à 16 tours de l'arrivée que l'Allemand parvient enfin à recoller à l'Espagnol. Dès lors, le duel entre les deux hommes est acharné. Schumacher sort toutes les ficelles d'un métier qu'il possède mieux que quiconque, mais ne peut rien contre un Alonso décidé à conserver sa position, et qui joue avec la mollette de puissance de son moteur comme un soliste de son violon.

Les deux hommes terminent roues dans roues. Dans un dernier baroud, l'Allemand se porte à la hauteur de l'Espagnol dans la dernière ligne droite. Au moment de franchir le drapeau à damier, 81 millièmes de seconde les séparent- l'équivalent d'un écart de 4,69 mètres au terme d'une course de 309 kilomètres!

Schumacher termine donc troisième et perd six points par rapport à la victoire qui lui était théoriquement promise.

Au moment où Vitantonio Liuzzi bloquait la piste, pourquoi les stratèges de Ferrari n'ont-ils pas demandé à Massa de laisser Schumacher le passer, juste avant de rentrer au stand pour ravitailler?

Une fois la voiture de sécurité en piste, les positions ne doivent plus changer. Mais juste avant, Ferrari disposait d'une trentaine de secondes pour inverser ses pilotes. «Nous pensions que mon avance sur Fernando était suffisante pour que je reste devant. Nous nous sommes trompés», explique Schumacher.

Jean Todt, le patron de la Scuderia, n'était guère plus loquace, hier soir, au sujet de ce qui passe pour une erreur tactique: «Si nous avions demandé à Felipe de laisser Michael le doubler, il aurait perdu toutes ses chances. Ce n'était pas la bonne approche, commentait le Français. Et une fois la voiture de sécurité en piste, on a plus le droit de toucher aux positions. Ce qui ne veut pas dire que nous ne l'aurions pas fait si nous avions pu...»

Une remarque qui implique que les dirigeants de Ferrari ont sans doute été pris de court- trente secondes, c'est peu pour prendre une telle décision- au moment où ils pouvaient encore agir. «Si nous avions demandé à Felipe de laisser passer Michael, il y aurait en ce moment 200 journalistes devant le motorisé pour nous critiquer», ajoutait Todt.

Une chose semble certaine: si Liuzzi n'avait pas causé la sortie de la voiture de sécurité, la course se soldait par un doublé Ferrari. Et cette fois, dans le bon ordre!