Dernier pilote à avoir trouvé une écurie cette année, Jules Bianchi est devenu la révélation de ce début de saison de F1 chez les recrues. Avec la modeste équipe de Marussia, il a jusqu'ici bluffé tout son monde. À commencer par Ferrari elle-même, dont il est membre de l'Académie de pilotes. Rencontre.

Jules Bianchi n'a pas très bien vécu l'hiver dernier. Après une année d'attente et de patience comme pilote de réserve chez Force India, le Français de 23 ans a été écarté de la course au second volant au sein de l'écurie indienne en début d'année. Pendant les semaines qui ont suivi, son avenir s'est dessiné en pointillés. Jusqu'à ce vendredi 1er mars, jour de son embauche chez Marussia.

«C'était très dur, je ne savais pas où j'allais, commente-t-il en entrevue à La Presse. J'essayais de m'entraîner comme si j'allais être titulaire même si je ne savais pas vraiment où j'allais finir. Ce n'était pas simple, mais cela fait partie du jeu. Au final, j'ai réussi à rester calme et à m'entraîner au maximum pour être prêt au cas où je devenais titulaire. Et j'ai bien fait. Je suis devenu titulaire chez Marussia et non chez Force India.»

Son embauche confirmée le vendredi, le Niçois s'est assis dès le lendemain dans le baquet d'une Marussia pour la première fois. Un jour et demi d'essais plus tard, il découvrait le Grand Prix d'Australie... Une entrée en matière plus que rapide pour un invité de - vraiment - dernière minute.

«Je n'ai pas eu le temps de bien me préparer avec l'équipe [...]. La première course, c'était dur de savoir quel allait être notre vrai rythme par rapport aux autres. Mais on savait que l'équipe avait beaucoup progressé par rapport à l'an dernier», dit-il.

Au service de Force India l'an dernier, Jules Bianchi n'est pas réellement un novice. «En tant que troisième pilote chez Force India, j'ai quand même bien appris. Je savais déjà un petit peu où j'allais en arrivant en F1 cette année, donc ça m'a beaucoup aidé», dit celui qui possède un palmarès étoffé dans les catégories inférieures.

Mais l'antichambre de la Formule 1 n'est pas tout à fait de... la Formule 1. «La F1, c'est beaucoup plus professionnel, tout est beaucoup plus poussé, le moindre petit détail compte même si, dans les catégories inférieures, ça compte aussi. Mais ici, c'est encore plus marqué, explique Bianchi. Il faut vraiment être parfait sur tout. Même si chez Marussia on est encore dans une situation où on joue les fonds de grille. On essaie de progresser au maximum et pour ça, tous les petits détails comptent, que ce soit la préparation de la voiture ou de moi-même avant les courses.»

Aucun regret

Malgré la déception de ne pas avoir signé chez Force India, une écurie du milieu de tableau, Jules Bianchi n'a aucune amertume. «C'est une superbe occasion pour moi de courir en F1 chez Marussia. Je n'y vois pas de désavantages, cela se passe très bien pour le moment, je suis très content. On travaille comme dans les meilleures équipes du championnat. C'est ça qui m'a surpris, c'est qu'on travaille comme eux. Après on a moins de moyens, donc forcément, c'est un petit peu plus difficile. On peut beaucoup moins investir que les autres équipes dans certains domaines. L'aérodynamique, ça coûte très cher, donc forcément, on est beaucoup moins au point que les grandes équipes et que presque toutes les équipes du plateau.»

Plus faible équipe sur le papier, dernière du classement du championnat du monde en 2012 - avec Catheram - avec aucun point au compteur, Marussia fait figure d'épouvantail sur les circuits. Malgré de modestes moyens - et à l'exception de Monaco -, Jules Bianchi a jusqu'ici terminé chacune de ses courses, devançant chaque fois à l'arrivée son coéquipier, le Britannique Max Chilton, ainsi que les deux Catheram lors des trois premières courses. Un début de saison jugé «très positif» par l'intéressé lui-même, qui ne laisse pas indifférents les dirigeants de Ferrari qui l'ont intégré à leur académie de pilotes il y a quatre ans.

«Il fait une belle saison, il a réussi à avoir un très bon rythme, malgré les limites de sa monoplace. J'espère qu'il va continuer sur cette voie et je suis persuadé qu'il va continuer à démontrer son potentiel, non seulement dans son écurie actuelle, mais aussi dans d'autres écuries dans le futur», a commenté récemment Stefano Domenicali, le patron de la Scuderia.

«Je pense que beaucoup de personnes ont été surprises par mon début de saison, Ferrari les premiers, même s'ils savaient qui j'étais parce que j'avais fait beaucoup d'essais avec eux, réagit Bianchi. C'est sûr que c'est toujours bien de savoir qu'une équipe comme Ferrari s'intéresse à toi. Ils s'intéressent à moi pas forcément parce que j'ai de bons résultats, mais surtout parce que je suis dans leur académie. C'est important pour eux d'avoir investi sur quelqu'un qui fait de bons résultats.»

Face à la réaction du public et des médias, le cadet d'une famille de trois enfants sait qu'«il faut garder les pieds sur terre».

Son objectif pour cette saison est à la fois modeste et ambitieux quand on est chez Marussia: «J'ai à coeur de faire une saison complète en tirant le maximum d'expérience possible. Et puis après, si on peut faire un bon résultat dans la saison dans une course un petit peu folle, on essaiera de le faire. Pour l'instant, on a encore beaucoup de travail et moi aussi.»