Vous ne trouvez pas que Rubens Barrichello a une belle tête d'imbécile?

Ça semble du moins être l'avis de Ross Brawn, propriétaire de l'écurie qui porte son nom. Hier, en Espagne, Brawn a traité le vétéran Brésilien sans le moindre respect. Barrichello avait gagné la tête du peloton en dépassant son coéquipier Jenson Button dès le second virage. Sa première victoire de l'année se profilait dans les collines catalanes. Le pépé de la grille, qui laisse les petits jeunes mordre la poussière, ça faisait une magnifique histoire, non?

Mais Brawn ne l'a pas entendu ainsi. Il a changé la stratégie d'arrêts aux puits de Button, ruinant du coup tous les espoirs de Barrichello. Le pauvre Brésilien s'est retrouvé avec une stratégie de trois ravitaillements complètement bancale et a croisé l'arrivée 13 secondes derrière le Britannique. Zéro suspense.

 

Il fallait voir la tête d'enterrement de Barrichello en conférence de presse après la course. Il s'est décomposé sous nos yeux, tentant tant bien que mal de ne pas faire de vagues. Toujours (trop) poli, il s'est dit «surpris» de la décision de son écurie... Anéanti, catastrophé, furax aurait été plus juste.

L'équipe a fait son travail de «damage control» en laissant planer un doute sur un possible pépin mécanique qui aurait ralenti le Brésilien. Sauf qu'avec un arrêt de plus aux puits, c'était demander l'impossible, même avec une mécanique parfaite.

Après avoir été le valet de Michael Schumacher pendant six ans chez Ferrari, Barrichello doit se demander s'il ne se retrouve pas maintenant dans le triste rôle de faire-valoir de Button, un pilote qui n'avait pas encore de poil au menton quand le Brésilien a commencé en F1, il y a 17 ans. L'écurie britannique a-t-elle choisi de miser tous ses pions sur un seul homme? Après ce qui s'est passé hier, on peut craindre le pire.

S'éclipser derrière Schumacher, passe encore pour Barrichello (quoi que...), mais derrière Button? À ce qu'on sache, le Britannique n'est pas à la poursuite d'aucun record et après seulement cinq épreuves, ses chances de gagner le titre sont encore très hypothétiques. La saison est encore jeune...

Brawn est reconnu comme le plus grand stratège de la F1. C'est peut-être aussi le plus machiavélique. C'était lui qui avait demandé à Barrichello de lever le pied pour céder la tête à Schumacher, lors de cet infâme Grand Prix d'Autriche de 2002. La planète F1 avait fait des gorges chaudes de la tactique... «Mascarade, scandale.» Hier?

Quelques sous-entendus ici et là, mais rien pour déchirer sa chemise...

Si le petit stratagème d'hier était plus discret qu'en Autriche, il n'était guère plus gracieux. À l'heure où la F1 traverse une «phase critique» (dixit tout le paddock), pourquoi ne pas laisser les deux pilotes se battre à la régulière?

Pourquoi nous priver d'une vraie bataille entre deux excellents pilotes?

C'est ça, le sport. Le reste n'est que marketing.