Le 13 mai 1950, la Formule 1 vivait sa première course à Silverstone, en Grande-Bretagne; soixante ans plus tard, la première journée d'essais libres du Grand Prix de Monaco 2010 a montré combien la discipline s'est métamorphosée en profondeur.

La F1 à ses débuts, sport de "gentlemen-drivers", n'a plus rien à voir avec l'incroyable machine économico-médiatique abreuvant 650 millions de spectateurs à travers le monde, selon les chiffre revendiqués par la FOM (Formula One Management), qui gère les droits commerciaux de la compétition.

 

Les monoplaces de l'époque, Alfa Romeo, Ferrari ou encore Simca, d'une puissance moitié moins élevée que celle des Formule 1 actuelles (350 chevaux contre 700), ont l'air de fusées sur quatre roues, à l'aérodynamique rudimentaire... et dénuées de commanditaires.

 

Le premier champion du monde, l'Italien Nino Farina, s'impose en 1950 face aux futurs héros que sont son compatriote Alberto Ascari (deux titres) et surtout l'Argentin Juan Manuel Fangio (cinq) après avoir survécu à plusieurs graves accidents. Les pilotes courent alors des risques énormes dans des conditions de sécurité souvent précaires, pour la gloire bien plus que pour l'argent.

 

En quelques décennies, l'Autrichien Jochen Rindt, sacré à titre posthume, l'Italien Lorenzo Bandini, le Québécois Gilles Villeneuve, l'Italien Elio di Angelis, sont entre autres passés de vie à trépas, rejoints par l'idole Ayrton Senna. La mort en 1994 du Brésilien (trois titres), dont les accroches avec le Français Alain Prost ont nourri l'histoire du sport, «déclencha une prise de conscience de la sécurité», écrit Prost en préface de l'ouvrage «1950/2010: une légende de 60 ans», par Renaud de Laborderie et Serge Ballu (édition Solar).

 

«Pour schématiser l'évolution de la F1, elle est passée de la période Fangio à la période Hamilton. Aujourd'hui, il n'y a pratiquement aucun risque en F1», semble regretter le Français, qui, lui, «aurait aimé défier Fangio en course». Plus sûres, les monoplaces sont aussi plus puissantes, plus profilées, plus extrêmes... grâce à un enrichissement massif de la discipline, que rejoignent les constructeurs automobiles dans les années 1980-1990. Diffusée sur une bonne partie du globe, la Formule 1 devient strass, paillettes... et marketing.

 

Ses héros d'antan deviennent vendeurs de voitures, produits financiers ou billets d'avion. «La F1 de 2010 n'est pas celle d'il y a 30 ans, mais les pilotes sont les mêmes. Évidemment, maintenant, il y a des obligations. Le système est bien rodé, parfaitement, peut-être un peu trop, reconnaît Renaud de Laborderie. Mais une fois qu'un pilote est dans son cockpit, il est tout seul. Il est comme un pilote de 1980, qui préfigurait celui de 2010. Et les pilotes de 1960-1965 étaient aussi bon, peut-être meilleurs, que ceux de maintenant. Tout se tient.»

 

Délaissée l'an passé par certains de ses plus gros soutiens, attaquée pour son coût environnemental, moquée pour les valeurs de fureur mécanique qu'elle dégage, la F1 connaît aussi une crise. Ce qui n'inquiète pas Laborderie: «Le sport automobile reste un flambeau. Un pilote de F1 est aussi différent du conducteur lambda que (Rafael) Nadal du tennisman basique. Ils incarnent le rêve. Conduire est à la portée de tout le monde. Piloter comme un champion, c'est autre chose.»