L'Allemand Sebastian Vettel (Red Bull) a étrenné son quatrième titre mondial, dimanche à Abou Dhabi, par une nouvelle démonstration parfaite de son talent et de sa maîtrise, à 26 ans seulement: c'était la plus aboutie de ses 11 victoires cette saison, dont sept de rang.

«C'était incroyable. À certains moments, j'avais l'impression de voler. Par moments, mon rythme était effrayant», a dit Vettel en toute candeur après une arrivée triomphale, sous les yeux de ses parents, saluée par un feu d'artifice dans la nuit de Yas Marina, le circuit le plus bling-bling de la planète F1.

«"Seb" était sur une autre planète aujourd'hui. Son premier relais annonçait un désastre pour nous», a souri Webber, résigné. À 37 ans et avec plus de 200 Grands Prix au compteur, l'Australien est encore très rapide (13e pole position samedi, devant Vettel), il a la même voiture, une RB9 à moteur Renault, mais arrive moins bien à gérer ses pneus et termine à 30 secondes... quand tout se passe à peu près bien.

En conférence de presse, Vettel semblait sous le choc de la performance qu'il venait de réaliser, comme s'il avait du mal à revenir sur terre après une heure et demie d'état de grâce, sur son nuage, sur un circuit qui lui réussit bien. C'est à Abou Dhabi que le jeune Vettel avait conquis son tout premier titre en 2010, à la surprise générale, face à Webber, Lewis Hamilton et Fernando Alonso.

«Il n'y a pas de secret»

C'est aussi à Abou Dhabi que, parti des stands à cause d'un déclassement en qualifications, il a terminé troisième l'an dernier, au terme d'une remontée épique. C'est probablement dans cette course qu'il a gagné les trois précieux points lui ayant permis ensuite de coiffer sa troisième couronne au Brésil, face à un Alonso qui avait longtemps fait figure de favori pour le titre.

Ledit Alonso a terminé à l'hôpital un dimanche pour le moins agité. Il a dû y subir des examens de contrôle pour des douleurs dorsales après s'être envolé sur un vibreur en voulant dépasser la Toro Rosso de Jean-Eric Vergne, à dix tours de la fin. Il a terminé 5e, en étant parti 10e, et a consolidé sa place de dauphin de Vettel.

Le double champion du monde (2005, 2006), n'en peut plus de répéter que sa Ferrari est moins bonne que la Red Bull de Vettel, et que faire le maximum au volant ne suffit pas. Dimanche en début de course, avec les mêmes pneus tendres, Vettel tournait deux secondes au tour plus vite que les monoplaces de la Scuderia.

Vettel va aussi plus vite... en usant moins ses pneus, ce qui est a priori contradictoire: un premier relais de 14 tours dimanche, alors que ses principaux rivaux ont changé de gommes au 7e tour (Hamilton), au 8e (Webber et Grosjean) ou au 10e tour (Rosberg). Dans ce domaine encore, Vettel est très supérieur. «Il n'y a pas de secret», dit-il, et c'est encore plus inquiétant.

Comme «Schumi» en 2004

Webber et Alonso éjectés de la trajectoire, il n'y a plus que Michael Schumacher pour lutter, à distance, avec le Vettel version 2013, un grand cru. Le surnom de ses débuts, «Baby Schumi», n'a plus de sens. Il va bientôt falloir lui trouver un nouveau label, «Schumi 2.0» ou «Mega Schumi», à force de le voir pulvériser, l'un après l'autre, les temps de passage de son glorieux aîné.

Les sept victoires d'affilée, ça remontait au Schumacher de 2004, chez Ferrari. Sauf que c'était l'apogée de sa carrière, à plus de 30 ans, l'année de son 7e et dernier titre mondial. Le seul point commun, c'est que la Scuderia de Jean Todt et Ross Brawn était alors toute puissante, imbattable, comme l'armada Red Bull Racing de Christian Horner et Adrian Newey aujourd'hui.

Où s'arrêtera Vettel ? Personne ne le sait, même pas lui. C'est peut-être pour ça qu'il semble savourer chaque moment de bonheur sur la piste, chaque pole position, chaque victoire, chaque titre, et qu'il prend le temps d'en parler après, avec un luxe de détails et une pointe d'émotion. «Peut-être, quand je serai plus vieux, je réaliserai...», a redit Vettel dimanche, sous un ciel étoilé.

Le baromètre des équipes: Red Bull et Mercedes continuent

La 17e manche de la saison de Formule 1, dimanche sur le circuit de Yas Marina, à Abou Dhabi, a permis à deux écuries, Red Bull Racing et Mercedes-AMG, en monopolisant le podium, de continuer leur marche en avant vers les deux premières places du Championnat du monde des constructeurs.

En hausse: Red Bull, Mercedes, Force India

Red Bull: Vettel vainqueur, Webber 2e

Vettel a fait encore mieux que d'habitude, a mis la barre encore plus haut, et personne n'a pu suivre son rythme infernal. En allant plus vite, en usant moins ses pneus, il a atteint la perfection digne d'un quadruple champion du monde, et tout a semblé facile pour lui. Webber aussi a été très bon, même s'il a un peu raté son départ, de la pole position, et il a terminé à 30 secondes de son jeune coéquipier.

Mercedes: Rosberg 3e, Hamilton 7e

Encore une très bonne course de l'Allemand, parti en deuxième ligne, qui a surpris Webber au départ, mais a dû baisser pavillon plus tard face à la Red Bull de l'Australien. C'est le 9e podium de la saison pour la marque à l'étoile, qui conforte sa 2e place au championnat constructeurs malgré une course ratée par Hamilton, dans la foulée d'un week-end compliqué: «J'ai été mauvais aujourd'hui», a reconnu Lewis, très déçu.

Force India: di Resta 6e, Sutil 10e

Les monoplaces indiennes sont encore rentrées dans les points, comme en Inde, grâce à des stratégies légèrement différentes: un seul arrêt pour changer de pneus, mais en démarrant en pneus tendres, pour di Resta, et en pneus medium, pour Sutil. L'Écossais, très économe, a réussi à faire 20 tours avec ses gommes tendres, soit six de plus que la référence Vettel, et l'Allemand a fait encore mieux: 27 tours, mais il a perdu pied en fin de course.

Stables: Lotus, Ferrari, McLaren, Williams, Caterham

Lotus: Grosjean 4e, abandon de Räikkönen

Grosjean, parti 6e sur la grille, a pris un super départ (4e au premier tour), mais s'est arrêté trop tôt (8e tour) pour changer ses pneus tendres, en même temps que Webber. Räikkönen, déclassé des qualifications, a bouclé très tôt un week-end pourri, en tapant dans une Caterham au premier tour, puis il est reparti en ayant touché une partie de son salaire.

Ferrari: Alonso 5e, Massa 8e

Alonso, parti de la 10e place, s'est battu comme un débutant en quête de reconnaissance pour remonter au classement, a failli heurter Vergne quand il est ressorti des stands au 45e tour, en pneus tendres, puis a terminé en trombe, en signant le meilleur tour en course dans sa dernière boucle. Massa, encore une fois très bon, aurait mérité mieux, mais a été victime de la stratégie de son équipe, avec en prime un arrêt un peu trop long dans les stands, ce qui l'a remis dans le trafic.

McLaren: Pérez 9e, Button 12e

Le jeune Mexicain, encore une fois dans les points, est peut-être en train d'assurer sa place pour 2014, en adoptant une approche un peu moins kamikaze en course. Avec sa stratégie à deux arrêts, il a fait mieux que l'Anglais, victime d'une touchette au départ qui l'a obligé à changer prématurément son aileron avant, et donc ses gommes, alors qu'il était parti en pneus medium pour tenter une stratégie à un arrêt. Patatras.

Williams: Maldonado 11e, Bottas 15e

Encore deux stratégies différentes, comme en Inde: pneus tendres au départ pour Pastor Maldonado, qui se rapproche des points, et pneus medium pour Valtteri Bottas, qui a dû s'arrêter à dix tours de la fin pour passer obligatoirement les tendres. Le niveau de performance s'améliore lentement, mais il ne reste plus que deux courses.

Caterham: van der Garde 18e, Pic 19e

Week-end satisfaisant pour l'écurie de Tony Fernandes, qui hésite entre remettre de l'argent au pot, pour passer un cap en 2014, ou passer à autre chose, parce que les week-ends se suivent et se ressemblent: bagarre de fond de grille avec les Marussia, mais impossible de viser plus haut, malgré les progrès des pilotes et la conscience professionnelle de l'écurie.

En baisse: Sauber, Toro Rosso, Marussia

Sauber: Gutiérrez 13e, Hülkenberg 14e

Les monoplaces suisses pouvaient espérer mieux, mais tout a raté: pneus tendres en milieu de course pour le Mexicain, et surtout passage obligatoire dans les stands pour l'Allemand, parti sur la 3e ligne de la grille, mais libéré trop tôt par son équipe lors d'un changement de pneus, ce qui a tout gâché. La sixième place des constructeurs, toujours occupée par Force India, s'éloigne.

Toro Rosso: Ricciardo 16e, Vergne 17e

Week-end catastrophe pour l'écurie de Faenza. Ricciardo a raté son départ et Vergne, en plus de manquer de réussite, n'est pas aidé par son équipe: la stratégie à un arrêt était une bonne idée, mais son deuxième train de pneus a trop faibli en fin de course et «JEV» a quand même dû s'arrêter une deuxième fois... à trois tours de la fin, perdant tout le bénéfice de ses efforts pour rester dans les points pendant 30 tours. Rageant.

Marussia: Chilton 17e, Bianchi 18e

Week-end sans intérêt pour les monoplaces russes qui terminent aux deux dernières places. Seule consolation, Chilton a terminé son 17e GP de la saison, pour 17 départs. Un sans-faute...