Jacques Villeneuve s'est rendu en Italie mardi pour rendre hommage à son père, mort dans un terrible accident il y a 30 ans. Il y a trouvé un pays fou de Gilles Villeneuve, ainsi qu'une écurie déterminée à ne jamais oublier «celui qui représentait pour les Italiens l'essence même du pilote».

Jacques Villeneuve a commencé sa carrière de pilote automobile en voulant sortir de l'immense ombre de son père. Il fuyait les comparaisons plus vite qu'il ne terminait ses courses. «Les gens n'arrêtaient pas de me demander si je voulais poursuivre ce que mon père avait commencé, et blablabla. Mais je répondais non, je pilote parce que j'aime piloter. Ils ne comprenaient pas.»

Mais mardi, dans un survêtement rouge aux couleurs de Ferrari, marchant sous le soleil italien qui a vu les vrais débuts de son père en Formule 1, il ne lui avait peut-être jamais autant ressemblé.

Jacques Villeneuve s'est rendu au quartier général de la Scuderia, dans le village de Maranello, près de Modène, pour rendre hommage à son père. Le 8 mai 1982, Gilles Villeneuve est mort lorsqu'il a perdu la maîtrise de sa monoplace au Grand Prix de Belgique. D'autres auraient peut-être oublié le 30e anniversaire de sa mort, mais pas Ferrari ni ses fans.

Des dizaines de tifosi vêtus de rouge se sont regroupés dès la matinée le long de l'immense clôture qui ceinture le circuit de Fiorano. Mais impossible pour eux d'entrer. La piste d'essai de Ferrari est un saint lieu de la course automobile. Les badauds sont donc restés des heures à l'extérieur. Ils espéraient apercevoir Jacques passer en trombe au volant de la voiture que son père avait brillamment manoeuvrée en 1979 pour finir deuxième du championnat des pilotes, et qui a été sortie du musée pour l'occasion.

Qui sont ces gens fous de Gilles Villeneuve? Une fois la voiture d'époque remise au garage, le fils s'est essayé à une explication. «Sa vie s'est coupée net, et les gens sont restés sur leur faim. Il faisait rêver. Les Italiens surtout, mais beaucoup d'autres aussi, a lancé Jacques. De voir qu'il y a encore cet attachement, que les gens le portent encore dans leur coeur, c'est beau.»

Les fans n'étaient pas les seuls. Une trentaine d'anciens mécaniciens de Ferrari s'étaient déplacés. «Tous ceux qui sont encore en vie» ont fait le voyage, a précisé la mère de Jacques et veuve de Gilles, Joann Villeneuve. Elle en était très touchée. «Gilles était très proche de ses mécaniciens.»

Elle n'est pas étonnée de voir que l'Italie porte encore en son coeur le «piccolo canadese». «En Europe, ils ont une culture du souvenir. Est-ce surprenant qu'on se souvienne 30 ans après de Gilles à ce point? Oui. Mais je pense que Gilles représentait pour les Italiens l'essence même du pilote.»

«Il est mort comme il voulait mourir»

C'est peut-être ce qu'avait vu en lui Enzo Ferrari. Le fondateur de la célèbre écurie lui a donné son premier vrai volant en F1 en 1977. Gilles a ensuite porté les couleurs de la Scuderia pour le reste de sa carrière, amassant 66 départs, 6 victoires et 13 podiums.

«Villanova» pilotait encore une fois à l'ultime limite le jour fatidique du 8 mai 1982. Mais mardi chez Ferrari, les anciens de l'écurie ne voulaient pas parler de l'accident. Ils n'en avaient que pour les bons souvenirs.

«Il a vécu sa passion pleinement et il est mort comme il voulait mourir. Alors pourquoi être triste?» demandait Jacques, qui reste persuadé que son père aurait remporté le championnat en 1982 n'eût été de sa mort subite à l'âge de 32 ans.

Le fils a finalement accompli cet exploit 15 ans après la disparition de son père. «Je n'aurais pas eu de carrière s'il avait été en vie, croit Jacques Villeneuve. Il aurait essayé de la contrôler. Je n'aurais pu être moi-même. En tant qu'enfant, sa mort a été le jour le plus triste de ma vie. Mais en tant que pilote et qu'homme, ç'a été bénéfique.»

Lui-même est persuadé de pouvoir laisser ses enfants devenir pilotes s'ils le désirent. L'un d'eux semble d'ailleurs en avoir l'intérêt. «Mon plus jeune connaît toutes les marques, les modèles, et il ne vit que pour les voitures. Alors je peux m'imaginer que ça risque d'arriver.»

Qui sait, le nom de Villeneuve pourrait résonner une troisième fois en F1? Mais pour les dizaines de tifosi italiens qui s'étaient déplacés mardi, une chose est certaine: il n'y aura jamais plus un autre Gilles Villeneuve.