D'un côté, Red Bull et Mercedes qui souhaitent que Pirelli réussisse à améliorer les pneus afin de les rendre plus résistants. De l'autre, toutes les autres équipes de la F1 qui refuseront de donner leur assentiment si les changements proposés leur feront perdre des acquis. Et au milieu, un fabricant de pneus qui tente désespérément de sauver sa réputation.

Voilà le labyrinthe dans lequel se trouve actuellement le fournisseur officiel des pneus de la Formule 1.

«Nous avons une situation où une très grande majorité d'équipes ne veulent absolument aucun changement. Et elles sont très insistantes à ce chapitre, a décrit Paul Hembery, directeur des sports automobiles chez Pirelli, en faisant le point lors d'un point de presse tenu vendredi, après les deux premières séances d'essais du Grand Prix du Canada. Et nous sommes au milieu de tout ça, entre elles et les écuries qui désirent qu'on apporte des changements. Nous essayons de trouver quelque chose qui dégagera un consensus, même si c'est pratiquement impossible.

«Il y a différents scénarios qui se présentent à nous, a indiqué Hembery. L'un d'entre eux, c'est d'obtenir l'assentiment de toutes les équipes (pour intégrer les nouveaux pneus), ce qui est très peu probable. Mais nous avons d'autres idées, qui nous permettraient notamment de se rapprocher encore plus des caractéristiques des pneus actuels. Nous avons fait des tests en salle qui nous ont permis de tester la colle permettant d'améliorer l'adhésion entre les différentes composantes des pneus.

«Les équipes voudraient que nous trouvions une solution qui serait gagnante pour tout le monde, et qui ne changerait pas fondamentalement les caractéristiques des pneus. Un certain nombre d'équipes ont pris une certaine direction dans le design de leur voiture, basé sur les renseignements glanés jusqu'ici cette saison, et elles veulent maintenir ces acquis.»

Une autre étape en ce sens a été franchie, vendredi sur le circuit Gilles-Villeneuve, alors que la plupart des équipes ont fait quelques tours sur les deux nouveaux prototypes de pneus que Pirelli espère intégrer à la compétition. Et ce, dès cette saison, afin d'améliorer ses chances de voir la F1 reconduire son entente avec le fabricant de pneus.

Cette étape-là était parfaitement légale. Celle des essais privés avec Mercedes, survenue plus tôt cette année, fait toutefois l'objet d'un litige. Le tribunal international de la FIA devra déterminer, au cours des prochaines semaines, si des règles ont alors été violées.

À ce sujet, Hembery avait peu de choses à ajouter, vendredi, étant tenu au silence d'ici la résolution du conflit. Il a quand même reconnu que la situation est difficile pour son entreprise.

«C'est vrai que j'aimerais mieux qu'on parle de course. Je suis un amateur de course avant tout, a-t-il dit. Quand on va au tribunal, il faut suivre un processus - que nous sommes heureux de suivre, d'ailleurs - et tous les éléments qu'il y aura à dévoiler le seront pendant les instances. C'est le but d'un tribunal.

«Nous avons hâte de pouvoir faire la démonstration de notre point de vue et de notre situation. En attendant, ce n'est pas plaisant d'entendre des choses, dont certaines sont peut-être très éloignées de la réalité... Mais le but d'un tribunal est d'examiner toutes les données et les faits, dans un contexte approprié.»

Reste que les discussions sans fin sur la dégradation précoce des pneus Pirelli, dans le contexte de la F1, ne font rien pour améliorer la réputation de cette marque aux yeux des consommateurs de tous les jours. Ce qui est contraire à l'effet désiré puisqu'en s'associant à la F1, Pirelli espérait mousser ses ventes de pneus un peu partout dans le monde auprès des automobilistes.

Mais selon Hembery, ce n'est pas tant l'affaire des essais avec Mercedes que la façon dont Pirelli se retrouve coincée entre l'arbre et l'écorce dans l'univers de la F1, depuis plusieurs mois, qui déplaît au fabricant de pneus.

«Les discussions excessives concernant les pneus, c'est évidemment quelque chose qu'on n'aime pas voir, a reconnu Hembery. Nous allons attendre le tribunal, mais ensuite, il y aura plusieurs éléments dont il faudra discuter sur le plan sportif (avec la F1). Nous avons un point de vue et ce n'est pas encore le temps d'en parler, mais on parle ici d'aspects qui ont clairement un impact sur nos affaires, et c'est là quelque chose que nous surveillons de près.

«Ce n'est pas juste une question d'attendre que la vérité sorte (lors du tribunal), mais surtout une question de faire les choses différemment dans le futur. C'est ce qui manque pour l'instant et c'est ce que nous chercherons à corriger.»