En marge du Grand Prix du Brésil de dimanche, les 11 écuries de Formule 1 ont renouvelé leur participation au Championnat du monde la saison prochaine. Mais provisoirement pour certaines d'entre elles. Menace de nouvelles faillites, audiences en baisse, spectateurs moins nombreux, manque d'intérêt des courses : l'épreuve reine du sport automobile est en crise. Voici pourquoi.

PARCE QUE L'INNOVATION, ÇA COÛTE CHER

En prenant un virage vert, voulu par la FIA et accepté par les écuries, le monde de la Formule 1 a mis le doigt dans un engrenage l'hiver dernier. Par souci d'économies d'essence, on a choisi un groupe motopropulseur hybride doté d'un V6 Turbo. Cette avancée technologique s'est retournée contre ses artisans.

«Ce nouveau moteur, d'un point de vue technologique, est une bonne chose. Mais [...] dans le cas de Lotus, cette année, ça nous a coûté de 50 à 60 millions US», a récemment précisé Gérard Lopez, patron de l'écurie. Pour chacune des équipes, les moteurs ont représenté au moins 30 millions de dépenses cette saison.

Laboratoire technologique, la F1 n'a cependant pas d'autre choix que d'avancer dans cette direction. «L'innovation est primordiale dans ce sport et l'innovation, ça coûte de l'argent», résume le directeur de l'écurie Ferrari, Marco Mattiacci.

PARCE QUE LA RÉPARTITION DES REVENUS EST INÉGALE

C'est le cheval de bataille des petites écuries, martelé depuis deux semaines. La moitié des revenus générés par la F1 est redistribuée aux équipes. De cette part, 50 % est attribuée équitablement. Les 50 % restants sont répartis selon un système complexe basé sur les performances sportives réalisées jusqu'à il y a trois ans en arrière.

Cette répartition a fait l'objet d'accords dit «Concorde» arrivés à terme il y a deux ans et toujours pas renouvelés. Ce sont ces accords que veulent revoir les petites équipes, moins performantes donc moins bien dotées. Il n'en est pas question pour les riches écuries, qui préfèrent que les revenus totaux de la F1 soient, eux, augmentés. Elles veulent «rendre le gâteau plus gros, mais pas changer la manière de le découper», a illustré Marco Mattiacci.

PARCE QU'IL N'Y A PAS DE PLAFOND BUDGÉTAIRE

Leur écurie placée sous administration judiciaire, les dirigeants de Marussia ont de quoi être amers. Comme nous l'avait expliqué cette saison, à Monaco, Graeme Lowdon, on est loin aujourd'hui des promesses clamées par les acteurs de la F1.

«Quand on s'est engagés en F1 en 2009, un communiqué affirmait que les conditions économiques auxquelles il fallait s'attendre devraient être similaires à celles du début des années 90. Si cela avait été le cas, on aurait été plus compétitifs. La réalité est que l'on n'a pas eu en F1 ces conditions économiques», déplorait alors le président et directeur sportif de l'équipe.

Il y a cinq ans, les patrons d'écurie s'imaginaient pouvoir fonctionner à terme avec un budget annuel de 35 millions. Cinq ans plus tard, non seulement personne n'a respecté ce principe, mais la course aux titres a fait exploser les budgets. Plus de 400 millions sont mis chez Red Bull. La rumeur veut que Mercedes ait injecté jusqu'à un demi-milliard dans cette saison pour être championne du monde.

Les petits n'ont jamais pu suivre. À 125 millions de budget cette année, Marussia a fini par dire «stop». Et les bons résultats ne suffisent pas à endiguer cette inflation. Juste pour le premier semestre de cette année, Williams a déclaré des pertes de 35 millions. L'écurie de sir Frank réalise pourtant sa meilleure saison depuis 11 ans.

Depuis quelques jours, l'idée d'instaurer un plafond budgétaire refait surface. On imagine mal les grands l'accepter.

PARCE QUE LES GRANDS S'EN MÊLENT

Les grands, justement, constructeurs automobiles pour la plupart, ont régulièrement fait des allers et retours en Formule 1. Lorsque l'on s'appelle Mercedes, Ferrari ou Honda - qui revient l'an prochain en tant que fournisseur de moteurs -, on a l'ambition d'être champion du monde, que ce soit à la tête d'une équipe ou en tant que motoriste. Et on s'en donne les moyens. Il en va de même pour une multinationale comme Red Bull.

Incarnation d'une certaine puissance financière, ces acteurs pourraient-ils accepter de diminuer considérablement leurs dépenses pour favoriser une saine concurrence ? Il n'y aurait plus beaucoup d'intérêt pour eux à rester en F1.

PARCE QUE LE SPECTACLE N'EST PAS AU RENDEZ-VOUS

Les budgets, les règlements et la technologie ont avec le temps aseptisé les courses, selon les puristes et les nostalgiques. Il est vrai que, cette saison encore, les batailles ont plus fait rage dans le peloton qu'en tête. Et encore. Personne n'a été en mesure de contester la suprématie de Mercedes. Mais n'oublions pas que, par le passé, Michael Schumacher et Ferrari n'ont laissé que des miettes aux autres dans les années 2000. Et on ne s'étend pas ici sur les quatre titres consécutifs de Sebastian Vettel et Red Bull. Bref, le problème ne date pas de cette saison.

La Formule 1 est devenue un sport à deux vitesses, à la banque comme en piste. C'est un cercle vicieux. Sans argent supplémentaire, les résultats ne peuvent pas s'améliorer. Et sans résultats, on ne peut justifier des investissements supplémentaires. « Si vous voulez avoir une voiture plus rapide, il faut dépenser plus, c'est aussi simple que ça. Et il faut de l'argent pour ça », nous résumait le printemps dernier Graeme Lowdon.

«Les gens aiment la diversité et la variété. Je ne pense pas que la F1 sera intéressante s'il y a uniquement quatre grosses équipes. [...] Les fans veulent voir des courses au coude-à-coude», rappelle celui qui était il y a peu de temps encore président de Marussia.