Les pneus de l'unique fournisseur de la Formule 1, Pirelli, suscitent la colère dans les paddocks depuis le début de la saison. Pilotes et écuries leur reprochent leur usure prématurée, ce qui engendre parfois jusqu'à quatre arrêts aux puits - dénaturant ainsi la course. Comment en est-on arrivé là? Explication d'une saga qui est loin d'être terminée.

1- Premiers essais... (Novembre 2012)

En fin de saison, l'an dernier, Pirelli présente sa nouvelle gamme de gommes pour la saison 2013. Essayés pour la première fois au Grand Prix du Brésil, les nouveaux pneus seront globalement plus tendres. Les voitures devraient être plus performantes - une demi-seconde plus rapides au tour - et les dépassements, favorisés. En contrepartie, les nouveaux pneus vont s'user plus rapidement, avertit-on.

«Le but est d'obliger les écuries à pratiquer au moins deux changements de pneus par Grand Prix, là où certaines arrivaient à ne plus en faire qu'un seul à la fin de la saison 2012», explique Pirelli, qui pense ainsi favoriser le spectacle avec sa nouvelle gamme.

2- ...et premiers couacs (Février 2013)

Lors des essais d'avant-saison, les écuries découvrent réellement ces nouveaux pneus. En Espagne, à des températures plus froides que d'habitude, le doute et l'inquiétude s'installent chez toutes les équipes. «Les nouveaux pneus n'arrivaient pas du tout à fonctionner sous ces températures, témoigne Romain Grosjean, pilote de Lotus. On a constaté une dégradation beaucoup plus importante que ce que l'on pensait.»

«Il faudra très bien réfléchir pour préserver ces pneus le plus longtemps possible. L'usure des pneus va encore être un facteur très important», prévoit le pilote français en début de saison.

À ce moment-là, il ne croit pas si bien dire.

3- La polémique enfle (Avril 2013)

Le début de la saison de F1 ne rassure pas les équipes qui, pour beaucoup, ont du mal à gérer la dégradation rapide et excessive des pneus. Au Grand Prix de Malaisie, les pilotes font jusqu'à quatre arrêts aux puits pour changer de pneus! Ce scénario se répète à Bahreïn.

«Au milieu de la course, je me suis dit que le podium était envisageable, mais finalement, j'ai dû choisir entre attaquer et gérer les pneus. Si vous attaquez, vous détruisez vos pneus, mais si vous essayez de les économiser, vous vous faites doubler», déplore Mark Webber, pilote de Red Bull, à l'issue du Grand Prix de Bahreïn.

4- Pirelli modifie ses pneus... (Mai 2013)

Sous la pression de certaines écuries, dont Red Bull - qui ne parvient pas à bien gérer les pneus -, Pirelli annonce une modification de ses gommes «pour combiner la durabilité des pneus de 2012 avec le niveau de performance des pneus de 2013» et ainsi diminuer le nombre d'arrêts aux puits.

Cette annonce met en furie les patrons de Ferrari et de Lotus, dont les voitures usent moins leurs pneus et tirent un meilleur profit de ceux-ci.

«C'est comme si on modifiait la taille des buts de soccer en cours de saison, parce que certaines équipes n'arrivent pas à cadrer leurs tirs», indique le directeur de l'écurie Lotus, Éric Boullier, sur la chaîne de télévision française Canal +.

5- ...et se fait taper sur les doigts (Mai 2013)

Le manufacturier italien de pneus se fait rapidement taper sur les doigts par la Fédération internationale de l'automobile, qui lui impose de limiter au strict minimum les changements. Et si changements il y a, ils doivent être motivés par «des raisons de sécurité». Ceux-ci ne devront pas entraîner une dégradation moins importante des pneus ou un nombre moins élevé d'arrêts aux puits. Ils devront cependant faire en sorte que la bande de roulement du pneu ne s'arrache pas d'un coup, comme c'est arrivé à un pilote au Grand Prix d'Espagne.

Pirelli est coincé entre l'arbre et l'écorce. «Si on modifie trop les pneus, on nous dira qu'on a offert le titre à Red Bull», dit à l'AFP Paul Hembery, directeur de Pirelli Compétition.