Le gouvernement canadien, le gouvernement du Québec et la Ville de Montréal vont bientôt annoncer une nouvelle proposition financière au grand manitou de la Formule 1, Bernie Ecclestone, afin de permettre le retour du Grand Prix du Canada à Montréal pour un minimum de cinq ans, voire de façon permanente.

La Presse a appris que les discussions entre les trois ordres de gouvernement, en cours depuis huit mois en vue de récupérer la course de Formule 1, ont beaucoup progressé et qu'une annonce sera faite prochainement. Ces échanges ont lieu à un très haut niveau.

 

Le maire de Montréal, Gérald Tremblay, le ministre des Finances et ministre responsable de la métropole, Raymond Bachand, et le ministre fédéral des Travaux publics et responsable de la région de Montréal, Christian Paradis, y participent directement. Un homme d'affaires québécois sert de lien privilégié avec Bernie Ecclestone. Selon plusieurs sources, cet homme d'affaires est l'ex-ministre conservateur Michael Fortier, que La Presse n'a pu joindre.

 

L'entente entre les trois ordres de gouvernement est pratiquement ficelée. Elle tient compte de nouvelles considérations financières mais aussi de la capacité de payer des trois gouvernements. Bernie Ecclestone avait demandé plus de 30 millions par année pour inscrire Montréal dans le calendrier de la Formule 1.

 

«Irréaliste»

Le contrat qu'il proposait l'an dernier, accompagné d'une double garantie gouvernementale et bancaire, prévoyait que le Grand Prix du Canada fournirait 173,5 millions à l'entreprise de M. Ecclestone, Formula One Administration Limited (FOA), pour les années 2009 à 2013.

 

Cela revenait à demander 34,7 millions par an à Montréal. Mais il ne s'agissait que des frais de plateau fixes, une dépense centrale de l'organisation d'un Grand Prix de Formule 1, puisqu'il s'agit du coût d'invitation des écuries. À côté, M. Ecclestone demandait à bénéficier des revenus liés à la visibilité sur le circuit Gilles-Villeneuve et aux loges privées d'entreprises des paddocks, soit des revenus supplémentaires de 16 à 20 millions.

 

Les trois ordres de gouvernement avaient rejeté cette proposition, jugée «irréaliste». Ils avaient plutôt offert le 4 novembre 2008 que le total des frais de plateau soit de 110,5 millions de 2009 à 2013, soit 22,1 millions par année en moyenne. S'ajoutait une participation aux profits qui correspondait à un minimum de 10 millions. Ecclestone réclamait par ailleurs à Normand Legault 12 millions que le promoteur du Grand Prix montréalais devait, selon lui, à sa compagnie responsable de la commercialisation des droits de la Formule 1. M. Legault a répondu ce printemps par la bouche de ses avocats... et le dossier n'est toujours pas réglé.

 

Selon nos sources, le maire Tremblay, qui sollicitera un troisième mandat aux élections du 1er novembre prochain, veut régler rapidement ce dossier afin de ne pas être perçu comme celui qui était maire de Montréal quand le Grand Prix du Canada a disparu.

 

L'objectif est donc de faire en sorte que Bernie Ecclestone, qui deviendrait le seul promoteur du Grand Prix de Montréal, soit satisfait de la proposition financière et qu'en même temps, il comprenne que Montréal est une étape marquante dans le milieu sélect de la Formule 1 et importante tant pour les constructeurs automobiles que pour sa propre entreprise.

 

M. Ecclestone a eu écho de pressions de la part de plusieurs écuries de Formule 1 qui sont en faveur d'un retour de ce circuit automobile en Amérique du Nord, une vitrine majeure pour leur marché. De plus, les courses disputées la saison dernière dans de nouveaux pays ne semblent pas avoir toujours connu le succès financier et populaire escompté.

 

Impact sur l'économie montréalaise

La proposition qui sera annoncée sous peu tient compte du fait que l'impact du Grand Prix sur l'économie montréalaise est très important. La Ville estimait l'an dernier que les retombées économiques du Grand Prix étaient de 75 millions, avec des revenus fiscaux de 20 à 25 millions pour Ottawa et Québec. Or, selon nos informations, l'ampleur des retombées économiques aurait été revue à la hausse, ce qui dégagera un peu d'argent pour bonifier la proposition financière.

 

Québec, Ottawa, la Ville de Montréal et Tourisme Montréal pourraient ainsi offrir l'équivalent de 15 millions par année pendant cinq ans. De cette somme, 5 millions proviendraient des gouvernements, 5 millions de Tourisme Montréal, 3 millions d'une enveloppe fédérale pour les manifestations de grande portée internationale et le reste de la métropole, sous forme surtout de services et d'amélioration des équipements.

 

«La Ville n'a pas les moyens de donner une grosse somme d'argent, nous dit une source proche de l'administration Tremblay. Mais on peut offrir gratuitement tous les services municipaux nécessaires à l'organisation du Grand Prix, comme le service incendie, les services de police, la location des installations, l'accès à tout le territoire nécessaire, etc. Le maire Tremblay veut que ce soit une offre rentable pour toutes les parties.»

 

Montréal a ainsi récemment décidé d'acheter l'équipement qui appartenait au Groupe Motorisé International (GMI), de Normand Legault, soit des plateformes, des écrans géants et des barrières pour le circuit Gilles-Villeneuve, un investissement de 1,5 million.

 

Avec la proposition financière de 15 millions s'ajouteraient les revenus des trois jours du Grand Prix, sûrement aux alentours de 30 millions en 2010, donc un total de 45 millions par année directement dans les goussets de Bernie Ecclestone. De plus, devenu le promoteur de la course, il va pouvoir se tourner vers un organisateur local pour gérer la manifestation. François Dumontier, président d'Octane Management, est actuellement le grand favori pour remplir ce rôle.

 

«Les trois ordres de gouvernement veulent une solution à long terme, nous dit notre source. Une entente avec la FOA devra se faire sur 5 à 10 ans. Ce sera une proposition réaliste qui tiendra compte de la capacité de payer des contribuables et du fait que les dépenses de la Ville sont gelées.»