C'est vraiment un gros pari qu'a pris Mercedes en s'engageant directement en F1 cette saison.

Après des années comme motoriste, ponctuées par 67 victoires et quatre titres mondiaux, l'état-major du grand constructeur a décidé de faire renaître les légendaires «Flèches d'argent» qui avaient fait la gloire du sport automobile allemand avant la guerre et jusqu'en 1955.*

La tendance est pourtant tout autre en F1: depuis deux ans, Honda, Toyota, BMW et Renault se sont retirés et la FIA rêve de limiter les budgets. La participation massive de Mercedes témoigne surtout d'une volonté d'exploiter davantage l'image sportive de la marque.

 

Le grand responsable de ce retour est Norbert Haug, un gros bonhomme bourru, qui dirige le service Sport de Mercedes depuis plusieurs années. D'abord journaliste - il fut rédacteur en chef du réputé magazine Auto Motor und Sport -, il a été embauché par Mercedes en 1990 et a rapidement conçu un programme tout azimut avec des participations à la série allemande DTM, mais aussi aux 24 Heures du Mans et aux 500 Milles d'Indianapolis.

Arrivés en F1 en 1994, les moteurs Mercedes ont remporté 67 courses, soit plus du quart des épreuves. «Nous sommes fiers de ce palmarès, qui démontre évidemment les qualités des produits et du savoir-faire Mercedes, a expliqué Norbert Haug, à Monaco. Mais nous croyons qu'il est opportun de passer à une autre étape de notre programme en inscrivant directement nos voitures dans le Championnat du monde.

Avec deux pilotes allemands, on pourrait croire que l'équipe se pose en championne de sa nation. «Mercedes est une marque globale, qui a des intérêts partout dans le monde, a pourtant rappelé Haug. Nous portons fièrement nos couleurs, mais notre équipe est très cosmopolite.»

Des économies, quand même

Établi en Angleterre, très engagé financièrement dans l'équipe McLaren depuis plus de 10 ans, Mercedes Sport a d'abord tenté de racheter son partenaire pour créer sa propre équipe.

Ron Dennis y étant fermement hostile - en grande partie parce qu'il souhaite lancer une voiture de série l'an prochain, ce à quoi Mercedes s'opposait -, les relations entre les deux partenaires se sont graduellement refroidies.

Pas assez pour rompre les ponts - Mercedes continue de fournir ses moteurs à McLaren -, mais trop pour envisager des grands projets d'avenir.

Haug s'est donc tourné vers Ross Brawn, dont la nouvelle équipe venait de remporter un étonnant double titre (pilote-constructeur) et qui n'y était pas attaché pour des raisons historiques ou sentimentales. L'ingénieur britannique, qui sait compter, avait racheté l'équipe à Honda pour la somme symbolique d'une livre en 2009 et avait la possibilité de vendre la majorité de ses parts pour plusieurs dizaines de millions d'euros...

L'affaire était également très bonne pour Mercedes, qui a fait un important profit en revendant ses parts de McLaren et qui peut maintenant toucher tous les revenus commerciaux de sa nouvelle équipe. Les nouvelles «Flèches d'argent» portent en effet sans complexe les logos des commanditaires de l'équipe.

L'effet Schumacher

L'embauche de Michael Schumacher était évidemment la pièce maîtresse du grand plan de Haug, même si elle n'était pas prévue au départ. «Nous rêvions d'avoir Michael avec nous depuis plusieurs années», a rappelé le directeur d'équipe à Monaco.

«Au moins trois fois, en 1995, 1998 et 2005, nous avons eu des pourparlers avec son entourage pour un éventuel transfert chez McLaren-Mercedes. Cela ne s'est pas réalisé à l'époque, mais nous en parlions souvent, un peu à la blague, un peu sérieusement, chaque fois que nous nous croisions.

«Cet hiver, quand il est apparu évident que nous ne garderions pas Button, nous avons vite convenu avec Ross (Brawn) que Michael était la meilleure option pour nous. C'est moi qui l'avais embauché dans la filière Mercedes Junior au début de sa carrière et je suis heureux de voir qu'il est enfin pilote Mercedes en F1, même si c'est dommage qu'il soit devenu entretemps le plus grand pilote de l'histoire pour d'autres équipes...»

La présence de Schumacher n'a pas encore permis à l'équipe de répéter ses succès de l'an dernier, bien au contraire. Haug prône la patience. «Michael a un contrat de trois ans avec nous, a fait remarquer Haug. Nous ne sommes pas au niveau que nous le voudrions actuellement, c'est vrai, mais nous progressons bien et je crois que notre potentiel est plus grand que celui de nos rivaux..

«Tôt ou tard, je suis convaincu que les Mercedes vont gagner en F1.»

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* Mercedes s'est retiré du sport automobile en 1955 après le grave accident du Français Pierre Levegh au 24 Heures du Mans. Le pilote et 82 spectateurs avaient perdu la vie quand sa Mercedes avait bondi sur un talus avant d'exploser dans une tribune bondée.