Le GP de Bahreïn se retrouve de nouveau sur la sellette, les opposants chiites de ce petit royaume du Golfe faisant monter la pression pour faire entendre la voix de leur révolte oubliée, au risque de compromettre la tenue de la course pour la deuxième année consécutive.

Des jeunes du collectif de la «Révolution du 14-Février» ont appelé à «trois jours de colère» du 20 au 22 avril, dates prévues de la course de Formule 1, pour entraver sa tenue, et lancé une campagne sur Twitter pour son annulation.

Dans le même temps, les manifestations d'appui se multiplient en faveur du militant chiite emprisonné Abdel Hadi al-Khawaja, en grève de la faim depuis deux mois et qui serait en danger de mort selon son avocat.

«La tenue de cette course sera improbable s'il arrive malheur à Abdel Hadi Khawaja ou Hassan Mashaimaa», a déclaré lundi à l'AFP Khalil Marzouk, un des dirigeants du Wefaq, principale formation de l'opposition chiite, qui ne cautionne pourtant pas l'annulation du Grand Prix de Bahreïn.

M. Mashaimaa, chef du mouvement radical Haq, condamné à la perpétuité comme M. Khawaja pour complot contre la monarchie, est atteint d'un cancer et l'opposition accuse les autorités de l'empêcher de poursuivre son traitement.

Mais les autorités se veulent rassurantes alors que ces tensions ont ravivé les craintes d'une nouvelle annulation du GP de Bahreïn, après celle intervenue l'an dernier à la suite de manifestations de l'opposition réclamant une véritable monarchie constitutionnelle.

«Nous voulons rassurer tout le monde à propos de la sécurité», a déclaré à l'AFP le patron du circuit de Sakhir, cheikh Salmane ben Issa Al-Khalifa.

Le directeur du circuit a défendu la course sur les ondes de la BBC Radio 4: «Le pays a souffert, l'économie a souffert. Tout ce qui est arrivé est très triste mais on ne peut pas revenir en arrière et refaire l'histoire. Il faut en tirer les leçons et repartir de l'avant», a-t-il estimé.

Les écuries redoutent les troubles

La Fédération internationale automobile (FIA) avait indiqué vendredi «surveiller et évaluer en permanence la situation» à Bahreïn et compter sur les autorités locales pour «garantir la sécurité» de l'évènement.

Selon deux journaux britanniques, les écuries de Formule 1 sont réticentes à disputer le prix en raison des troubles qui agitent ce pays.

The Guardian, citant un «membre important» d'une écurie ayant requis l'anonymat, assure que les équipes ont appelé la FIA à renoncer au Grand Prix. The Times affirme dans son édition de lundi que des centaines d'ingénieurs, mécaniciens et autres employés ont reçu deux billets différents pour quitter la Chine après la prochaine course prévue dimanche à Shanghai: l'un pour Bahreïn et l'autre pour l'Europe au cas où le GP serait annulé.

À Bahreïn, les forces de sécurité ont renforcé leur déploiement et installé, selon des témoins, des caméras de surveillance à l'entrée des villages chiites. Le circuit de Sakhir, au sud de Manama, se trouve près de villages chiites, théâtres de manifestations anti-gouvernementales quasi-quotidiennes.

«Les manifestations vont s'intensifier si Khawaja meurt», a averti Joe Stork, directeur adjoint de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord sans appeler à annuler la course. L'ONG Front Line Defenders, basée à Dublin et dont M. Khawaja est membre, a également mis en garde dimanche contre le risque de décès du militant.

«S'il meurt avant le GP de Bahreïn le 22 avril, il est impossible d'imaginer comment cette course pourrait se tenir», a affirmé la directrice exécutive de Front Line Defenders, Mary Lawlor.

Les chiites, majoritaires à Bahreïn, s'étaient soulevés le 14 février 2011, dans le sillage du Printemps arabe. Mais leur mouvement a été réprimé un mois plus tard par la dynastie sunnite, forte de l'appui des autres monarchies du Golfe, Arabie saoudite en tête, qui maintiennent depuis des troupes dans le royaume.

Photo AP